Hier j’ai joué à… Defcon 1.
En fait j’en ai même désormais fait 3 parties: une à 2, une à 4 et une à 5 joueurs. C’est donc un avis un peu plus poussé que juste avec une partie dans les pattes, mais pas encore pleinement arrêté car j’ai encore des choses à tester.
Commençons par être honnêtes: ce jeu à des défauts qui pourraient être totalement rédhibitoires.
- Ses règles sont lourdes.
Certains diront que non, qu’en fait « c’est pas si compliqué. » Dans les faits, pour expliquer le jeu lors de ma 3e partie, ça m’a pris 1h15, en laissant chacun se débrouiller pour lire les particularités de sa faction. Pourtant j’ai l’habitude d’expliquer des jeux experts et j’essaie de ne jamais dépasser une heure, car je sais que l’auditoire décroche au-delà de 45 minutes. On peut peut-être ici aller plus vite, mais c’est alors ne pas donner les billes aux joueurs pour qu’ils développent une stratégie depuis le début sur toute la partie.
- la durée de partie est très longue.
Durant ma partie à 5 joueurs, où il n’y avait pourtant qu’une seule personne qui découvrait le jeu, une fois les explications faites on a mis 6h. Imaginez un wargame pour 2, où on réadapte constamment son jeu en fonction des avancées de l’ennemi (c’est logique), mais à 5 joueurs. Voici une boite difficile à sortir.
- Le déroulement d’une manche est contre-intuitif.
On passe sont temps à faire des actions qui ont des prérequis qu’il faut réaliser… après ! On doit donc constamment anticiper d’une manche sur l’autre (manche 1 « faire le prérequis », manche 2 « faire l’action »). Sans aides de jeu, celui qui le présente a intérêt à bien s’accrocher pour ne pas s’agacer des questions et erreurs constantes des joueurs dans l’ordre des actions (bonnes aides de jeu disponibles sur BGG).
- L’iconographie est mauvaise.
Vraiment. A tel point que j’ai imprimé pour chaque joueur un livret expliquant toutes les cartes et les technologies.
- Le matériel a un mauvais rapport qualité/prix.
Le plateau est beau, les nombreuses cartes sont OK, mais la vision d’ensemble du matériel lorsqu’on l’installe sur la table ne fait pas envie. La faute à la myriade de jetons ronds en punch pas sexy et à l’absence d’aide de jeu. Un jeu difficile d’accès comme celui-là, si je veux en « vendre » des parties aux copains, il faut qu’il soit plus plaisant. Heureusement, il y a les plateaux double-couche et les figurines en bois dans la boite de l’extension. Toutefois, le jeu devient alors trop cher.
La question du juste prix d’un jeu peut toujours faire débat (coût de production rapporté au nombre de tirages, coût de développement…). Ici, si j’écris qu’il est « trop cher », c’est pour son matériel fourni par rapport à ce qu’on peut trouver chez la concurrence (concurrence « jeu de plateau », puisque c’est ce que j’achète d’habitude, pas « wargame/warteau »).
Cela étant, si vous êtes prêts à passer outre ces défauts et à investir beaucoup de temps pour comprendre le fonctionnement du jeu, vous en verrez les qualités:
- Il est immersif.
Sa thématique est présente partout. On s’y croirait. Pour qui s’intéresse à la géopolitique ou à la Guerre Froide, c’est jouissif.
- Sa mécanique de base est étonnamment simple.
Un vrai Risk à objectifs cachés, avec des cartes en plus.
Votre objectif: réaliser une carte « objectif », consistant à prendre des zones précises sur la carte du monde. Dès que c’est fait, vous gagnez.
Durant chaque manche alternent des phases de production de différents types de ressources et des phases de conquêtes de territoire sur le plateau, politiquement (coup d’Etat via une mécanique d’enchères, pour résumer) ou militairement (conquête classique).
A chaque manche, en plus des actions principales, vous pourrez jouer des cartes « mission », en fait des mini-objectifs qui, si vous les réalisez, vous donneront des boss immédiats.
- Il met l’ambiance.
C’est un jeu qu’il faut absolument éviter de sortir avec des geignards. Non seulement l’interaction y est directe et constante, mais en plus si plusieurs joueurs ont un objectif orienté contre une faction précise ils s’acharneront sur elle jusqu’au bout.
Si vous arrivez à constituer un groupe bon esprit, vous passerez votre temps à vous chambrer et à vous menacer entre potes en vous marrant, à coup de sous-entendus et de bluff sur vos véritables objectifs. Avec la tension qui monte au fur et à mesure alors que le marqueur de Defcon progresse, c’est très plaisant.
Au final, je dirais pour l’instant qu’il s’agit d’un très bon jeu, fun, au thème très présent, plus tactique que stratégique, miné par des détails réverbatifs dans sa mécanique, difficile à sortir car il faut avoir un groupe qui supporte l’interaction directe, ne souffre pas d’analysis paralysis et soit prêt à jouer 6h d’affilée.
La gestion du tempo y est primordiale, via 3 indicateurs: la montée de l’échelle Defcon commune (qui permet davantage d’actions offensives), la montée de votre échelle Defcon individuelle (qui détermine qui pourra lancer en premier une bombe atomique vers la fin de la partie) et la place que vous prendrez sur la piste d’ordre du tour. C’est tout le dilemme du jeu: « si j’attaque les autres tout de suite, je fais monter mon échelle Defcon perso pour pouvoir être le premier a utiliser la bombe en fin de partie, mais ça fait aussi monter l’échelle Defcon commune, ce qui va permettre à ceux qui jouent juste après moi de davantage m’attaquer dès maintenant. »
A 2 ou 3 il est bon, mais les objectifs cachés sont limités à 4 possibilités. A 4, on joue avec la quasi-totalité des objectifs, c’est bien mieux car beaucoup plus ouvert. A 5, on occupe véritablement toute la carte du monde, c’est le mode roi.
Les variantes à scénarios apportent… l’absence de surprise totale sur les objectifs, puisqu’ils sont alors connus dès le début. C’est bien d’avoir conçu ces scénarios pour la rejouabilité, mais on comprend en jouant sans que le sel du jeu est la surprise.