Garçon ? Y'a un iel dans mon jeu!

J’ai largement préféré lire ces derniers échanges. Je trouve que c’est dommage de s’arrêter en si bon chemin, même si je comprends à peine la moitié de ce que vous racontez.

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Pour répondre à cela, je te cite :

Tu appliques aux autres ce que tu sembles leur reprocher !

Juste pour te montrer à quel point c’est faux, cette assertion : regarde du côté de l’Orient, de l’Asie, de l’Afrique, du monde arabo-musulman et tu verras à quel point ton « propre à l’Occident » est infondé au même titre que bien des affirmations que tu assènes comme des pseudo vérités enrobées dans un langage qui se veut scientifique/ technique mais dont la marque semble le mésusage.

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TL/DR : on n’est pas d’accord :slight_smile:

C’est marrant de voir que toute cette discussion est partie de ma remarque sur le soit disant mansplanning dont j’ai dit

Et c’est parti en vrille avec une hypothèse fondamentale essentialisante (je fais des maths, donc je critique les sciences sociales). D’autant plus amusant que les maths ne sont pas une science, mais bon, ce n’est pas très grave :wink:

Je vois plusieurs problèmes dans ton discours. D’abord un point (controversé) sur la notion de science. Il y a une intéressante tension autour du terme et on a l’impression qu’il faudrait obligatoirement qu’une discipline soit scientifique pour produire du savoir. Est-ce que l’histoire est toujours scientifique, par exemple ? Tu défends une position dans laquelle la science n’est pas définie par sa méthode et englobe une grande partie des disciplines qui produisent du savoir mais bizarrement pas toutes (c’est peut être un oubli !), comme par exemple la philosophie. Je défends (et je ne suis pas le seul) une définition de la science comme l’application de la méthode scientifique qui produit des explications testables et réfutables. Cela n’exclut absolument pas du champ du savoir les productions de disciplines qui n’appliquent pas cette méthode. L’avantage de cette définition est justement que c’est est une et qu’elle ne s’oppose pas à l’idée qu’il existe plusieurs modèles épistémologiques, au contraire.

Plus gênant et moins controversé, tu confonds reproductibilité et mesure. Il est en effet assez difficile de reproduire des résultats dans beaucoup de champs, la sociologie notamment, pour des raisons évidentes. Ceci n’empêche pas, loin s’en faut, de construire des modèles et de les confronter à la réalité par la mesure et cela peut conduire à des p-valeurs, par exemple. Prenons un exemple sans enjeux politique, les présences et absences d’espèces animales dans des milieux divers, un sujet d’écologie très important (cf ce papier pour les détails techniques, par exemple). Un enjeu important dans ce domaine est de savoir s’il y a des phénomènes de ségrégations entre espèces du genre les A ne se trouvent presque jamais avec les B dans un même milieu, ou des phénomènes d’association, c’est-à-dire le contraire (A et B très souvent ensembles). L’approche naïve consiste simplement à compter combien de fois ça arrive : dans combien de milieux j’observe A et B, versus dans combien je les observe seuls. Le problème est que ça ne marche pas : si A est une espèce très fréquente, on va trouver A et B ensemble plus souvent que si A n’est pas fréquente, sans que cela ne dise rien sur l’amour ou la haine que se portent A et B (on peut faire un raisonnement similaire sur le caractère hostile ou accueillant des milieux). On peut répéter à l’envie la mesure, ça ne changera rien au fait qu’on ne peut pas conclure sans un outil de plus. C’est là que le modèle entre en jeu : on construit un modèle mathématique de répartition aléatoire des espèces dans les milieux qui préserve le caractère des milieux (et l’éventuel attrait des espèces pour ceux-ci) et la prévalence globale des espèces, puis on calcule à partir de ce modèle des répartitions typiques. Ceci nous permet de calibrer dans combien de milieux on peut trouver A et B ensemble sans aucune hypothèse de répulsion ou d’attraction entre les espèces. Et cela nous permet sans aucune répétition des mesures de calculer une p-valeur pour l’observation effectuée. En d’autres termes, cela nous permet de savoir si l’association observée entre A et B peut s’expliquer par le hasard ou si au contraire on doit envisager une attraction ou une répulsion entre les espèces. Tout ça pour dire que tu confonds reproductibilité et capacité à tester l’adéquation d’un modèle avec la réalité.

Note bien que mon exemple ne doit rien au hasard (ah, ah). Il se trouve que l’une de mes modestes contributions à l’archéologie a été de porter ces techniques venant de l’écologie dans ce domaine. Avec des collègues (archéologues) nous avons ainsi pu revisiter des résultats de fouilles à l’échelle de l’Europe celtique complète sur des centaines de sites. Nous avons montré que certaines associations entre des mobiliers provenant d’importations romaines dans le monde celtique pouvait s’expliquer par le hasard alors que ce n’était pas le cas d’autres. En pratique cela permet d’avancer dans la compréhension de la propagation du modèle culturel romain dans le monde celtique (en l’occurrence la consommation du vin).

Je ne te relance pas sur les expériences naturelles, mais c’est aussi un bon exemple de la notion de test dans un contexte de sciences humaines (et donc de caractère scientifique à mon sens de ces champs disciplinaires).

J’en reviens à la question à laquelle tu évites de répondre depuis le début : d’où parles tu, camarade ? Parce que les discours sur l’épistémologie, c’est très bien et très intéressant, mais quand on n’a jamais produit de savoir soit même, ça reste un discours. J’ai produit du savoir. Très certainement sans grand intérêt pour l’humanité, mais je suis passé par le processus de validation du savoir mis en place par diverses communautés disciplinaires. J’ai de ce fait une vague notion de comment on fait dans la vraie vie. Est-ce ton cas ?

Dernière remarque sur ce paragraphe : tu n’es pas obligé de faire référence à « jeunes chercheurs ». Les vieux cherchent aussi :wink:

On est d’accord que ton troisième lien ne parle absolument pas d’épistémologie ? Et en plus quand j’y lis des choses comme

La culture est mesurable par des indicateurs de fréquentation globale des équipements culturels

ou

Bernard Lahire a montré empiriquement la surreprésentation de pratiques culturelles dissonantes parmi les classes moyennes

j’ai du mal à y voir une position épistémologique différente de celle que je défends.

Ce qui n’est aucunement contradictoire avec la définition de la méthode scientifique.

Ce n’est pas ce qu’on fait, en pratique. Je pense d’ailleurs que la formule de @Julienbf n’est pas bonne, même si elle est classique. On cherche des modèles qui peuvent produire des prédictions qu’on peut ensuite confronter à la réalité. L’idée est de se mettre dans une situation qui permette de juger de l’adéquation entre les prédictions et la réalité de façon objective. Cela permet potentiellement de mettre le modèle en défaut, mais en général on cherche justement un modèle qui fonctionne.

Tu confonds sexe (un concept biologique) et genre (un concept sociologique). Le sexe est binaire dans une très très grande majorité du monde animal, et en particulier chez les humains. Il a une définition stable et simple : les femelles possèdent des gonades qui sont destinées à produire des gamètes volumineuses et peu mobiles (les ovaires qui produisent des ovules chez les mammifères), les mâles possèdent des gonades qui sont destinées à produire des gamètes petites et mobiles (les testicules qui produisent des spermatozoïdes).

Le genre a une définition sociologique qui est grosso modo ce que tu écris. Le fait que le genre soit uniquement une construction sociale n’est probablement pas vrai. Il y a des différences objectives entre le cerveau féminin et le cerveau masculin (cf le dernier article à ce sujet de Williams et co-auteurs). Je recommande vivement à ce sujet l’excellent livre Quand le cerveau devient masculin de Jacques Balthazart, un des plus grands chercheurs en endocrinologie. Il cite notamment des expériences sur les temps de fixations visuelles des nourrissons de moins de trois jours qui font apparaître des différences de comportement significatives entre filles et garçons (plus de fixation sur des visages pour les filles). Donc le genre est partiellement une construction sociale, partiellement une donnée biologique.

Merci monsieur Freud. Comme quoi, Clouscard…

Et après tu me reproches de parler de sciences sociales. Ça faisait longtemps que je n’avais pas lu un truc aussi absurde sur une approche mathématique que j’enseigne régulièrement, notamment sous forme vulgarisée à des chercheurs en sciences humaines. Ça me fait penser à la fois où une historienne sort dans un séminaire pour doctorants que, je cite :

la régression est une méthode de droite.

alors bien sûr je rigole poliment, une blague de matheux faite par une historienne, c’est plus sympa (pour ceux qui ne connaissent pas, la régression linéaire est une méthode statistique qui peut se représenter dans des cas simples comme une droite tracée sur un graphique). Mais elle continue et je finis pas comprendre qu’elle veut vraiment dire ça : la régression est une méthode marquée idéologiquement à droite. C’est consternant d’incompréhension de l’outil.

Mais je veux bien te donner le bénéfice du doute : c’est quoi le bayésianisme pour toi et pourquoi cette approche est-elle libérale ?

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Wow, quelle vie, me reprendre sur des points floues, parce que ouais, désolé je suis pas là pour faire un cours magistral, sans jamais apporter de contre argument sourcé par ailleurs, vous avez vraiment que ça a à faire ? Genre vous avez jamais de contradictions ? Oui je reconnais que quand j’ai parlé de « normes sociales » j’ai été vague, j’aurais dû être plus précis, je parlais surtout du naturalisme comme prisme de lecture du monde, voir Philippe Descola.

Ce n’est pas sur « normes sociales » qu’il te reprends mais sur ce qu’il a mis en gras, c’est à dire que ce serait « propres à l’Occident ».

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Je vais répondre sur ce point, par des sources, quant au reste, je n’ai pas le temps de répondre à tout, donc j’assume toujours mes arguments, même si vous avez apporté quelques trucs intéressants, je suis fatigué par ce débat, et être seul contre plusieurs contradicteurs, n’est pas une situation très enviable.

Je renvois vers ceci : Les cerveaux en bleu et rose selon Jacques Balthazart (partie 1) – Allodoxia (odilefillod.fr)
Les cerveaux en bleu et rose selon Jacques Balthazart (partie 2) – Allodoxia (odilefillod.fr)

(J’espère que vous lirez avant de juger l’autrice)

Tout est sourcé, vous pourrez vous même faire le travail de recoupement si vous en avez l’envie. (et le temps).

Une partie de la synthèse :

"Par ailleurs, l’éventuelle influence de la testostérone périnatale sur le volume de ces noyaux chez les hommes (et par suite la détermination d’une différence entre femmes et hommes, selon la théorie promue par Jacques Balthazart) reste à démontrer, et les données disponibles plaident parfois plutôt contre l’idée qu’elle est notable le cas échéant. Compte tenu de la participation de ces noyaux à des circuits cérébraux activés dans divers contextes tels que l’activité physiologique des gonades, le fait d’avoir une activité sexuelle ou encore la soumission à un stress, le vécu en moyenne différent des femmes et des hommes est susceptible de créer certaines différences moyennes dans ces noyaux.

Enfin, aucun corrélat comportemental ne peut à ce jour être considéré comme établi avec la taille de ces noyaux chez l’être humain, ni a fortiori un lien de causalité entre elle et des différences comportementales entre femmes et hommes. En revanche, du fait de l’implication de certains noyaux dans la régulation de la physiologie de la reproduction proprement dite, il n’est ou serait pas étonnant qu’ils puissent présenter un certain degré de sexuation périnatale du fait du dimorphisme des appareils génitaux féminin et masculin."

Que disent les sciences sociales, avec l’apport des neurosciences, sur un cerveau qui serait sexué ?
Le cerveau a-t-il un sexe ? | Cairn.info

Extrait :

Les techniques d’imagerie récentes révèlent donc que les différences anatomiques entre cerveaux d’hommes et de femmes sont liées à un effet de volume cérébral plutôt qu’à un effet de sexe : la piste anatomique comme explication du fait que les hommes et les femmes pensent différemment ne tient plus la route. L’avènement de l’imagerie cérébrale a ouvert une autre piste, plus prometteuse, pour tenter de comprendre les origines des différences entre hommes et femmes : ces techniques permettent de voir le cerveau en fonctionnement et la façon dont il « s’active » lors de tâches diverses, et notamment lors de tâches où les performances entre hommes et femmes varient. Des différences de fonctionnement cérébral ont ainsi été recherchées pour des tâches de langage ou visuo-spatiales par exemple, tâches pour lesquelles les différences de genre sont classiquement observées et qui sont censées refléter les différences de comportement (les femmes s’expriment plus facilement, les hommes sont meilleurs en géométrie), bien que ce résultat soit maintenant de plus en plus contesté [6][6]Wallentin, « Putative sex differences in verbal abilities and…. Il existe une littérature riche sur cette question et il ressort de façon consensuelle qu’il existe bien des patterns d’activation différents en fonction du sexe pour des tâches variées comme la rotation mentale, le traitement verbal, la compréhension d’idiomes etc. Toutefois, ces résultats sont variables voire divergents d’une étude à l’autre et il n’y a pas de parallélisme strict entre les différences d’activation et les différences de performance, certaines études observant par exemple des activations cérébrales différentes alors qu’il n’y a pas de différences en termes de performance [7

Oui oui le conditionnement social c’est de la psychanalyse, bref.

Alors pour être plus clair, le bayésianisme je dis pas que c’est pas intéressant ou pas solide comme méthode, cependant, selon moi ça vient créer des arguments libéraux quand c’est utilisé pour analyser les choix en politique, comme le fait Science4All par exemple, au détriment de l’analyse en sciences politiques, socio, etc… Je suis frileux à l’idée de tout mathématiser, et d’autant plus quand il s’agit de politique et de choix de société, on a déjà des technocrates à la tête de l’état qui parlent de chiffres en longueur de journée, sans jamais chercher à y analyser le facteur humain. Mais bref, je sens que ce débat pourrait être encore long, et dernièrement je suis malade, donc je n’ai plus la force. Bonne continuation.

Moi pas.
C’est une façon d’éclairer un problème qui peut toujours être féconde.

Le problème n’est pas dans l’outil ni la modélisation, il est dans les choix politiques fait subséquemment.

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Le problème c’est surtout que les maths sont souvent aveugles vis à vis du contexte. C’est toujours utile d’avoir des chiffres, je dis pas le contraire, néanmoins si c’est pas complémenté par des études qualitatives contextualisées on prend le risque de pouvoir mal les interpréter. La crise du covid en est un bon exemple actuellement, des chiffres on en a, sur les vaccinés, non vaccinés, le nombre de lits de réa, les tendances à la hausse ou la baisse du virus, et c’est très bien, par contre les motivations derrière l’antivaxinisme, l’explication du « comment » se crée un tel sentiment, ce ne sont jamais des questions qui sont posées autrement qu’en passant par le pathos et la responsabilité individuelle (souvent via des éditorialistes douteux), ce qui a pour résultat de créer de la radicalité, et une fracture sociale avec une opposition contre-productive. La recherche qualitative permet de comprendre (pas dans le sens de « l’excuse » de l’antivaxinisme on s’entends hein), mais également de chercher des solutions, ici, politiques. On a besoin des deux, mais l’un ne doit pas effacer l’autre, et actuellement c’est le cas, les chiffres sont partout, les analyses quali, nulle part. (Pourtant c’est pas faute d’avoir eu un conseil scientifique avec quelques sociologues et anthropologues spécialistes des contextes pandémiques).

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allez, encore un petit effort et si vous vous y mettez ensemble, vous êtes mûrs pour créer la psychohistoire

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Merci pour ces références intéressantes. Le problème principal est qu’elles sont « anciennes » et peuvent donc prétendre que les différences sur les volumes cérébraux ne sont pas établies ou sont expliquées par la taille et le poids des personnes. Or, ceci est faux comme le montre l’étude que j’ai citée plus haut. Cette publication est non seulement la plus récente (septembre 2021) mais elle est en plus basée sur l’ensemble le plus grand disponible actuellement (40000 images cérébrales). C’est donc la plus fiable et les résultats sont que la taille du cerveau est différente chez les hommes et les femmes (sans que cela n’ait d’incidence sur les mesures d’intelligence), même quand on tient compte de la taille et du poids. De plus, même après correction par le volume cérébral, le volume des différentes aires cérébrales dépend du sexe pour beaucoup d’entre elles.

De ce fait, toutes les objections de l’article de Cécile Guillaume sur ce point sont invalidées par les études les plus récentes. Le reste de son texte est contestable sur plusieurs points. Je retrouve l’exemple classique de confusion entre corrélation et causalité, ou au moins de gros raccourcis. Par exemple elle cite une expérience très intéressante sur intériorisation d’une forme d’infériorité supposée chez les filles (géométrie versus dessin) sur laquelle je n’ai pas d’objection de principe (j’ai lu beaucoup de choses dans le même esprit) puis elle écrit

Cette étude montre le poids des stéréotypes sur les performances cognitives qui alimentent l’idée d’infériorité des femmes dans le domaine des mathématiques et des compétences visuo-spatiales. Ces stéréotypes, ancrés dès l’enfance, guident ensuite les choix d’orientation et de carrière : les filles se tournent plus facilement vers le social, le médico-social, les services ou l’enseignement. Les hommes en revanche s’orientent plutôt vers les secteurs techniques, de la construction, de la production, de l’industrie, de l’ingénierie. Ainsi en 2010 en France, les filles représentaient 45,2 % des élèves en terminale scientifique mais seulement 27 % des élèves entrant en école d’ingénieur.

Ce qui est intéressant est le passage de l’étude à la conclusion, sans argument et sans preuve. Elle est en fait en train de chercher une explication causale et elle n’utilise aucun des outils qui existent pour le faire, alors que c’est un champ qui dispose de pas mal de propositions intéressantes (même si c’est très compliqué en pratique). On n’est pas loin du raisonnement circulaire, en fait.

Ceci dit, c’est globalement intéressant, dommage qu’elle se laisse aller à des âneries du genre

Ces différences expliqueraient l’incompréhension entre hommes et femmes et les inévitables difficultés de dialogue dans le couple… En suivant ce raisonnement on pourrait donc affirmer que seule l’homosexualité pourrait être la clé pour réussir sa vie de couple !

Ça discrédite un peu le texte alors qu’il contient des informations intéressantes, notamment sur l’objection principale qu’on peut faire aux mesures sur les cerveaux des adultes dont la plasticité pourrait expliquer les différences de taille des aires.

Concernant le blog d’Odille Fillod, j’avoue que les attaques ad personam sur Balthazart qui débute l’article sont assez rebutantes, merci de m’avoir en quelque sorte prévenu. Je constate qu’elle utilise dès le début un argument complètement pété qui confond individu et population. Elle écrit :

Premièrement, aucune région du cerveau humain n’est connue comme présentant un dimorphisme sexué du type sous-entendu dans ces propos, c’est-à-dire différant en volume entre « l’homme » et « la femme ». Quelle que soit la structure ou la région cérébrale considérée, à chaque fois qu’une différence de ce type est observée, il y a toujours une grande variabilité indépendante du sexe et un recouvrement important des distributions des deux groupes de sexe, de sorte qu’il y a toujours de nombreux hommes ayant un volume plus proche de celui trouvé en moyenne chez les femmes que de celui trouvé en moyenne chez les hommes, et réciproquement de nombreuses femmes ayant un volume plus proche de la moyenne masculine.

Techniquement, c’est vrai, mais ça ne change rien au fait qu’il y a des différences en moyenne entre homme et femme. Et c’est ce que dit Balthazar dans son bouquin. Il précise même exactement ça, le fait que si on prend deux individus au hasard, il y a seulement une probabilité que telle structure soit plus grosse chez la femme, par exemple.

Elle écrit aussi

Selon toute la littérature disponible, les structures ou régions macroscopiques du cerveau sont toutes en moyenne plus grandes chez les hommes.

C’était peut être vrai en 2019 quand elle a écrit l’article, mais c’est faux actuellement, cf l’étude au dessus. Elle attaque au passage Franck Ramus qui est co-auteur de l’étude de 2021. Cela fait un exemple de plus du caractère militant du blog (ce n’est pas un problème en soit, mais ça me rend soupçonneux). Je ne commente pas la suite de son raisonnement sur ces points, puisqu’il est basé sur des résultats invalidés par l’étude que je cite.

Le reste des deux posts me semble superficiellement bien argumenté (edit : au sens d’une lecture superficielle, pas au sens de la qualité de son argumentation). Comme toujours dans ce type de post, l’autrice s’attache plus à critiquer ce qui ne va pas dans son sens que ce qui va dans le sien, mais c’est de bonne guerre, je fais pareil :wink: D’ailleurs elle critique de façon assez intéressante les résultats que j’évoquais plus haut sur la différence de fixation visuelle chez les nouveaux nés dans cette note. On y retrouve malheureusement des passages complètement hors de propos avec la traditionnelle reducio ad fascistum : elle n’hésite pas à convoquer Anders Breivik comme exemple des conséquences des croyances en l’existence d’une origine biologique au genre, c’est assez grotesque (même niveau que l’Islam qui engendre le terrorisme). Mais si on fait abstraction de ces passages, c’est intéressant.

En résumé donc, le sujet reste débattu. Les deux synthèses scientifiques très récentes qui me semblent les plus pertinentes sont celle que j’ai déjà citée plusieurs fois qui va dans le sens de l’existence de différences significatives (au sens statistique du terme) et une citée par Fillod, ici qui va dans le sens contraire.

Je n’ai pas été clair : le principe sous-jacent « vous n’êtes pas conscient de vos biais » est typique du mode de raisonnement de la psychanalyse où tout est une preuve que ça marche (et donc rien n’est une preuve…)

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Sur ce sujet des réticences vaccinales, la psychologie cognitive apporte aussi des réponses utiles pour adapter le discours de santé publique.

J’ai esquissé un bout de réponse en ce sens ici.

Mais je te rejoins évidemment complètement sur la nécessité de croiser les approches… Mais il me semble que nul ici n’a dit le contraire, et surtout pas les tenants d’une scientificité plus grande dans certains discours « sociologico-militants » qui sont plus militants que sociologique (ce qui ne serait pas un problème si c’était assumé ; le problème est de vouloir faire passer ça comme une « évidence sociologique » ou un « acquis du savoir sociologique » comme si c’était irréfutable).

Édit : je te vois venir donc je te préviens d’emblée : oui, il y a une référence à la psychologie évolutionniste dedans. Ce n’est pas sale.

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C’est faux en fait, sauf si tu te contentes des médias généralistes. La question de l’explication sociologique du rejet de la vaccination dans les Antilles a été posée dès le début (et même sur les médias généralistes, d’ailleurs), par exemple. Une explication proposée est la défiance envers les autorités suite au scandale du chlordécone, par exemple. Et ça se mesure, il n’y a pas de raison de faire ça de façon qualitative. Pareil pour la sous-vaccination dans le 93 et dans d’autres banlieues.

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Fondation revisité :wink:

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Donc c’est vrai, vu que c’est le vecteur de consommation médiatique principal, celui qui impactera le plus la population. Le « chercher à expliquer c’est déjà excuser » de Valls au sujet des attentats a fait des émules aussi dans la crise covid. Je le vois chez mes parents qui sont plutôt très modéré : l’impact des messages passés dans les JT a eu tendance à les rendre beaucoup moins ouverts qu’avant.

En tout cas, c’est cool que la discussion soit redescendue sur un terrain plus cordial, c’est beaucoup plus intéressant à suivre !

Sur le terrain de l’absolue rigueur et neutralité de la science, je suis d’accord sur le fond. Mais en pratique c’est quand même à nuancer. Les pressions orientent toujours la recherche scientifique (le seul poids de la pression des collègues ça suffit parfois). Et même si les grosses conneries finissent toujours par être épinglées par le processus de relecture par les pairs, il n’empêche que la recherche scientifique n’est pas neutre. Après je comprends qu’on puisse faire la distinction science versus technologie, mais pour moi c’est trop intriqué pour que ça ait vraiment du sens.

Quelques exemples en vrac :

  • Entendu au boulot (domaine de l’observation satellitaire de la Terre, sur les tables de corrections altimétriques) : « On s’en fiche qu’on ne comprenne pas bien d’où viennent les biais, tant que ça monte, c’est bon ça va dans le bon sens ».
  • Le progrès technique (qui pilote de plus en plus les axes de recherche « fondamentale ») lui il est politique. On veut aller plus vite, plus loin, moins cher, contrôler, etc… Ça c’est politique, et donc ça influe forcément sur le travail des chercheurs (crédits attribués à tel ou tel type de recherche)
  • la course à la publication et la multiplication des revues prédatrices font qu’on est « noyé » sous les articles. Les reviewers n’ont pas toujours le temps de bien faire leur taf, et des publis bancales/pauvres/fausses passent de plus en plus souvent entre les mailles. Combiné au problème médiatique qui va s’emballer pour tel ou telle « découverte » mais ne fera pas machine arrière une fois que la communauté scientifique aura pu débidonner l’article, ça contribue à diminuer le poids de la parole scientifique auprès de la population.
  • le poids de plus en plus fort de la « technique » sur la « science » avec l’exemple le plus flagrant du bigdata. J’ai déjà vu des industriels proposer de remplacer une FFT par un algo de deep learning, parce que c’est à la mode, sans se poser une seule seconde la question de l’intérêt. Et c’est ces personnes la qui sont aux manettes en ce moment (en tout cas en France). A termes, je pense que ça peut contribuer à un effondrement de la connaissance scientifique, avec des algos qui la remplaceront.
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Aaaaaaahhhhhhh ! Les cons ça ose tout. Quand je pense que j’ai fait ma thèse sur les réseaux de neurones…

Tout à fait d’accord avec toi sur l’ensemble de ton message, en particulier sur les revues prédatrices. D’ailleurs dans un de ses messages, @BierrePourdieu parlait du canular en chimie et celui-ci n’aurait sûrement pas eu cette ampleur sans l’existence d’un grand nombre de ces revues de merde (et je le rejoins sur l’absence d’intérêt scientifique de ces canulars, d’ailleurs, même si c’est marrant).

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Alors je ne suis pas sur le même niveau que vous mais comme vous discutez sur les algorithmes qui pourraient remplacer les méthodes scientifiques, et voir s’effondrer la connaissance, le tout algos à déjà vu un effondrement de l’efficience en matière de sécurité avec le 11 septembre.
La NSA avait fait le virage du tout algorithmes, en démultipliant ses calculateurs sur le dark cloud. Des ordinateurs hyper puissants, alimentés par de « grandes oreilles » disséminées un peu partout dans le monde, traquaient les termes clés susceptibles de désigner de futurs actes terroristes. Des algorithmes brassaient tout cela, chaque seconde et, la NSA était persuadé de pouvoir connaître à l’avance, une entreprise terroriste en gestation.
La France, quant à elle, ayant 10 ans de retard, avait de « l’humain » infiltré et à obtenu des bribes d’informations que quelquechose se tramait sur le sol américain.
Comme la NSA n’avait rien sur son dark cloud, elle n’a pas donné suite aux bribes d’informations qui arrivaient des français, mais des israéliens également.
Résultat : le 11 septembre.
En Gendarmerie, un officier, ultra instruit, avait décliné une théorie selon laquelle, grâce à des suites d’algorithmes sur l’heure des cambriolages, le lieux, le nombre … on pouvait économiser du personnel en évitant les patrouilles de surveillance générale sur l’ensemble d’un territoire et, prévoir les futurs lieux où on allait avoir besoin de monde car, l’algorithme nous donnera une probalité des endroits où les délits allaient se commettre !
Tout cela venait d’une étude de la police américaine !
Bon, on va être clair, ça a fait long feu ! Ben oui, le délinquant n’est pas idiot ! Il va frapper là où les bleus seront moins présents ! Et cela, avec une adaptation sur 48 heures !

Donc oui, notre société est tentée par le tout algorithme. Je vous rassure, ça pénètre quand même (contrôle du travail, notation des fonctionnaires, visualisation des zones plus verbalisées, mis en place des services de police de la route, de surveillance …). Bref, et ainsi, notre société devient une civilisation au pied d’argile car, le jour ou les algorithmes ne diffuseront plus leurs suites, pour pannes électriques, tout simplement, tout le système s’effondre et, comme on aura perdu la connaissance et le savoir faire par notre intellect, ce sera le chaos.

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C’est déclinable dans tout domaine ; je travaille dans un centre expert d’un certain type de pathologies.
On nous adresse régulièrement des malades parce que les prises en charge algorithmiques classiques (application des protocoles de soins dûment accrédités…) ont échoué. Il est fascinant de voir que dans un nombre non négligeable de cas, le retour à la clinique « de base », apporte finalement une solution éclairante.

C’est ce qu’on essaie de faire avec la médecine fondée sur les preuves (evidence-based medicine) : contrairement à ce que certains croient, ce n’est pas du tout l’idée d’appliquer bêtement les données des articles (publiés avec des populations de patient archi-sélectionnés et souvent loin des conditions de la vie réelle), mais bien de prendre des décisions cliniques individualisées pour un patient donné éclairées par les données acquises de la science.

Tl;dr : quand on se fie au seul automate pour un jugement on fait des conneries; mais s’appuyer sur ce qu’il remonte reste très utile.

Donc opposer approche quali et approche quanti est un non-sens au moins aussi dépassé que « nature vs nurture ».

Sorry, fin du HS.

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Nous au départ ça répond à un vrai besoin (algo de détection/classification sur des images satellite, où ça peut être difficile de trouver des méthodes classiques qui fonctionnent bien).
Le soucis c’est que des guignols qui n’y comprennent rien et mélangent tout en ont fait une mode fourre-tout : « l’IA/big-data/deep-learning » qu’il faudrait appliquer dans tous les domaines, sous peine d’être un ringard. Quitte à remplacer des algos maitrisés, simples, efficaces (l’exemple vécu le plus absurde étant la FFT) par une boite noire usine à gaz utilisant 50 fois plus de ressources informatiques.

J’ai rien contre les guignols, mais s’ils pouvaient nous laisser bosser tranquille et rester entre eux à jouer dans la cour de récré, ça serait bien mieux.

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Si c’était le seul disfonctionnement notable, tout irait bien…

Attention aussi à ne pas juger la capacité des IA sur les échecs des IA d’il y a 20 ans.

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Les modèles tirés des données, c’est super intéressant pour beaucoup d’applications (construire des modèles quand on ne sait pas le faire phénoménologiquement, faire des meta-modeles… ). Mais ce n’est pas la panacée non plus. C’est limité par la disponibilité et la qualité des données, et ça ne produit généralement que peu de connaissances.

Je fais aussi partie de ceux qui pensent qu’on n’a pas besoin de tout mathématiser. J’utilise les maths avec parcimonie dans mon travail. De plus je trouve souvent le couplage quanti/quali beaucoup plus riche que le pur quanti ou le pur quali.

Mais bien sûr tout ça dépend du domaine, voire du sujet de recherche.