83 messages sur ce sujet, qui font tous la taille de la tour Eiffel, qui apostrophent systématiquement les autres avec une impression de doigt pointé, accusateur sur la personne, et ce, en l’espace de quelques jours ? Si, ça fait très monologue et je m’accapare le débat.
D’ailleurs j’ai vite arrêté de lire tes réponses tellement je les trouve agressive… Pour moi elles n’ont rien de saint et n’entrent surtout pas dans la définition de « dialogue »
Bonjour à tous. Même s’il faut désormais un temps certain pour « rattraper » tout l’historique de ce fil, de nombreux échanges qu’il contient m’ont beaucoup intéressé, et je n’aurai pas imaginé initialement (fin 2023 donc, pour ma part) souhaiter y participer… J’y venais juste par le hasard d’une recherche web suite à un échange avec un ami qui m’apprenait les nombreuses rumeurs planant sur l’auteur de Sky Team (que je placerai très proche du haut de mon classement des jeux à 2, donc ça grattait un peu).
J’ai l’impression que chaque milieu social dans lequel les répliques de #metoo se propagent est pris dans une sorte de dualité inexorable, à laquelle le monde du JDS ne déroge pas :
d’une part le sentiment de réinventer constamment la roue, avec les sempiternels débats entre les tenants, les radicaux, les provocateurs, les badauds, les trolls et Jean Passe. J’avoue que si je lisais avec intérêt nombre de ces échanges il y a quelques années, j’ai plus de mal aujourd’hui à voire ressassées constamment les mêmes réactions, les mêmes poncifs et au final les mêmes échanges parfois mot pour mot. Cela vaut tout autant pour les beaufs qui peinent à déconstruire leur masculinité toxique que pour les chevaliers blancs donneurs de leçons de féminisme (ce fil contient les deux, mais en 1860 messages comment pourrait-il en être autrement?)
et d’autre part le sentiment que chaque milieu, de part ses spécificités et son contexte, apporte sa brique à l’édifice de la conscience collective et de la transition progressive (certainement trop lente après tant de siècles d’oppression masculine) de notre société vers des rapports à l’autre plus sensibles et apaisés, plus égalitaires et plus « justes ».
Ceci étant dit, je m’apprête à contribuer à ces échanges et j’ai donc bien conscience du risque de faire exactement ce que je décris ci-dessus, étant humain et donc pétri de contradictions. Pour revenir au fond des échanges plus récents, je ne rejoins pas les critiques dont @dbka fait l’objet. Il m’a même semblé que ses interventions, certes plus écrites et plus longues que la plupart des billets qui les entourent, ont contribué à enrichir le débat et à poser au centre des questions qui peuvent être urticantes pour certains mais qui n’en restent pas moins valides. Je retiens pour ma part le récent billet dédié à l’installation d’un climat permettant à chacun de dénoncer sans preuves.
Ce climat que nous traversons dans chaque affaire de VSS, dans lequel il me semble très délicat de se positionner (a fortiori publiquement), sans risquer la calomnie, le jugement en dehors du prétoire, bref une sorte de pilori moderne, ou à l’inverse d’aggraver les violences faites aux victimes en donnant l’impression de soutenir et de défendre leur(s) agresseur(s).
Je n’arrive pas à me faire une opinion tranchée, et dans le cas de Sky Team j’ai un peu le sentiment que l’honorable démarche entamée est restée au milieu du gué :
on reste pour l’instant, en ce qui concerne les « non-initiés » qui ne sont pas du milieu, dans une sorte de flou et de oui-dire plutôt inconfortable sur les faits, leur contexte et leur degré de gravité,
des conséquences bien concrètes ont déjà eu lieu pour le mis en cause (impossibilité de représenter son jeu au SdJ, invisibilisation de son identité dans la promotion de Splito, et plus généralement rumeur infamante…)
à l’inverse le nombre de victimes potentielles serait déjà élevé (plus d’une dizaine si l’on en croit les ouï-dires), et rien qui n’empêche qu’il n’y en ait d’autres,
et pour la communauté, peu de possibilité d’avancer et de déconstruire les rouages systémiques qui auraient rendu cela possible.
J’ai déjà probablement été beaucoup trop long, et je crois comprendre que l’étiquette de ces lieux demande de la mesure dans la longueur et la fréquence des billets, merci donc pour votre compréhension, et de m’avoir lu jusque là si c’est le cas.
Il n’y aura quasiment jamais de preuves, comme c’est le cas dans la plupart de ces affaires malheureusement.
Quand bien même, je ne peux pas admettre de remettre en cause la parole des victimes. Parler depuis cette position est déjà difficile, délicat, et les risques encourus sont tellement importants (diffamation ; réécriture des faits par les hommes ; accusations portées à l’encontre de la victime - le fameux « elle fait ça pour qu’on parle d’elle ») que je n’ose pas imaginer une seconde qu’une personne puisse en accuser une autre à tort.
Je parlerais donc plutôt d’un climat permettant aux victimes de s’exprimer, ce que je vois d’un bon oeil. Je considère cependant qu’on est pas encore tout à fait dans ce climat. Il y a encore trop d’exigences envers les victimes, comme tu as pu le lire dans les nombreux messages ci-dessus (« un nom » ; « les faits » ; « pourquoi le dire maintenant et pas il y a X mois ? »… ). J’espère que le reste du chemin pourra être franchi et qu’il y aura une prise de conscience sur le fait que ces exigences ne sont pas entendables.
Le problème de cette assertion, c’est qu’elle est un peu circulaire face au problème : si elles sont victimes alors à l’évidence je vous rejoins, et il y a d’ailleurs beaucoup à faire encore pour que cette parole soit encouragée et protégée. Mais la contraposée n’est pas qu’elles le soient et qu’on les remette en question, elle est qu’elles ne le soient pas et que nous soyons dans un scénario diffamatoire.
Je conviens tout à fait que ce scénario est fortement minoritaire, et que cela puisse décourager d’être constamment ramené à cet argument. Il n’en reste pas moins qu’un monde dans lequel la parole qui met en cause autrui ne pourrait pas être mise en doute me semble tout aussi inadmissible.
Cela me rappelle un peu un échange avec un ami d’enfance devenu avocat, qui m’expliquait que les principes du droit et de la procédure pénale s’articulent notamment autour d’un dilemme assez trivial : préfère-t-on le risque de laisser un coupable en liberté ou celui d’enfermer un innocent? En France, nous avons plutôt un système qui penche vers la première option (bénéfice du doute à l’accusé, présomption d’innocence etc.), et j’avoue que je m’en réjouis tant la seconde me semble insoutenable (il faut se souvenir de l’affaire Dils par exemple).
Pour autant, je pense vous rejoindre sur l’idée que les statistiques de toutes les affaires de VSS créditent fortement la parole des victimes et doivent nous amener à déplacer le curseur dans l’autre sens, mais j’avoue que lorsqu’il s’agit de le faire concrètement, je me sens bien plus démuni…
Voici les quelques pistes qui, à ce jour, me semblent souhaitables mais à l’évidence insuffisantes :
Préserver et accompagner les victimes : former davantage les forces de l’ordre qui les reçoivent, peut-être introduire des quotas de mixité dans les commissariats, éviter à tout prix la nécessité pour les victimes de répéter leur histoire de nombreuses fois, offrir systématiquement un soutien psychologie et un réel suivi…
Passer dans un mode où l’on croit ce qui est dit par défaut lors du dépot de plainte, et où l’enquête se chargera d’éclaircir les doutes, même si je suis d’accord avec vous qu’il n’y a que trop rarement des éléments de preuve probants pour de nombreux faits de VSS,
Poursuivre sans relâche le travail de sensibilisation du grand public, couvrir le sujet bien davantage tout au long du parcours scolaire et académique, et lutter bien plus activement contre les clichés sexistes (les enfants ont encore bien trop souvent des manuels scolaires aux illustrations sexistes par exemple)
Avez-vous également des pistes qui iraient dans le bon sens, sans contribuer à provoquer des impacts importants sur les mis-en-cause avant qu’ils ne soient effectivement établis comme coupables?
Sauf que en pratique, l’impact pour l’accusé (pseudo cancel, « carrière » prétendument détruite (on cherche encore ceux à qui c’est vraiment arrivé)) est irrémédiablement bien moins violent et impactant que celui pour les victimes (harcèlement, procédure pénale interminable, l’obligation de revivre encore et encore leur agression à chaque nouvelle explication…). Et en sachant ça on peut aussi prendre ce que tu dis là à l’envers.
Mettre en doute systématiquement la parole des victimes alors que l’immense majorité (pour ne pas dire la quasi totalité) est sincère, c’est ça qui me semble inadmissible.
Mais aurait on le droit à un raisonnement plus bayesien ? C’est à dire au lieu de systématiser une attitude, prendre en compte les informations dont on dispose ainsi que la probabilité a priori (le quasi certain dont tu parles).
Je dirais que plutôt que de proposer des choses du point de vue d’un homme, ça pourrait être pertinent de s’appuyer sur les revendications des collectifs féministes qui luttent depuis plusieurs années sur ce terrain :
la mise en place d’un budget minimal de 2,6 milliards d’euros pour la lutte contre les violences de genre et l’adoption de politiques publiques à la hauteur de l’urgence des besoins. Ces politiques publiques doivent s’articuler autour de 3 axes : la prévention des violences de genre, l’accompagnement et le soutien des victimes, ainsi que la garantie à l’accès équitable aux droits fondamentaux de tousTes.
Je pense qu’avant ça, il faudrait commencé par changer beaucoup de chose dans le système pour que justement les coupables soient établis comme tel.
Le cas de Ary Abittan récemment est le meilleur exemple de ça, on a une victime, avec un rapport médico légal qui atteste, qu’il y a des liaisons anales et vaginales, des hématomes et des lacérations aux cuisses, un trauma au coccyx et même un syndrome posttraumatique… et le mec a eu un non-lieu…
Quand on voit qu’avec autant de preuve, le mec n’est absolument pas inquiété, et a même le culot d’en faire un sujet pour son spectacle ! On peut comprendre qu’autant de femme choisissent de se taire ou de n’en parler que sur un discord safe en prenant des pincettes de tous les côtés…
Et toutes les tribunes possibles ensuite pour faire de la retape en disant « je suis innocent », sauf que ce n’est pas ce qu’a dit le tribunal.
Dans les solutions on peut aussi travailler sur tous les rapports de domination, car c’est avant tout par là qu’arrivent les violences que ce soit à l’égard des femmes, des enfants…
Je vous partage une pyramide qui est très intéressante pour comprendre le continuum des violences. Pour faire simple, chaque étage existe par ce que celui du dessous existe.
Si ont veut agir, à notre niveau et dans le jeu de société. Cela commence par les associations, les soirées jeux et les festivals par exemple. Ne pas accepter et laisser passer des agissements sexistes. C’est déjà un premier pas, concret.
Si on organise un évènement, édité avec l’aide de structures associatives dont c’est l’objet, un guide des bonnes manières à afficher. Dans le monde du jeu, il y a énormément d’illustratrices et illustrateurs talentueuses qui seraient ravis de participer à des petits cartons façon BD que l’on pourrait afficher en Festival. Bar ludique, etc.
Sachant qu’en plus, ça pourrait amener de la discussion sur ces sujets pour les participants et donc faire prendre conscience aussi de certaines choses.
A Toulouse, on a eu une campagne d’affichage dans les transports en commun sur les VSS car les transports et les lieux publics comme la piscine par exemple, sont des zone de risques majeurs pour les femmes. Malheureusement, la campagne est pleine de maladresse car ne comprenant pas les réactions que peuvent avoir les victimes, en pensant donner de bons conseils, elles ne fait que rajouter de la culpabilité pour les victimes. Donc, je pense que l’on soit un homme, une femme ou une organisation, il faut quand même se tourner vers des associations ou des collectifs dont c’est l’objet d’accompagner les personnes sur ces sujets.
Mais de manière rapide, sans demander d’effort humain, cognitif ou financier, il y a déjà énormément de choses qui peuvent être fait tout de suite, sans attendre et qui aura un impact immédiat.
C’est une chouette manière de le conceptualiser. C’est un peu ce qui est fait à mesure que les témoignages et les preuves émergent, et les articles et plateaux de Mediapart semblent bien maitriser ce « bayésianisme » en créant les conditions pour que le faisceau d’indices converge, et que les accusations puissent se faire plus précises et plus solides.
Cela ne réduit cependant pas la charge qui pèse sur les victimes, car tout part de leurs démarches et de leurs témoignages, mais cela a la vertu de leur permettre une forme de sororité et de soutien mutuel, bien perceptibles sur les plateaux qui ont été dédiés à l’affaire PPDA ou celle de French Bukkake par exemple.
Rien de tout cela encore dans le monde du JDS, mais croisons les doigts pour que les choses avancent dans ce sens…
Je te propose un truc à la fois beaucoup plus simple et beaucoup plus complexe :
laisser les femmes, victimes ou victimes potentielles, exprimer ce dont elles ont besoin
quand elles le font, les écouter (avec bienveillance)
de taire pendant que tu réfléchis à ce qui a été dit
essayer d’appliquer ce qui est à ta portée.
Et en attendant, il y a plein de choses à faire en introspection :
est ce que la dernière blague était vraiment drôle ?
est ce que c’était pertinent de la sortir vu le contexte ?
face au dernier agissement un peu sexiste d’un pote, est ce que le reprendre ou ignorer ne serait pas mieux que renchérir, même si c’est marrant ?
est ce que faire plus de tâches domestiques ne permettrait pas de monter par l’exemple l’égalité hf à les enfants
…
Truc con de la vie de tout les jours : j’aime bien quand dans un jeu il yait des persos féminins, et j’aime bien que certaines soient sexy. Mais je sais que c’est du fan service, et que dans le fond c’est pas bien… Mais pareil je sens bien que spontanément si je cherche sur youtube « musique médiévale taverne » je vais plus cliquer sur celle avec une image (IA obviously) de serveuse avec décolleté plus que sur celle avec le barde et sa vielle à roue. Mais je sais que c’est débile et que ça favorise le sexisme ambiant.
Je n’ai rien contre cette pyramide en particulier mais il manque quand même une forme de politisation de cette violence, dans le sens ou si celle-ci est possible c’est parce que ses manifestations s’inscrivent plus largement dans le continuum patriarcal, ou les hommes disposent encore largement du pouvoir politique (entendu au sens large du terme). Puisque la façon dont sont structurés les rapports de pouvoirs dans le système capitaliste, découlent de la façon dont le patriarcat s’organise aussi en tant que système de valeurs (en imposer certaines, en rendre d’autres honteuses).
Et ça n’est pas un détail, dans le sens ou on sait bien malheureusement que même si le milieu se féminise (mais la féminisation n’est pas une solution miracle non plus) la parole féministe, et je dis bien féministe, donc plus attentive, sensibilisée et éduquée à toutes ces problématiques va devoir passer par la moulinette d’hommes très souvent à la tête des festivals, assos et, on le sait, malheureusement, parfois (très) réfractaires à l’idée qu’il puisse y avoir ce genre d’initiatives.
Je ne vise à décourager personne bien évidemment, mais je voulais juste souligner que le problème ne comporte pas que des faits isolés qu’il suffirait de traiter au cas par cas, et je dis pas que c’est ce que tu dis Jérémy hein, mais je me permets quand même de rappeler qu’il va falloir se frotter à des réticences plus structurelles.
Sur les femmes éclairées et les structures tenues par les hommes qui seraient réticentes, je pense que c’est en partie vrai, mais c’est aussi en partie une mythologie.
Je ne sais pas dans quel domaine industriel vous exercez, mais les entreprises que je fréquente sont très au fait de la loi et mettent en place tout un arsenal de prévention et de sanction, qui fait qu’on peut même dans certains cas être sanctionné préventivement de manière informelle. Est-ce que les grosses entreprises du monde du jeu sont différentes ? J’ai l’impression que c’est peut-être plus dans les milieux ouverts/amateurs/virtuels que cela se joue et qu’il faudrait agir (festival, associations, internet, milieux festifs) reviennent souvent dans les exemples qui filtrent). Ensuite, tu as ce qui se passe dans le couple, et c’est encore une autre histoire.
Donc, de fait, dans les environnements de l’entreprise que je fréquente les femmes peuvent circuler librement, sans parole publique désagréable sur leurs tenues ou leurs corps, ou leurs sexualités, ou leurs promotions, ou je ne sais quoi, sans trace dans les messageries de quoi que ce soit d’offensant. Les homosexuels peuvent l’être librement. Pour autant la violence continue. Et je ne sais pas dans quelles domaines vous exercez, mais des femmes dans des positions de management ne donnent pas leur part au chien en matière de violence. Dans les services RH notamment, il y a un caractère impitoyable pour les faibles (H/F) et une grande duplicité dans l’exécution. En ce sens, nous sommes arrivés à égalité.
Mais encore une fois, c’est peut-être différent dans vos environnements de travail.