Totalement captivé par Cyberpunk 2077 (ultimate edition, sur PS5) depuis quelques semaines, je me replonge avec délectation dans cet univers de SF qui m’a énormément marqué dans les années 90s, lorsque des personnages tout droit sortis de mon imaginaire trainaient leur blouson de cuir clouté et leur iroquoise rose fluo dans les rues de Night City. J’avais adoré le JdR auquel j’ai beaucoup joué à cette époque, et il est peu dire que l’oeuvre de Mike Pondsmith a eu un énorme impact sur ma culture « ludico-geek » ; le courant cyberpunk a toujours occupé une place importante parmi mes univers préférés, se hissant sans peine au même rang qu’un Star Wars ou un Forgotten Realms. J’ai d’ailleurs moi-même pendant longtemps (plus de 20 ans) masterisé Shadowrun, univers qui réunissait tout à la fois la mouvance cyberpunk et les canons de la fantasy.
J’ai bien évidemment vu et lu de nombreuses oeuvres liées à ce courant, et comme n’est pas mort celui qui à jamais ne dort, il suffisait d’une étincelle pour (r)allumer le feu comme dirait feu Johnny… Silverhand !
Or donc, comme (trop) souvent, en parallèle de mes aventures vidéoludiques et étant un adepte du cross média, j’ai commencé à zieuter ce qui s’était fait récemment du côté punk de la cybernétique, me documentant, entre autre, un peu plus sur le nouveau JdR, Cyberpunk Red, dont j’avais suivi la naissance de loin. Et c’est ainsi, de lien internet en lien internet, que je suis tombé par hasard sur Cyberpunk Red : Combat Zone de Monster Fight Club.
J’étais passé totalement à côté de la campagne de financement participatif, qui n’a d’ailleurs pas spécialement soulevé les foules ici-même (voir le fil consacré à ce KS), et je ne connaissais pas Monster Fight Club, l’éditeur derrière le projet, mais une première lecture des règles (disponibles sur le site de MFC) et la magie de Noël m’ont convaincu de me laisser tenter, le jeu étant disponible en boutique. J’ai donc reçu la boîte de démarrage sous le sapin, j’ai monté rapidement les figurines (j’y reviendrai) et les décors, et nous avons testé tout cela hier après-midi avec mon fils.
Et comme je l’avais pressenti en compulsant le rulebook, la première impression est très positive !
Avant toute chose, que jouons nous et pourquoi nous battons nous ? Night City, la cité des rêves voulu par son fondateur, Richard Night, tient plus du cauchemar urbain que du paradis utopique pensé à l’origine par son créateur. Au sommet, les mégacorporations se partagent le pouvoir en exploitant sans vergogne les masses laborieuses réduites quasi au rang d’esclave. A l’opposée, dans les bas fonds, règne la loi du plus fort. La ville est une jungle et, au coeur de celle-ci, dans les quartiers livrés à eux-mêmes, la zone de combat est l’arène dépourvue de règles où les gangs viennent s’affronter pour un bout de bitume, un peu de matos cybernétique, une vague dette d’honneur ou encore un peu de Street Cred’. Car ouais choomba, dans la rue, la réputation vaut plus que tous les Eurodollars !
Vous voilà donc à la tête d’un des nombreux gangs de Night City (voir d’une escouade corporatiste, ou pour les plus masochistes d’un détachement du NCPD), bien décidé à faire de vos gonz’ les « kings of the street », voir, pourquoi pas, à sortir de la zone si un jour votre prestige le permet. Pour ce faire, il faudra bien évidemment mettre à terre vos rivaux, si possible en les laissant pisser le sang dans le caniveau, mais pas que… le jeu proposant douze scénarios et MFC en publiant régulièrement sur leur site.
Jeu d’escarmouche avec figurines, Combat Zone lorgne clairement du côté de Kill Team, Necromunda ou encore Infinity pour ne citer que des références futuristes. Les figs justement sont en résine de bonne qualité, ce qui ne pose pas de problème particulier une fois que l’on a compris qu’il ne faut pas utiliser sa colle plastique habituelle (). Nous sommes sur du 32mm « true scale » et la sculpture va du très moyen (Wakagashira, je pense à toi !) au très bon (l’Oyabun, les Ronins, la plupart des figurines du Maelstrom… pour ne parler que de la boîte de base), avec une forte prévalence du (très) bon. C’est certes moins fin que ce que peu(ven)t faire le(s) leader(s) du marché, mais cela reste franchement dans le haut du panier, avec pas mal de détails qui donnent envie de poser ses pinceaux dessus (et pour information, Vallejo a sorti des sets sous licence -quatre à ce jour- avec figurines exclusives).
Mais côté gameplay, ça donne quoi…
Arasaka a « égaré » une précieuse cargaison dans la zone ; Maelstromers et Tyger Claws s’affrontent pour la récupérer.
Nous sommes ici sur de l’activation alternée, mais avec cette particularité qu’il n’y a ni tour ni round. Une fois lancée, la partie se joue ainsi en continue sans les temps morts que peuvent induire les habituelles phases d’entretien. Et ce n’est pas la seule originalité du système. La mécanique repose en effet sur quelques principes originaux qui lui donnent toute sa saveur et que je vais détailler rapidement ci-dessous.
Ainsi, quand un joueur « prend le contrôle », il a le choix entre deux actions ; activer une figurine ou inspirer son équipe. Cette option lui permet de faire agir les petites frappes de sa bande (des paumards de seconde zone aux moyens d’action limité) et, plus important, de rafraichir les jetons d’action de ses personnages. Savoir quand « faire une pause » dans l’action pour revitaliser son gang est une première chose à appréhender.
Les jetons d’action justement, parlons-en. Ils sont de trois couleurs ; verts (les meilleurs), jaunes et rouges (les plus mauvais). Ils sont à la fois associés aux distances de déplacement et à un dé, respectivement d12, d8 et d6. Chaque personnage a son propre pool de jetons, les meilleurs pouvant avoir jusqu’à trois jetons verts. Lorsqu’il active une figurine, son propriétaire peut effectuer autant d’actions que de jetons, en choisissant bien évidemment la « couleur » de son action. Une fois l’action effectuée, le jeton est « épuisé » (d’où l’importance « d’inspirer » ses gonz’ régulièrement).
La plupart des actions nécessitent un jet de dé en opposition avec l’adversaire ; on le comprend aisément pour les attaques, mais cela vaut également pour se déplacer dans sa zone de contrôle ou pour pirater sa cybernétique. Dans ces cas là, chaque joueur lance un dé, ajoute éventuellement sa valeur de compétence, et le plus haut l’emporte (l’égalité étant à l’avantage du défenseur). Parfois, interagir avec le décors nécessite également un test (comme sauter par dessus un obstacle par exemple, ou se connecter à un terminal), auquel cas le jet de dé se fait en opposition avec un dé d’obstacle (d10). Bien évidemment, il est tentant d’utiliser ses jetons verts pour les actions les plus importantes. Sauf que parfois (souvent !), on a besoin de ce précieux jeton pour autre chose (comme faire un grand déplacement nécessitant le franchissement de plusieurs barrières). Gérer son pool d’actions est au coeur du jeu et la réflexion tactique devient plus intense si l’on ajoute à cela les deux éléments suivants…
Le premier est que quand il s’agit de se défendre d’une attaque, le joueur peut choisir n’importe quel jeton d’action de son personnage, y compris ceux « épuisés ». On serait donc tenté de toujours « claquer » son jeton vert pour optimiser ses chances. Oui mais si la défense échoue et que l’on prend une blessure, le jeton utilisé pour la défense se transforme en jeton rouge, le plus faible de tous. Par ailleurs, quand un personnage n’a plus que des jetons rouges, la blessure suivante l’élimine de la partie. Un personnage blessé voit ainsi son potentiel d’action diminué rapidement et être « red-liné » n’est jamais un bon signe dans la zone.
Le deuxième est le principe de [RE]action. Lorsqu’un personnage reçoit une blessure, si il dispose d’un jeton d’action « ready », il peut agir immédiatement. Cela implique de riposter sur l’ennemi qui vient de l’attaquer, mais cela peut aussi induire d’aller planquer ses miches pour éviter de prendre une deuxième bastos dans le buffet. Encore une fois, bien gérer son pool d’actions est primordial… notamment pour les leaders (ou les personnages influents) qui peuvent, en [RE]action à une attaque, effectuer une action d’influence…
… pour piquer le « contrôle » à l’adversaire. Typiquement l’Oyabun des Tyger Claws qui se prend une balle dans le bras et qui use de son influence pour envoyer son Kyodai châtier le malotru qui a eu l’outrecuidance de s’en prendre à elle.
On enchaine ainsi les actions, la main passant de l’un à l’autre joueur, dans une empoignade « fast and furious » qui colle vraiment bien à l’univers.
Mon fils en pyjama (c’est les vacances) et en pleine réflexion tactique.
In game, on est vraiment sur quelque chose d’hyper cinématographique et de vraiment très plaisant ; il y a très peu de temps mort, les actions improbables s’enchainent dans un style très « matrixien ». On fonce sur l’adversaire en effectuant un parkour entre les obstacles, on esquive les balles, on se fait découper à coup de mono-katana, on pirate le cyber de l’adversaire. Parmi les trucs funs, on peut aussi jeter un adversaire depuis une hauteur, looter les cadavres pour récupérer du matos… et tomber sur une bombe corticale qui nous pète à la figure !
C’est très très fun, franchement bon, et totalement dans l’esprit cyberpunk.
Bien évidemment, pour être complet sur le sujet, il faudrait ajouter la tonne d’équipements que l’on peut ajouter à ses pitous comme des membres cybernétiques, des lance-grenades, des drogues de combat, et j’en passe (tout l’arsenal est là). Evoquer les Netrunners qui peuvent hacker les systèmes adverses et lancer des programmes offensifs ou défensifs, tout cela sans complexifier les règles (qui sont vraiment fluides pour le coup). Parler des drones que peuvent déployer certaines factions. Etc, etc…
La gamme est très complète, propose déjà une dizaine de factions, et offre la possibilité de jouer en campagne. Là encore, pas de gestion complexe ; votre gang commencera avec toutes ses figurines en version « de base ». Chaque victoire vous permettra de promouvoir des membres au rang de « vétéran ». A chaque scénario, en plus de l’objectif principal, vous tirerez trois objectifs personnalisés lesquels, en cas de réussite, vous rapporteront des avantages à court ou moyen terme, mais également du Street Cred’. Plus vous avez de Street Cred’ plus vous avez accès à du bon matos, et au bout du bout, il vous sera donné la possibilité de « prouver votre valeur » ; un scénario spécial qui, en cas de réussite, signifiera la gloire pour votre gang… et la fin de la campagne (du moins pour lui). Bien sûr, vous pourrez perdre des gonz’, embaucher des mercenaires, etc. Le jeu est vraiment complet et n’a pas à rougir face à ses concurrents.
Pas grand chose à dire de plus. Cyberpunk Red : Combat Zone restera probablement assez confidentiel en France, mais si vous aimez le genre et que vous avez l’occasion de l’essayer, n’hésitez pas ! Il a d’excellents retours sur BGG (8.5) même si ils sont peu nombreux. Mais le jeu est assez récent (été 2023) et j’espère qu’il trouvera son public car vraiment, il vaut selon moi le coup.
Sur ce, j’y retourne ; ma fille attend son tour pour tenter de conquérir la zone.
Fantrad :