L'image de la femme dans la société (... sujet sans boobs)

Merci pour ton retour :slight_smile:

Ce passage m’intrigue quand même. Pourquoi regretter le dépôt de plainte? Parce que ça n’aboutit pas ? Parce que ça force à « revivre » les choses ?

C’est vraiment très intéressant vos interventions. Par contre le retournement pour jeter l’opprobre sur les asso c’est quand même assez fort. D’après vous les forces de l’ordre et le corps médical font toujours tout bien ou les problèmes sont anecdotiques mais les vilaines asso sont celles qui se trompent.

Je ne dis pas que ça n’arrive pas, ou qu’elles sont parfois mal informées ou aveugles car militantes, mais quand même, c’est une sacrée pirouette de tout leur mettre sur le dos (et on a tous des biais selon nos occupations, nos idées, etc. je ne dis pas).

Ceci étant, encore une fois c’est très intéressant d’avoir vos retours d’expérience et merci pour les boulots que vous faites :pray:

5 « J'aime »

Ce n’est pas un retournement, c’est l’explication de ce que l’on vit professionnellement au quotidien. Qui tranche certes avec ce qu’on voit dans les médias, ou en tout cas amène à nuancer fortement.

Si tu me lis, tu verras que je n’ai pas dit que les forces de l’ordre faisaient toujours tout bien, mais le plus souvent. Or, non seulement cette réalité concrète de terrain ne ressort pas dans la communication des associations, mais celle-ci peut aussi avoir des effets très concrets de découragement pour les professionnels impliqués. Mais pour des médias binaires, dire « les flics sont des salauds de culture machiste qui laissent faire » c’est plus vendeur… Et démago.
Les professionnels de santé, globalement, c’est pareil: les non-spécialistes ratent parfois les choses, parfois en pensant bien faire, parfois parce qu’ils sont victimes de préjugés. Mais globalement ils ont à cœur de bien faire. On ne martèlera jamais assez cette vérité première : face à une victime, il faut se garder du « prêt-à-penser » : il faut toujours écouter sa situation singulière et s’y adapter.

Maintenant, des assos d’aide aux victimes de violences, il y en a plusieurs. Certaines sont plus ou moins « virulentes » mais clairement, aujourd’hui (je n’aurai pas dit la même chose il y a dix ans) leur boulot n’est pas forcément incroyable. On peut être une victime bien prise en charge sans nécessairement en passer par elles (même si par exemple, nous remettons systématiquement leurs coordonnées aux victimes). Elles ne sont pas « vilaines » ou « nulles », abattent un boulot d’utilité publique, mais certaines font preuve d’un aveuglement militant qui ne va pas toujours dans le sens de l’écoute de la victime (comme dans tout militantisme, il faut se méfier de l’endoctrinement, avec une tendance à prescrire la « bonne attitude » à la victime).

Le texte ne vise pas à « tout leur mettre sur le dos » (c’est un sacré raccourci, retourne voir les nuances) mais à pointer que les encenser « aveuglement » au motif que leur action serait noble est probablement aussi une approximation.

Je parlais l’autre jour, ici ou sur un autre topic, des mauvaises sublimations des traumas. Force est de reconnaître que certaines personnes, après un trauma, vont s’investir corps et âme dans du militantisme « anti-agression ». Je continue de penser que ce n’est pas une authentique guérison alors, juste une stabilisation du trouble (leur vie continue de tourner autour de cette question). Ce peut-être à respecter évidemment, mais ça peut rendre ces personnes « ingérables » et finalement inattentives à la victime: c’est toujours leur propre cas qu’elles voient et traitent derrière. Qu’on ne détourne pas ce que je dis: NON, ce n’est pas une généralité (mais c’est fréquent) et OUI ces assos sont utiles. C’est seulement l’angélisme et le manichéisme qui sont pénibles.

Édit: pardon, je n’avais pas répondu à ta première question sur « pourquoi regretter d’avoir porté plainte »…
Là encore, il y aura autant de situations que de victimes. Mais ça se rattache toujours peu ou prou aux mêmes réflexions: ça détruit parfois des familles ; ça affiche parfois des secrets, des misères sexuelles… Et pour certains cela aggrave momentanément les difficultés d’ordre post-traumatique. J’insiste là-encore: un trauma, ça se soigne. Mais dans l’attente du soin, ça doit s’aborder avec tact (pas toujours avec pudeur, par définition concernant les affaires sexuelles la pudeur nous emmerde surtout).
Ce sont surtout les conséquences sociales qui en effraient certain(e)s. A raison parfois. Et oui, j’ai des patients qui, clairement, auraient eu personnellement meilleur compte à se soigner mais à ne pas porter plainte. C’est minoritaire mais non rare, paradoxal, peu entendable sur Twitter ou dans les médias, mais c’est aussi une réalité de terrain.

J’ai aussi des gens très désemparés après le procès, même s’ils sont reconnus victimes, un peu en mode « tout ça pour ça ». Un grand vide après l’épreuve, et se reconstruire n’est pas toujours une partie de plaisir (et on l’aura compris, militer à son tour me paraît un piège dans bien des cas). Être reconnu victime par la société, des fois ça aide, des fois ça enferme, des fois ça ne sert à rien. Ça dépend du vécu du sujet…

17 « J'aime »

Encore une fois, en totale adéquation avec le propos de @zythum.

@hexolitemax ; je me suis mal exprimé et je m’en excuse. Mon propos n’avait pas pour but de jeter l’opprobre sur les associations d’aide aux victimes. Ce sont souvent des personnes dévouées à leur tâche et qui doivent faire beaucoup avec peu. J’ai travaillé, notamment en matière de violences conjugales, avec des assistantes sociales et des psychologues qui étaient des professionnelles très compétentes, mais également des gens dotés d’une grande humanité. Non, le seul reproche que je pourrai peut-être leur faire est de trop sacraliser la parole de la victime là où un enquêteur ou un magistrat abordera toujours le discours de la victime sous l’angle des « trois possibles » :

  • Les faits se sont passés.
  • Les faits ne se sont pas passés.
  • Les faits se sont passés différemment.

Mais leur coeur de métier n’est bien évidemment pas d’enquêter sur les faits. Il est néanmoins important, comme je l’ai déjà indiqué, de rester « réglo » vis-à-vis de la victime ; non, comme l’a dit Zythum, toutes les procédures pénales ne sont pas réparatrices. Et au risque de choquer, elles ne sont même pas là pour ça ! D’où parfois la dichotomie entre les attentes des victimes et la déception quand vient la décision judiciaire.

Non, le discours que je trouve malveillant est bien celui des associations féministes militantes. Ces dernières ont souvent une partie de leur activité consacrée au conseil aux victimes, pour le coup des femmes victimes de violences (sexuelles ou non), mais les propos qu’elles tiennent sont souvent destinés à servir leur propre agenda et visées politiques. Si j’étais taquin, j’irai même jusqu’à dire que faire miroiter à des victimes une issue favorable à une procédure pénale alors qu’elles savent que la décision judiciaire sera défavorable leur permet de renforcer leur discours sur la partialité de la justice, et donc sert au final leur but. Mais elles n’oseraient quand même pas, non ? :wink:

Je suis d’autant plus amer sur le sujet que c’est l’une des rares fois dans ma vie où j’ai eu la sincère envie de m’engager, de militer. Mais la lecture des professions de fois des diverses associations auxquelles je me suis intéressé m’a bien plus repoussé que motivé.

Ce passage m’intrigue quand même. Pourquoi regretter le dépôt de plainte? Parce que ça n’aboutit pas ? Parce que ça force à « revivre » les choses ?

Je vais te donner un exemple concret, l’un des derniers dossiers que j’ai traité.

Soirée entre adolescents, ça picole un peu mais pas plus que ça, et tout le monde va se coucher. Une ado se retrouve dans la même chambre, puis dans le même lit, que son petit copain. Forcément, ce dernier aimerait bien un rapport mais la jeune fille n’y est pas favorable. Il insiste mais elle refuse et les choses en restent là. Sauf qu’un peu plus tard, elle prend l’initiative de faire les préliminaires. Lui ne dit pas non, bien évidemment, et propose de nouveau un rapport à sa partenaire… qui va une nouvelle fois refuser. Et le garçon de respecter son choix et n’insistera plus.

La situation est, je pense, assez claire pour tout le monde, même sans être juriste.

Pourtant, deux jours après, cette ado (qui était mineure) et sa mère étaient dans mon bureau pour déposer plainte. D’une part, la jeune fille n’avait absolument pas envie d’en parler ; elle jugeait l’attitude de son petit ami pas forcément des plus correctes mais pas non plus dans le registre de l’agression. D’autre part, lui ayant expliqué les dessous de la procédure pénale, elle avait bien compris que cela n’irait nul part. Pire, elle ne souhaitait pas vraiment que son petit ami ait des soucis avec la police, et au delà avec la justice !

Mais la mère ne voulait rien entendre et étant la civilement responsable de la jeune fille, la procédure a été initiée. Ce fut au final un beau gâchis ! Tant pour la jeune fille que pour le jeune homme, et même pour la mère qui reste persuadée que sa fille a été victime de quelque chose.

15 « J'aime »

Merci d’illustrer aussi parfaitement ce que je voulais dire (mais sans exemple, j’étais moins clair) par « le consentement en zone grise ».
C’est toujours noir et blanc dans les médias, et dans les discours militants contre les « violences faites aux femmes ».

Sauf que la réalité, c’est bien plus souvent des trucs comme ça.
La jeune fille de l’exemple était-elle consentante ? Bien malin qui peut le dire, la réalité c’est que personne n’en sait rien et d’ailleurs elle non plus.
C’est tout le problème d’une ambivalence qu’on écarte toujours trop vite.
Mais il y aura toujours des militants féministes soi-disant bien intentionnés pour asséner des trucs qui sonnent vachement bien mais sont creux, démago et dangereux (parce qu’ignorant la complexité de la vie psychique) du type « une femme sait quand son consentement n’est pas là », ou encore « si on se pose la question c’est déjà qu’on ne consent pas ». C’est beau, c’est poétique, c’est… souvent faux. Et je le dis pour entendre en permanence en entretien des femmes qui n’arrivent pas à savoir si elles étaient consentantes, et s’en culpabilisent terriblement ; toutes choses que les marchands de réponses simples balayent d’un revers de main.

Judiciariser ça donne régulièrement des catastrophes… On monte en épingle quelque chose qui n’aurait pas dû l’être, et ça cause du tort à tout le monde. Et notamment à celle qu’on va aussi inscrire alors dans un statut de victime dont elle aura parfois du mal à sortir, psychiquement parlant. A plus forte raison si finalement il n’y a pas de condamnation (c’est classique) mais parfois aussi s’il y en a une.

Un verdict ne sonne pas souvent comme une victoire, quel qu’il soit.

15 « J'aime »

Échange très intéressant ! Merci à vous pour vos retours d’expérience et de terrain !

4 « J'aime »

Trop compliqué, faut tronçonner 10 post par 10 post… :confused:

Je comprends mais du coup le sujet est devenu un peu sujet-poubelle: dès qu’on parle de la place de la femme et/ou de féminisme ça atterrit ici, dans un sujet dont le nom ne correspond pas du tout.

Si on ne peut pas faire un sujet par discussion pourquoi ne pas avoir un nom plus général ?

Je ne trouve pas que ce soit une bonne idée de changer le nom, parce que je ne trouve pas qu’il soit bon d’avoir un sujet « poubelle à questions féministes ». C’est le plus sûr moyen pour que la plupart s’en détournent. Je continue de plaider pour une découpe en fonction des grandes questions. Peut-être pas pour le passé, mais au moins pour la dernière en date.

Et franchement, au moins pour cette dernière conversation, il est relativement aisé de la faire débuter au post initial d’@uphir (#2363) détaillant sa position vis-à-vis des revendications féministes… Ok, c’est approximé, mais ça correspond à une certaine dynamique des échanges.

3 « J'aime »

Je suis d’accord avec toi, c’est juste une autre option s’il ne peut pas y avoir de découpage. :slight_smile:

En tout cas, le graphiste s’est pas fait chié question évolution de la charte quatre ou cinq ans après.

1 « J'aime »

'tain, le sujet a pris du niveau pendant le week-end !
Merci aux intervenant, c’est super intéressant.

J’aimerais réagir sur deux points.
Et je précise tout de suite que c’est un point de vue de lambda, n’ayant aucune connaissance en droit ni en soins.
Dites-vous que je suis celui qui lit les médias et entend les messages des associations :smiley:


On ne peut qu’être d’accord avec la première assertion, mais je me pose la question de l’impunité.
Autant je peux comprendre que parfois pour une victime passer par la justice ne servira à rien (voire pire) autant j’ai du mal à admettre que, conséquemment, l’auteur potentiel du crime puisse ne pas en être inquiété.


Je suis peut-être victime du discours général sur le consentement mais j’ai tendance à penser qu’il devrait être, disons, entier et conscient, et que s’il ne l’est pas, en effet (cf. elle se pose la question), c’est qu’il n’y en a pas.

Mais.

Je reconnais aussi l’impasse dans laquelle ça peut placer les gens.
Si on prend l’exemple d’une dame qui déclare ne pas savoir si elle était consentante ou pas, qu’on considère, comme j’avoue le faire, que c’est un cas assez clair dans lequel elle ne l’était en fait pas, cela veut dire aussi qu’il aurait fallu que le partenaire lise les pensées de la dame pour savoir qu’en fait elle ne savait pas vraiment.
C’est sûr que sur le papier (ou sur Twitter) ça se résout assez facilement par un « elle n’a pas dit ‹ ‹ oui › › à haute et intelligible voix » mais j’imagine facilement que dans les faits rien n’est aussi simple.

rahlala :confused:

4 « J'aime »

Tout se résume à ça, oui.

Mais par pitié, le coup du « le consentement c’est simple et si on a un doute, c’est qu’on ne consent pas », vous n’avez pas idée d’à quel point c’est culpabilisant… (« je suis vraiment nouille, j’aurais dû savoir »).

2 « J'aime »

Tu peux aussi dire “oui” pour plein de raisons. Qui ici n’a pas consentit a des rapports alors qu’il n’en avait pas envie ? Et ca ne touche pas que les femmes.

Ci joint un rapport du cdc sur les violences sexuelles sur les hommes aux États Unis

1 « J'aime »

Aux États Unis dans plein d’Etats/Universités, si de l’alcool ou de la drogue ont été consommé meme par les deux partenaires, un oui exprimé n’est pas un consentement valide au niveau de la loi.

Excellente question @patman, et c’est l’un des points que je m’étais promis de développer ce week-end (mais le temps m’a manqué !). Du coup, puisque tu m’en donnes l’occasion, je vais vous donner le point de vue du juriste, et en quoi, selon moi, le discours des associations féministes démontrent une méconnaissance totale de la loi.

Allez, commençons par une phrase choc ; le consentement, on s’en fout !

Oui, oui, vous avez bien lu !

Pour le quidam (rien de péjoratif), pour les militant(e)s féministes, et même pour moi lorsque je me suis lancé dans cette matière si particulière, le viol (et l’agression sexuelle) est quelque chose d’assez simple ; un acte sexuel auquel la victime n’a pas consenti. Vision un peu chevaleresque qui veut que si elle ou il a dit « non », alors le crime ou le délit est constitué.

Or, la justice n’a que faire de cette question. Il suffit de lire le(s) texte(s).

Art. 222-23 du Code Pénal : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. »

Art. 222-22 du Code Pénal : « Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur. »

Je ne vais pas m’attarder sur la spécificité de la victime mineur (qui apporte quelques exceptions à la loi générale). De même que je vais parler plus génériquement de viol mais considérez que ce qui suit s’applique également à l’agression sexuelle.

Or donc, comme vous pouvez le voir, à aucun moment, dans la définition même des articles qui répriment ces infractions, le mot consentement n’apparait. En vérité, la notion primordiale à retenir est celle de la contrainte. Et c’est là tout le débat !

Dans notre système pénal, il faut trois éléments pour constituer une infraction :

  • L’élément légal,
  • L’élément matériel,
  • L’élément moral.

L’élément légal, vous l’avez ! Le fait doit être prévu et réprimé par la loi ; c’est bien le cas du viol et de l’agression sexuelle qui sont inscrits dans nos textes.

L’élément matériel, c’est l’acte en lui-même. Pour le viol, il implique un acte de pénétration de nature sexuelle (à noter que la loi d’avril 2021 a étendu la notion de pénétration de sorte que l’auteur puisse être poursuivi qu’il pénètre ou force quelqu’un à le pénétrer). Pour l’agression sexuelle, tout autre acte de nature sexuelle à l’exclusion des pénétrations (ce qui offre un panel assez large allant de la main au fesse dans les transports en commun aux préliminaires non suivi de pénétration).

A dire vrai, l’élément matériel est rarement discuté. Il y a tout d’abord l’aide importante de la médecine légale en la matière. Il est très rare que l’auteur des faits nie le rapport sexuel en lui-même car en général, c’est un élément relativement facile à démontrer sauf dans les cas qui remontent à plusieurs années. Pour l’anecdote, j’ai une fois confondu un auteur qui niait avoir touché la victime en effectuant simplement une analyse ADN du pantalon de cette dernière. Recherche positive ; autant dire que tout ce que pouvait dire l’auteur après cela était complètement décrédibilisé.

Donc véritablement, l’élément matériel n’est vraiment pas le plus compliqué à établir.

Reste l’élément moral, et c’est là où, comme souvent lorsque l’on travaille « sur » de l’humain, cela devient complexe.

Comme je vous le disais, la notion primordiale dans les affaires de moeurs, c’est la contrainte. Vous aurez noté que l’article parle explicitement de « violence » (relativement facile à démontrer), de « menace » (déjà plus subjectif !), de « surprise » (on évoquera ici l’usage de drogues par exemple, ou simplement de quelqu’un qui profiterait du sommeil de la victime pour l’abuser), et, histoire de fermer un maximum de portes, de « contrainte ».

La contrainte n’est pas clairement définie dans le texte (on voit ici la volonté du législateur d’englober des cas qui ne correspondraient aux grandes catégories précédentes puisque pour rappel, si ce n’est pas prévu dans le texte, alors ce n’est pas interdit !). On peut toutefois aller chercher du côté des causes d’irresponsabilité pénale (art. 122-2 du Code Pénal) qui prévoit que « n’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister ». Il faut donc établir cette notion de force irrépressible.

Cas concret : soirée entre ados (oui, je sais, c’est assez récurent dans ce genre de dossier !), alcool, tout le monde va se coucher, et une jeune fille se retrouve dans le même lit que le garçon qui lui a tourné autour toute la soirée. Il veut, elle veut pas. Ca discute, et finalement la jeune fille finit par quitter le lit pour se réfugier aux toilettes sans qu’il ne se soit rien passer. Et au bout de 20 minutes, alors qu’il y a d’autres couchages dans la maison, d’autres chambres, des personnes vers lesquelles se tourner (dont l’hôtesse qui est une amie de la victime), elle retourne finalement se coucher à côté du garçon qui a envie d’une relation avec elle. Le rapport se fait… et la jeune femme dépose plainte pour viol.

Qu’en penser ? Les associations féministes vous diront que c’est un viol puisque l’adolescente ne voulait pas ce rapport. Mais le garçon n’a pas utilisé de violence. Il n’a pas menacé. La surprise ? Il avait clairement énoncé son intention (ah les hormones !) et sauf à démontrer qu’il avait volontairement alcoolisé sa victime pour abuser d’elle (ce qui aurait pu se faire mais aucun témoignage n’allait en ce sens). Reste la contrainte, mais comment la matérialiser ? Le simple fait que la jeune fille ait pu quitter le lit, s’absenter pendant 20 minutes, et soit retournée volontairement se coucher à côté de son agresseur met à mal l’existence d’une quelconque contrainte.

Je ne vous surprendrai pas en vous annonçant que le Procureur a classé cette affaire.

Au final, on a une jeune fille qui se sentira probablement victime toute sa vie, un garçon qui a passé 48 heures en garde à vue avec le risque de finir 15 ans en prison, et des féministes qui pointeront probablement du doigt le supposé laxisme de la justice. Sauf que… on parle de viol, de crime, donc de Cours d’Assise, ce qui implique de convaincre de la culpabilité de cet homme trois magistrats professionnels et six jurés populaires. Pensez-vous vraiment qu’un dossier pareil aurait eu une issue favorable entre deux meurtres et un viol crapuleux ?

Autre chose, quelques messages plus haut, j’évoquais le fait que la procédure pénale n’avait pas vocation à être réparatrice. Là encore, je sais que cela peut choquer mais c’est pourtant inscrit clairement dans les textes ; la mission de la police judiciaire, sous la direction du Procureur de la République, est de constater les infractions, d’en établir les preuves et d’en rechercher les auteurs. Vous noterez qu’il n’y a pas un mot pour la victime !

Comme j’avais pour habitude de le dire à mes victimes ; la police et la justice ne sont pas de votre côté ! Normal, elles ne sont pas là pour ça ! Ces institutions représentent la société et les lois de la République. Quand un Procureur (un Avocat Général aux Assises) fait son réquisitoire, il ne le fait pas pour obtenir une réparation pour la victime mais bien pour faire condamner un individu qui a enfreint les lois de la République dont il est le représentant.

Dès lors, vous vous doutez bien que si un magistrat n’est pas convaincu qu’il a une chance de faire condamner quelqu’un qu’il estime coupable, il ne va pas aller se faire « démolir » au tribunal par un avocat de la défense un brin agressif !

On peut trouver cela triste, mais c’est ainsi que fonctionne notre système judiciaire. Donc si il y a le moindre doute sur la contrainte qui aurait pu être exercée sur la victime au moment des faits, il est probable qu’il n’y aura pas de procès, ou que si il y en a un, le mis en cause soit relaxé. Typiquement, dans l’affaire Darmanin qui a fait grand bruit médiatiquement, la justice a estimé que la contrainte n’était pas caractérisée dans le sens où la victime avait toute latitude pour refuser la faveur sexuelle demandé par le ministre en échange de son intervention. Bien évidemment, moralement, c’est contestable (j’y reviendrai en conclusion !), mais dans les faits il n’y a pas, selon moi, d’erreur de droit.

Dernier petit point sur lequel j’aimerai m’attarder.

L’élément moral implique la volonté de l’auteur de commettre un acte délictueux, c’est à dire sa conscience qu’il commet un crime ou un délit. D’où le fameux adage « nul n’est censé ignoré la loi » qui évite quelques arguties du genre « mais je ne savais pas que c’était interdit ! ».

Dans le cas d’un viol crapuleux (qui est, pour rappel et cela a été dit plus haut extrêmement rare statistiquement parlant), il n’y a pas trop de questions à se poser ; un auteur qui « avoine » la victime pour abuser d’elle ou qui glisse dans son verre une pilule de GHB ne peut nier son intention criminelle (enfin si, il peut le nier, mais cela a peut de chance de faire effet !).

Mais dans le cas de la zone grise évoquée par @zythum. Que doit-on penser de la victime qui se « laisse faire » parce qu’après tout, c’est son copain et qu’il a insisté, mais qui « dans sa tête disait non » ? Que doit-on penser de la victime qui va accepter le rapport et qui au final, peut-être parce qu’elle a des regrets, finit par dire « non » en plein coït ? Que penser de la victime qui s’adonne au BDSM avec son conjoint depuis des années mais qui va trouver que c’est allé trop loin lors d’une séance particulière ?

Je précise que tous ces cas sont tirés de faits réels sur lesquels j’ai travaillé.

Vous l’aurez je l’espère compris à l’issue de cette (longue) démonstration ; les affaires de viols et/ou d’agressions sexuelles sont extrêmement complexes à démêler dans la majorité des cas. La victime innocente qui rentre chez elle et se fait tomber dessus par un prédateur sexuel est un fait divers retentissant et est pourtant extrêmement marginal (pour vous donner un ordre d’idée, en 16 ans dans la matière, j’ai dû avoir trois dossiers de cette nature ; tous identifiés -parfois avec de la chance !- et condamnés). La très grande majorité des dossiers de moeurs se situent malheureusement dans cette « zone grise », terreau plutôt favorable aux mis en cause puisque notre système pénal repose sur la présomption d’innocence.

Voilà pourquoi « tant de viols » sont classés @rebentis, et voilà pourquoi j’estime que les associations féministes répandent un message biaisé en pointant du doigt le chiffre sans autre forme d’explication.

Pour terminer sur quelque chose de plus positif ; parler avec les victimes est essentiel, c’est un fait, mais ne pas leur mentir l’est tout autant. Quand vous expliquez pourquoi aux yeux de la loi les faits qu’elle a subi ne constitue pas un viol ou une agression, elles sont en mesure de comprendre le message. Ou au moins de ne pas attendre une issue favorable à leur démarche. D’ailleurs, souvent, quand je leur demande ce qu’elles attendent de la procédure, la réponse qui revient le plus régulièrement ce n’est pas tant que l’auteur soit condamné mais plutôt qu’il comprenne qu’il s’est mal comporté et que cela « a fait du mal » à la victime. Et comme j’ai coutume de dire à celles et ceux qui viennent avec cette idée en tête ; il y a des comportements qui sont moralement répréhensibles, mais cela n’en fait pas pour autant des coupables aux yeux de la loi !

25 « J'aime »

Merci Juge Roban :wink:

(Et au cas où vous vous poseriez la question, oui, c’est un compliment.)

2 « J'aime »

Merci pour tes explications et le temps que tu as pris.

Pour l’instant une seule pensée me vient : mieux vaut ne pas avoir besoin de la justice.

C’est un constat amer et je ne peux pas m’empêcher de penser que des améliorations sont possibles et qu’elles doivent être recherchées.

2 « J'aime »

This ++++
Merci pour le temps et l’explication détaillée.

@rebentis : je crois en effet que la justice peut rendre amer, si on a intégré (à tort) qu’elle était là pour les victimes. Je peux professionnellement témoigner aussi, sur une note plus positive, qu’heureusement les victimes n’ont pas besoin de la justice pour se réparer (c’est un préjugé commun) et fort heureusement il est toujours possible d’aller mieux. Avec ou sans procès.

5 « J'aime »

Ce n’est pas tant la capacité de réparation pour la victime de la justice qui me rend amère, c’est l’impunité qui découle de son fonctionnement.

Je ne vois pas comment on pourrait s’en contenter à moins d’être d’accord laisser le pouvoir de la condamnation aux médias ? Une perspective plutôt terrifiante non ?

1 « J'aime »

Enfin les exemples donnés par @uphir sont vraiment soft bien que tirés de sa pratique professionnelle.

De nombreuses affaires bien moins sujettes à interprétations conduisent à des non lieux, à des requalifications, à des acquittements.

2 « J'aime »