Hier j'ai joué à un jeu crowdfundé

Cette semaine, j’ai pu essayer Hamlet - the village building game sur TTS avec 3 copains.

Le kickstarter a eu lieu il y a quelques mois, on peut encore le prendre en version deluxe chez Philibert ou le Dé Calé, mais il devrait à priori arriver en retail (en VO tout du moins, j’ai pas encore vu d’annonce pour une éventuelle VF).

De quoi que ça parle ?
Un « Hamlet », c’est un petit hameau qui ne comporte pas d’église (car trop petit). On démarre avec un village de quelques tuiles assemblées sur la table. Nous autres joueurs allons s’atteler à le développer en y construisant de nouvelles tuiles bâtiments qui donneront des ressources qui permettront de construire d’autres tuiles, etc etc… vous voyez le topo.

Enfin, les joueurs participeront à l’édification de l’église au centre du village (des gros lots de ressource contre de juteux PVs) et dès que celle-ci est achevée, c’est plus un « Hamlet », puisqu’église il y a. Ça tombe bien car ça sonne la fin de partie et on passe direct au décompte des PVs. Le gagnant étant celui qui en a le moins.
Non je déconne, c’est celui qui en a le plus, c’était pour voir si vous suiviez.

On a la classique carrière qui produit de la pierre, la forêt pour le bois, la ferme pour la céréale…
Puis arrivent les bâtiments avancés qui permettent de transformer tout ce bazar : la scierie pour faire de belles planches, la ferme qui, à partir de céréales, te sort du bon lait-lait… Vous la sentez la grosse révolution ? Ok, à ce stade, moi non plus.

Ok, rien d’original donc. C’est quand même pas un peu de la merde ton truc ?

En effet : gagner des ressources pour construire des bâtiments, ça sent autant le frais que lorsqu’on ouvre une vieille malle poussiéreuse trouvée dans le grenier de mamie.
Mais en fait non, Hamlet possède quelques petits traits d’originalité que je vais vous décrire dans les points suivants, le monde était quand même bien fait .

  1. Le stock commun.
    Les ressources ne nous appartiennent pas. Jamais. Ici, pas de petit stock de bois ou de pierre chez chaque joueur. Lors de leur production, les ressources apparaissent sur le plateau et y restent. Idem pour les ressources transformées : si je veux faire de belles pierres de tailles, il faut que la pierre brute soit dispo. Ma belle pierre va apparaitre sur la tuile du tailleurs et va y rester.
    Quand quelqu’un veut construire une tuile bâtiment, il faut que tout soit dispo (*). Mais ce n’est pas tout.

  2. Réseau de transport.
    Pour la construction, il faut que chaque ressource puisse être amenée là où elle est nécessaire. Et ça c’est (très) intéressant. Par défaut, une ressource peut « sauter » (= être acheminée) sur une tuile voisine. Mais si j’ai besoin de céréale sur ma ferme qui est à 3 tuiles du champ, je fais comment ? Eh ben je prends mes petits ânes, pardi !
    Car les joueurs démarrent avec un âne et peuvent en acheter d’autres durant la partie. Lorsqu’une ressource que je désire arrive sur une tuile avec mon âne, celui-ci peut l’envoyer une tuile plus loin. Et on peut avoir jusqu’à 5 ânes chacun qui se baladent dans le village. Donc acheminer le bois jusqu’à la scierie devient un jeu d’enfant… enfin presque, parce que ces foutus bourricots coûtent une blinde…
    Ces ânes (et les ouvriers des joueurs) se déplacent en suivant les routes imprimées sur les tuiles (comme dans Keyflower), mais bien souvent y’en a pas. Les joueurs pourront donc construire ponts et routes pour relier les tuiles entre elles, en créant ainsi un grand réseau qu’on parcourra avec nos ânes…

  3. Le marché
    Ok, celui-ci n’a rien d’original et on le retrouve dans presque tous les jeux du genre. Mais comme je savais pas où le caser, je lui fait un point dédié. Ici, on peut faire 2 actions : 1) acheter n’importe quelle ressource moyennant finance, genre « hop, je construis, j’utilise ce bois, cette pierre et je paie 2 pièces pour acheter la céréale manquante ». Spoiler : l’argent est rare et pas facile à obtenir.
    Un peut comme dans Clans of Caledonia, on peut aussi aller au marché remplir des petites tuiles contrats : « hop, je donne 3 belles planches et je reçois 5 pièces et 2 PVs ».

Tout ça suffit à pas mal changer le jeu de gestion habituel qu’on croyait voir. Loin d’être un fleuve tranquille, la partie est une course très interactive où l’optimisation est reine.
Un peut comme dans Neta-Tanka, lorsqu’on produit des ressources pour la communauté, on gagne un petit bonus (des PVs, des pièces d’or…).

On découvre vite l’importance du timing : disons que j’ai besoin de bois pour faire mon beau bâtiment. Hop, j’en produis avec mon petit ouvrier de départ. Mais il est très probable que les autres joueurs utiliseront ce bois et que je me retrouve à sec comme un con lorsque reviendra mon tour de jouer… A moins qu’il y en ait un qui ai fait de la pierre juste avant moi, pierre que je pourrais écouler pour remplir ce contrat du marché, là, ça me remplirait un peu les poches, et ça embêterait tellement Régis juste après moi qui aurait tant besoin de pierres pour construire sa tuile…

Une popote où on cuisine tous en même temps.
On commence à mesurer l’importance de l’interaction dans ce jeu : loin de faire sa popote dans son coin, tout se passe au centre de la table et chacun a accès à tout. On arrive à un point éventuellement crispant qui pourra faire grincer des dents les planificateurs en herbe : la stratégie à long terme avec 3 ou 4 tours d’avance, c’est mort. Va falloir s’adapter et bien souvent à son tour, on essaye de faire le meilleur coup en mode "ok, c’est à moi, j’ai telles et telles ressources sur le plateau, tel contrat à dispo et telle tuile en main : quel serait le coup le plus optimal ? "

Mesurons cependant cette impression de chaos : moyennant de (nombreuses :grimacing:) pièces, on peut recruter d’autres ouvriers, jusqu’à 4 par joueur. Vu qu’à son tour on les active tous, on a donc moyen de comboter :

  • Je produis du bois (et gagne 2 pièces)
  • PUIS avec mon 2ème ouvrier je transforme ce bois en planches
  • ET DIRECT avec mon 3ème ouvrier je fais une donation à l’église avec cette pierre, ce lait et donc ces planches toutes fraîches.

Stratégies diverses
C’est pas tout. Les manières de scorer sont nombreuses : production en masse (j’ai même pas parlé des rôles spécialisés, genre un joueur qui pourra être laitier ou charpentier et gagner le double du bonus chaque fois qu’il raffine une ressource), remplissage de contrats ou livraisons express à l’église…
Et surtout les tuiles à scoring, qu’on construit en y plaçant un petit drapeau à sa couleur et qu’on comptera en fin de partie : « cette tuile donne 1 PV pour chaque autre tuile voisine avec de la pierre » ou encore « cette tuile donne 1 PV par étape de votre plus grande route ». Il y en a une belle variété qui offrent autant de voies de scoring…

Par contre, il est vrai qu’une fois la fin de partie sonnée, le décompte final prends un peu de temps avec la vérification de chaque tuile à point… Mais cela permet une belle diversification possible là où au début on se disait « ah ok, c’est celui qui construit le plus l’église qui gagne ». En fait non, trop pas.

Bref, un bon petit jeu de gestion de village bien plus nerveux que les illustrations le laisse apparaitre. La version Kickstarter propose une église 3d en bois de 6 pièces qui s’assemble sur le plateau, mais ça reste 70€. Il y a un peu de texte anglais sur les tuiles, le nom et la capacité de cette dernière, rien de rédhibitoire s’il y en a un qui gère un peu (le carpenter, c’est le… charpentier, bravo ! Farm c’est… la ferme, excellent !)

Si on résume les points qui m’ont beaucoup plus en mode « bullet list » :
++ le matériel est au top : meeples en bois et illustrations toutes choupies.
++ les ressources communes et le système de réseau à développer
++ une interaction forte et une sensation de course qui amène une tension certaine autour de la table

et côté moins :
→ 16 pages de règles pas toutes simples au début, limite léger expert pour un jeu plutôt familial++
→ un tout petit « soucis » d’iconographie (icône du bonus des ressources avancées idem au bonus des ressources de base alors que ça ne se passe pas au même moment)
→ point particulier qu’un joueur a relevé : les tuiles ont des formes bien particulières, ce qui peut donner un village tout découpé et assez dégueulasse :grin: mais on s’en fout un peu, non ?

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