C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de peut-être préciser quelque chose qui je crois n’a pas encore été abordé ici : la différence entre la notion juridique de viol et la notion qu’on dira faute de mieux psychotraumatique.
La définition juridique du viol est claire (cf plus haut). Celle d’agression sexuelle aussi. Nous (médecins) utilisons d’ailleurs couramment ces définitions, ne serait-ce que pour informer les patient(e)s de la qualification juridique probable des faits s’ils se décident à porter plainte.
Mais la définition psychotraumatique, pour nous plus utile/opérationnelle finalement, ce qui en constitue la quintessence et donc la gravité, approcherait finalement de ceci (c’est moi qui la définit ainsi en synthèse de beaucoup, beaucoup de littérature): c’est le fait d’avoir été réifié, réduit par l’autre à l’état de pur instrument pour la jouissance sexuelle de l’agresseur, sans considération pour sa volonté propre.
Dit autrement, c’est faire fi de l’impératif kantien: toujours considérer l’autre comme une fin en soi, jamais comme un moyen.
Cela entraîne deux choses : la première, c’est que psychiquement, à cette aune, la différence entre agression sexuelle et viol est dérisoire, les deux étant confondues et d’égale gravité potentielle en terme de dégâts psychiques. Alors que la justice continue d’y voir une différence, pas si évidente du point de vue du thérapeute (et de la victime).
La deuxième conséquence à cette définition, on le voit bien, c’est qu’il existe tout un tas d’atteintes du corps qui juridiquement pourraient bien être qualifiées de viol (le cas du médecin brutal réalisant un TV ou un TR sans consentement explicite ou sans ménagement) mais n’en sont pas vraiment : il manque cette jouissance d’instrumentaliser l’autre. Ça en fait d’authentiques violences, condamnables largement, mais qui n’auront pas en elles-mêmes le même effet de « délabrement psychique ».
Être la victime d’un praticien méchant et brutal, ça laisse un mauvais souvenir, qui à l’extrême peut être traumatique d’ailleurs (c’est le cas de nombre de procédures médicales et autres passages en réa : 20% de risque de déclencher un stress post-traumatique, en gros). Mais la probabilité d’induire un tel traumatisme est bien inférieure à celle déclenchée par une authentique agression sexuelle (70 à 80%, en gros). Ce qui tendrait à montrer qu’on n’est bien pas du tout dans le même registre.
Il faut dénoncer et condamner fermement ces violences médicales. Il faut en faire la prévention à la fac de médecine. Mais je ne suis pas sûr que les qualifier de viols (je comprends bien le raccourci médiatique, pour fans de l’oiseau bleu, et l’effet d’impact) soit juste au plan de ce qui se passe dans le cerveau des victimes…