Tu m’as pas mis en ignore list, quand même ?
Qui etes vous monsieur ? (non mais j’ai pu rater le message qui en parlait, ah oui juste au dessus.
Du coup faudra m’expliquer comment quelqu’un peut passer au travers des conditions de la loi. (celle ci j’entend)
@retam en a parlé. Des gens psychiatrisés qui en viennent à demander l’aide à mourir (et l’obtiennent) c’est un échec absolu, et ça n’est qu’un exemple. Parce que ça veut dire que nous sommes dans des sociétés incapables de faire en sorte d’améliorer le soin et la qualité de vie de personnes qui souffrent de maladies soignables, ou tout du moins gérables d’un point de vue thérapeutique. Une société qui accepte que des gens en viennent au suicide assisté pour de telles raisons a déjà basculée dans l’eugénisme, et vu que nous sommes quand même politiquement en sursis vis à vis de la prise de pouvoir de l’extrême droite à peu près partout en Europe, je n’imagine pas ces outils au sein de tels régimes.
Je viens d’aller jeter un œil aux dernières stats, le document est déjà beaucoup mieux foutu que le précédent, il y a deux pages qui concernent purement les cas psychiatriques, ça peut se lire en diagonale, bref je trouve ça,intéressant.
À chacun de juger de ce qu’il entend par dérives sur base de ce rapport (lié à une loi différente de la loi française, bien entendu)
Édit: majoration du nombre d’euthanasies pour raisons purement psychiatriques au fil des ans.
Donc le probleme semble se situer principalement du coté ‹ psychiatrique › et pas necessairemenr du coté maladie ‹ physique › (type Charcot) ?
Pour moi, le principal problème, c’est les petits vieux malades, avec une issue fatale à moyen terme (quelques mois ou années), à qui on ne donne plus de raison de vivre.
Bien sûr que ces gens isolé (on peut se sentir très très très seul en Ehpad) vont souvent choisir l’euthanasie, alors que le changement du cadre de soins serait tellement plus intéressant…
Pas seulement, aux personnes malades également qui peuvent s’en sortir mais qui suite à une baisse de moral s’y soumettront, aux personnes handicapées physiques, etc… En France il y a déjà des milliers de personnes qui attendent d’accéder aux soins palliatifs, il y a un manque de moyens flagrant à ce niveau.
D’ailleurs ce qui remonte pas mal dans les discussions, mais ça reste à confirmer via des études que je n’ai pas sous la main, un malade, même dans le cas d’une maladie incurable mais dont on arrive à soulager les douleurs ne demande plus à mourir. Il y aussi un cas de Charcot qui remonte sur les RS et dont on sait que son aide a domicile avait été refusée, par conséquent la personne avait fait une demande de sédation profonde (acceptée, puisqu’on a la loi du 2 Février 2016). Tout ça illustre tout de même des problèmes structurels qui risquent bien de ne pas motiver les pouvoirs publics à améliorer le soin mais plutôt à recourir à une « aide à mourir » abusive.
J’pense que personne ne remet en question les problemes structurels que la santé a. J’pense juste que cette loi devrait etre un principe général et non pas dépendante du bien être de la santé. Ici, elle s’attaque a un souci précis et ne dit pas ‹ Puisqu’il y’a l’aide à mourir alors on s’en branle du soin palliatif › (d’autant qu’elle est liée à une 2eme loi pour éviter ça). C’est bien d’attirer l’attention dessus, c’est bien de s’en occuper. Mais ca n’est pas à cette loi précisément de le faire.
Elle ne le dit pas, mais elle pourra avoir ce type de conséquences, puisqu’on peut désormais proposer la mort, pourquoi améliorer la vie ?
Je suis à titre personnel pour une loi autorisant l’euthanasie mais pas en l’état.
Ce que tu pointes dans le passage que je cite est important. Il est primordial d’améliorer l’accès aux soins (type palliatifs) en premier lieu et seulement ensuite on pourra penser à « la suite » (je ne sais comment le formuler mais je pense que tu comprends l’idée).
De plus la sédation profonde est une possibilité depuis 2016 en France et peu de gens le savent. Bien évidemment cette loi est plus restrictive que celle d’aujourd’hui. Je serai pour ce type de loi (actuel) dans une société qui ferait tout pour tenter une amélioration des conditions de vie des personnes malades, diminuées, mais ça n’est absolument pas ce qu’on peut observer aujourd’hui, donc ça la rend nécessairement dangereuse.
Petite question en lien avec ton expérience personnelle, mais qui peut être étendu à tout le corps médical impliqué : est-ce que vous êtes bien soutenu notamment psychologiquement ? J’imagine que par certains côtés avoir pour vocation de sauver et soigner tout le monde et donner un avis sur la mort de quelqu’un doit être synonyme de souffrances (voire de troubles du stress port traumatiques ?).
Pourtant ça ne peut pas être totalement décorrelé puisque la demande d’euthanasie peut être liée à l’insuffisance de la prise en charge de la souffrance.
Oui et ? Parce que l’Etat n’investit pas dans les soins palliatifs il faut priver des personnes en désespoir total de « solution » ? Je mets solution entre guillemets parce que bien sûr, vu de l’extérieur, ça semble absurde, malsain, immoral de considérer la mort comme une solution. Mais c’est pourtant ce que c’est pour plein de gens si on décide de ne pas ignorer ce qu’ils disent.
Quelque part on peut renvoyer les deux positions dos à dos. Avec la loi on considère qu’il pourrait y avoir des dérives, qu’il faut tout faire pour les empêcher, mais que les souffrances (au sens large, pas forcément physiques) des personnes qui attendent cette loi l’emportent. En étant contre cette loi on considère que le risque pour la société l’emporte sur les souffrances des personnes condamnées.
Si l’Etat n’investit pas dans les soins palliatifs, on fait quoi du coup ? On continue avec la situation actuelle ? Et par ailleurs même s’il le fait, les soins palliatifs c’est pas la réponse à tous les problèmes.
D’accord, on va aller loin avec ça. Donc le problème c’est que son aide à domicile a été refusé et tu nous dit qu’avec cette loi, le risque c’est qu’on refuse ce type d’aide de plus en plus avec en tête l’idée que le malade a toujours la solution de « repli » du suicide assisté. OK, c’est clairement le genre de truc qui doit être strictement encadré. Mais si tu veux parler de Charcot, tous les témoignages que j’ai lus (et j’en ai lu un paquet, j’explique plus loin pourquoi) témoignent soit d’une volonté de pouvoir choisir le moment où ils partent, ou soit une volonté de vivre avec la maladie, jusqu’à la fin, avec les aménagements de qualité de vie nécessaire. Ces aménagements doivent pouvoir être mis en place. Et s’ils ne le sont pas toujours aujourd’hui, il faut qu’ils le soient. Mais dire que c’est incompatible avec le droit à l’aide à mourir, c’est un point de vue que je partage pas, parce que ton argumentaire est quand même essentiellement constitué de « si », de « pourrait », de « risque », de « peut-être », de « il paraît ».
Et donc pourquoi je me suis intéressé à Charcot. Parce que j’ai eu il y a quelques années de ça des soucis de santé qui m’ont amené à passer beaucoup d’examens et j’ai bien compris qu’on cherchait à vérifier si c’était pas un truc du genre SLA, ou SEP (bon au final c’est rien de tout ça, ça va aujourd’hui, je me suis habitué à mes symptômes qui restent inexpliqués ). Ben j’ai eu le temps de bieeeeeen réfléchir au fait que si j’avais la maladie de Charcot, c’était hors de question de subir ça au-delà d’un certain point, peu importe si j’avais une aide à domicile ou pas, ça n’entrait pas en ligne de compte. A noter que j’avais eu ma première fille un an avant, un autre truc qui entre en compte, je pense, dans la détresse des gens qui se savent condamnés par ce genre de truc et que ceux qui n’ont pas d’enfants ne peuvent pas imaginer. Il ne s’agit pas forcément de douleur, il ne s’agit même pas forcément de se dire qu’on va devenir une charge pour sa famille. Ca peut « simplement » être le fait de ne pas supporter l’idée que la maladie t’ait transformé, de ne plus être, pour ta fille, par exemple, celui que tu as été. De manière générale, je pense qu’il n’est tout simplement pas possible de se mettre à la place de quelqu’un qui se sait condamné.
Encore une fois j’entends bien les risques, j’entends bien le fait qu’il faudrait, avant cela, améliorer la prise en charge des malades et le système de santé. Mais quelque part, ça revient au discours classique du « c’est pas prioritaire, avant de faire ce truc faudrait faire ce truc » qui revient toujours à… ne rien faire. On pense à la place des malades, on sait mieux qu’eux ce qui est bon pour eux. C’est bien commode.
Alors je ne sais pas si c’est bien ta question, et je ne peux parler que pour moi, bien entendu, mais dans ma pratique psy, bien que des patients me demandent parfois l’euthanasie, je ne me positionne jamais à ce niveau. Je leur dis que mon but est de les amener vers plus de vie, pas vers la mort, et que d’autres que moi peuvent être consultés pour un avis sur une demande d’euthanasie.
Par contre, cela n’empêche évidemment pas de parler de cette demande, de pourquoi elle est formulée, du contexte, du parcours etc.
Mais ça rend les choses bien plus confortables de ne pas être celui qui va donner son avis.
Et en fait, il y a des situations potentiellement traumatiques dans bien d’autres aspects du boulot de médecin (psychiatre ou non d’ailleurs).
Si je m’écarte de ma situation personnelle, pour parler de manière plus générale des médecins qui doivent au jour le jour répondre à ces demandes, ou même administrer eux-mêmes les injections létales, ils ont la possibilité de bénéficier d’une aide psychologique par l’intermédiaire de formations, et possiblement de suivis, mais je ne connais pas bien le modus operandi.
Dans tous les cas, l’accompagnement psychologique au sens large des médecins est un enjeu majeur au regard du nombre sans cesse croissant de burnouts, de dépressions, d’éthylisme, d’assuétudes ou de tentatives de suicide (souvent fatales) parmi les médecins de terrain.
Édit: et en fait, cela manque cruellement !
La déshumanisation des soins est en marche, je la ressens au quotidien depuis plus de 20 ans de pratique, et des soignants qui vont mal sont des soignants qui soignent mal.
J’espère que ça répond à ta question.
Il me semble que tu es quelqu’un de plutôt à gauche vu tes prises de position sur le forum. En partant de ce principe, ne te demandes-tu pas s’il serait plus intéréssant de lutter contre un Etat qui fait de l’hôpital un lieu de délabrement et par conséquent un lieu de moins bon accès au soin, plutôt que de lui accorder par facilité la possibilité de mener à la mort des gens qui sont vus comme des poids sociaux, et dont on fait bien comprendre que la maladie ou le handicap sont synonyme de mort ?
Pour les cas dits « désespérés » il existe la loi Léonetti, et la sédation profonde en dernier recours, je le dis et le répète. Mais encore une fois ici, vous (les défenseurs de cette loi) faites, à votre dépend et en partant d’un bon sentiment, le lit d’une loi qui s’applique à des gens qui ne sont pas en danger immédiat mais qui parce que le soin est dans un état critique en France à cause de logiques néolibérales, ne peuvent pas avoir accès à un soin de qualité. De plus, si culturellement on arrêtait de faire en sorte de penser qu’une personne est foutue dès lors qu’elle est malade, ça aiderait peut être certaines personnes dans des situations de maladies avancées à penser qu’elles ont encore des choses à vivre, même si ça se fait au sein d’un service de soins palliatifs. Seulement l’Etat, contre lequel en tant que personne de gauche on est censés à minima lutter et mener vers des avancées sociales (quand on est social démocrate), voit actuellement dans la mort proposée une solution au désengorgement de l’hôpital.
Les personnes atteintes de la maladie de Charcot peuvent faire appel à la sédation profonde, par contre n’étant pas spécialiste de la question, je ne sais pas à quel stade de la maladie elles peuvent y faire appel, mais encore une fois la loi qui nous occupe ici vise à ouvrir la possibilité de l’aide à mourir dans des cas ou la mort n’est même pas une possibilité, ou alors une possibilité lointaine.
Pour le reste de ton témoignage, courage à toi, je connais aussi malheureusement l’errance médicale. Maintenant il faut faire attention, parce que le réflexe de ne pas avoir envie de subir une maladie et de chercher à en finir directement, est plutôt un réfléxe qui me semble commun chez les gens fraîchement diagnostiqués. Cependant, et c’est là aussi le problème avec cette loi, c’est que la demande de suicide assisté peut devenir une facilité, là ou on pourrait avoir une meilleure prise en charge (psycho, à domicile, dans un cadre plus sympa qu’un couloir d’hopîtal), et on pourrait éviter des cas, existants aussi, de gens changeant d’avis au dernier moment alors que le processus est déjà lancé.
Dans la réalité oui. Dans le monde législatif moins. Tout comme les peines d’emprisonnement vont pas changer parce que les conditions des prisons se dégradent. Il faut savoir séparer les 2 sujets. Ce qui, pour autant, n’accorde pas MOINS d’importance à l’un ou à l’autre. (les conditions dans les prisons DOIVENT être bossées, les soins palliatifs AUSSI)
Pour prendre un autre exemple moins sujet à ce débat, on va pas rediscuter le droit à l’IVG dès que les conditions médicales se dégradent.
Par contre, c’est tout à fait pertinent d’en discuter tout court. Voire même soyons fous, de faire qque chose.
Dans le cas de la maladie de Charcot, c’est bien le problème, le stade. La sédation profonde il me semble que c’est en toute fin, lorsque la mort est proche.
Et avant il se passe quantité de choses que toute un chacun n’a pas forcément envie de vivre.
Cela revient a décider à la place de la personne ce qui est bon pour elle.
De donner au passage au seul médecin, dont tu citais dans un autre de tes messages la situation de pouvoir problématique, le seul choix de décider.
Le malade, on s’en fout.
Fondamentalement on ne sera pas d’accord sur ce point.
Comme nous ne sommes pas d’accord sur le reste de tes arguments que tu développes avant la citation et qui occultent complètement le libre arbitre que l’on devrait laisser aux gens.
Avec des encadrements pour accompagner ces choix qu’ils se fassent de la façon la plus éclairée possible.
Penser à la place des gens de ce qui est « bon pour eux » ne me semble pas particulièrement de gauche et très paternaliste.
Il n’existe pas de libre arbitre. Quand la société entière te fait comprendre qu’il vaudrait mieux que tu meures vu qu’on est infoutus d’avoir un soin opérationnel, et qu’on te fait comprendre qu’on ne pourra rien pour toi (soit vocalement, soit par inaction) je n’appelle pas ça avoir un libre arbitre, mais être contraint. Et c’est ce qu’il va se passer pour des milliers de personnes, notamment on le sait, pour les plus pauvres ou isolés avec cette loi. Bref, on verra ça bien assez tôt, mais en attendant je suis désespéré de voir l’état du débat en France.
C’est exactement ce que va provoquer cette loi qui va amener des gens, parce que pas d’accès au soin pour des raisons SOCIALES, à la mort.
Je quitte ici la discussion qui devient un peu lourde émotionnellement de mon côté. Bon « débat ».
Du coup, c’est quoi le profil des gens qui ont recours à l’aide à mourir en Belgique, Suisse, Canada… C’est des gens pauvres ? des gens isolés ?
Je n’en suis pas du tout sûr de mon coté. Est ce le cas dans les autres pays qui le font ?
A l’inverse de toi, mon parcours de vie et mon rapport à la mort me fait voir ce que propose cette loi comme une avancée sociale. Mais je comprends que ce soit différent pour d’autres. Je sais que c’est un sujet sensible.