Salut @Ludo1977 !
Ton message m’a interpellé parce que je m’y suis reconnu. Il y a 4 ans, j’ai commencé à travailler sur un jeu. Mon premier bien sûr… Comme toi, j’étais très loin d’être un joueur « expert » ; je ne connaissais rien de l’économie du jeu de société ; je savais pas les nuances entre auteur, éditeur, distributeur ; je n’étais jamais allé dans un festival… Et pourtant, mon jeu (Barbarian Kingdoms - par Jester - livraison en juin/juillet 2024) est sorti en boutique en début de mois.
Je serai content de te partager mon expérience en détail.
Voici la voici déjà en bref :
- J’ai fait un proto (avec ma femme faisait la partie graphique) que j’ai fait testé à mes amis ; comme il plaisait, je l’ai montré à des joueurs un peu plus expérimentés ;
- J’ai fait évolué avec les retours obtenus.
- Ensuite, j’ai contacté un éditeur dont la ligne correspondait et il m’a fait pas mal de retours (pour moi le jeu était fini, pour lui on en était encore loin… et il avait raison)
- On a participé à un concours de proto pour avoir des retours (c’était Ludinord, en plein covid, donc avec un jury de professionnels), et on a remporté le prix stratégie. Les retours des pros nous ont donné confiance que le jeu était éditable et avait un vrai potentiel ludique.
- On a à nouveau été en contact avec quelques éditeurs, mais ça n’a rien donné pour diverses raisons (lignes éditoriales qui ne correspondaient pas, des plannings bouclés sur 4 ans, des choix qui remettaient en question ce que nous considérions comme le cœur de notre jeu…).
- On s’est dit : soit on le fait seuls, soit on laisse tomber. On en a bien discuté, et on décidés d’éditer le jeu nous-même. On avait des compétences (liés à des expériences antérieures) et un budget initial, qui nous laissaient penser que c’était un pari risqué mais tenable.
- On a monté la société d’édition (SAS) et on a décidé de financer le jeu par une campagne de financement participatif (sur Gamefound).
- Une société de consulting éditorial (Synergy Games) nous a alors contacté pour nous proposer leurs services. On savait qu’on avait besoin d’aide pour ne pas se planter dans les grandes largeurs. Alors on a accepté leur offre. Leur premier conseil pertinent a été de repousser de 6 mois le lancement de la campagne de financement.
- On a continué à communiquer autour du projet. On a fait faire une vingtaine de protos par une usine, et on a fait tourner ces protos à des influenceurs ; je me suis inscrit sur Cwowd pour présenter et discuter du projet ; on a participer à quelques festivals…
- On a fait la campagne de financement qui s’est assez bien passé (moins bien qu’on espérait, mais mieux que l’on ne craignait). L’argent récolté (37 k€ pendant la campagne) ne permettrait pas de financer intégralement le premier run de production, mais il nous permettrait de compléter ce que nous n’avions pas et de sécuriser en partie le projet. On avait prévu large, avec une livraison 12 mois après la campagne…
- Après la campagne, il a fallu tenir compte de beaucoup de retours qu’on avait eu. Alors qu’on pensait que les éléments étaient quasi définitifs, il a fallu encore beaucoup de travail. Des miniatures en métal dont la technologie n’était pas totalement maîtrisé par nos partenaire. Des essais sur les « écrans joueurs » pour résoudre des problèmes fonctionnels… Des problèmes colorimétriques. Etc.
- On a enfin pu produire, lancer le go de production, vers novembre 2023. On avait déjà du retard. La production a été plus longue que prévue, avec plusieurs usines impliquées. On a encore pris du retard… les aléas de la prod.
- Ensuite, il a fallu transporter les jeux produits dans les hubs et entrepôts des distributeurs (on en avait trouvé un en France - Néoludis - et un aux US - Ares). C’est surtout notre consultant éditorial qui s’en est occupé. Là encore, on a pris du retard. Entre le nouvel an chinois, les problèmes de piraterie, une pénurie de containers…
- Une fois arrivé à destination, les logisticiens (dispatcheurs) ont livrés les backers, et les distributeurs ont pu livrer les boutiques.
- Les gens s’imaginent que maintenant que le jeu est sorti, le boulot est terminé. Mais pas du tout ! Il faut que l’on fasse du marketing pour donner de la visibilité au jeu (ce qu’on a pas encore fait du tout, pour des raisons de planning) ; gérer les petits problèmes de dispatching (les quelques colis qui reviennent à l’expéditeurs…) ; faire un peu de SAV (quelques jeux avec des éléments abîmés, ou manquants). Il faudra aussi que l’on cherche des distributeurs pour l’étranger ou des éditeurs pour localiser le jeu.
Comme tu vois, c’est un long parcours. Pas simple. On était deux, avec des compétences très complémentaires et diversifiées. Si tout se passe bien et qu’on vend toute notre production (qui est en dépôt-vente chez nos distributeurs), on rentrera peut-être dans nos frais… sans nous être versés de salaire. Pour gagner un peu d’argent, il faudrait que l’on produise (et vende) un second lot de production…
Tout le monde nous demande quand est-ce que l’on sort le suivant… Mais tu comprends qu’on attend un peu de voir où ce premier projet nous mène déjà…