C’est un peu simplificateur, je pense. La mécanisation de l’agriculture a détruit des millions d’emplois. Est-elle pour autant toxique ? N’a-t-elle pas aussi contribué à sortir des centaines de millions de gens de la faim ? De manière analogue, les délocalisations vers la Chine ont détruit des centaines de milliers d’emplois en France, mais en parallèle la Chine est passé de 25% de sa population en sous-nutrition en 1990 à 10% en 2015.
L’exemple est un peu extrême, mais il s’applique à mon avis à tout transfert ou évolution des technologies. Cela impactera toujours des gens, certains positivement, d’autres négativement. Ce qui paraît déterminant, c’est la capacité à résister ou à s’adapter.
De manière un peu provocatrice, est-ce qu’Amazon aurait l’ascendant qu’il a aujourd’hui sur le marché du livre français si les libraires n’avaient pas dès les débuts d’internet montré une telle réticence à se tourner vers le numérique ? Je ne jette vraiment pas la pierre aux libraires, je sais que beaucoup ont fait preuve d’une immense inventivité pour s’adapter, mais si Place des Librairies avait émergé suffisamment tôt par exemple, les gens auraient peut-être plus facilement intégré dans leur quotidien cette façon d’acheter des livres.
Le phénomène s’observe dans plein d’autres domaines professionnels J’avais lu par ex que le secteur de la boulangerie n’avait pas du tout résisté de la même manière à l’émergence des grandes surfaces d’un pays européen à l’autre. L’étude comparative avait montré que les capacités collectives de la profession à s’adapter au changement s’étaient révélées déterminantes.
Pour reprendre ton exemple des légumes, et j’arrêterai là, j’ai un ami maraîcher qui a démarré son activité il y a 5 ans. Il a développé tout un tas d’outils innovants en terme de culture ou de distribution. Les autres agriculteurs du coin le considéraient comme un idiot quand il a débarqué. Aujourd’hui il a 5 semaines de congés par an et gagne en moyenne +2000€ net par mois. Je ne dis pas qu’il suffit d’être innovant pour sauver la planète. Mais je pense que le partage de savoirs, la formation permanente, l’humilité, la remise en question perpétuelle de nos façons de vivre, les actions collectives et solidaires, tout cela peut grandement aider à affronter les changements qui nous menacent.
Pour revenir à Hachette, je serais en tout cas curieux d’avoir ton retour d’ici un an ou deux, car chez Europe1 ou Canal+, j’ai cru comprendre que les gens qui sont restés n’y travaillent plus avec tant d’enthousiasme.
