Je sors d’une partie de The Transcontinental en solo - 2h40.
–The transcontinental –
L’objectif du jeu : participer au chantier du chemin de fer qui traverse le Canada d’est en ouest et au développement, à la fois industriel et touristique du pays le long de cette ligne. C’est du placement d’ouvriers (de télégrammes) avec gestion de ressources qui sont stockées dans un train qui s’agrandit et traverse continuellement le plateau.
Après de longs mois d’attente, de retard et de manque de communication d’un auteur/illustrateur/éditeur qui semble malgré tout faire son maximum, ça y est la boîte est là !
Avec une seule personne aux manettes, qui jongle entre les différentes casquettes, on peut avoir des doutes sur le produit. Mais le jeu est juste magnifique (désolé, je n’ai pas de photo à vous partager mais il y en a plusieurs sur bgg ). Esthétiquement déjà, de part ses dorures sur la boîte et ses illustrations aux couleurs automnales, pleines de poésie. Le matériel est de qualité, des punchs épais, les plateau aussi, tous les pions en bois (télégrammes, bâtiments et indicateurs de ressources) et une petite locomotive en métal (parce que voilà ! Elle n’a aucun intérêt pour le gameplay, mais c’est joli et immersif de déplacer le train sur le plateau). Et enfin, l’insert ! Quel insert ! Il y a un plastoformage pour tout, mais sans imposer pour autant de places précises. Un vrai plaisir à installer et ranger. A cela s’ajoute un livret historique qui présente chacun des personnages des cartes alliés et leur influence sur le développement du chemin de fer canadien.
Seul point noir, les règles. Elles sont denses et la multiplicité des actions possibles (et l’iconographie associée) ne facilite pas la compréhension. Par ailleurs, le bot du mode solo n’est pas, mais alors vraiment pas facile à prendre en main. Son jeu se base sur son deck de carte qui grandit au cours de la partie, et dont le tirage va à la fois lui fournir des actions mineures, son action principale et son repositionnement sur le plateau pour la suite du tour.
J’avais déjà +6h de jeu au compteur (sur TTS et une partie en vrai), et je crois que c’est la première fois que je joue correctement (mais si j’y reviens c’est que je dois quand même aimer ça…) en appliquant les bonnes règles.
Le jeu fait cependant tout pour aider, il y a des aides de jeu individuelles cartonnées (illustrées de manière à faire une frise des saisons qui passent), une aide pour le bot, un playthrough dans le livret de règles etc… Toutes les icônes sont même verbalisés sur les cartes des alliés.
Venons-en à la partie.
Phase 1 - Lowlands
Les premiers tours s’enchaînent assez vite, comme seul un tiers du plateau est accessible. Pour débloquer plus de tuiles, il nous faut étendre le chemin de fer. Je contribue le plus à cette expansion tout au long de la partie comme j’arrive à bien gérer les ressources plébiscitées (la valeur d’une ressource parmi les trois est doublée pour la phase d’enchères). Les enchères se passent bien, je fais en sorte de faire avancer les rails (sinon le Pacifique nous rattrape, et gare à la défaite !) tout en jonglant pour récupérer les bonus qui m’intéressent (notamment les bâtiments sur le rail head, il m’en faut 5 pour mes deux cartes investissement). Le bot prend beaucoup de place, fait beaucoup d’action, mais c’est surtout du bruit qui le fait peu avancer.
Phase 2 - Shield
Lorsque le train avance, les tours s’allongent progressivement et les options se multiplient. Le deck du bot se spécialise principalement sur deux icônes, dont le castor qui lui permet de me mettre pas mal de bâtons dans les roues. Même si on se bat pour plusieurs développement et enchères, je prend de l’avance en utilisant mes deux télégrammes bonus presque à chaque tour. J’oblige le bot à charger ses ressources dans le yard (cette voie qui est à côté du chemin de fer et dont les wagons sont coûteux à attacher au train), je lui bloque des emplacements intéressants mais j’accepte de lui donner quelques points en faisant des développements conjoints avec lui pour gagner des bâtiments. J’en obtiens d’ailleurs suffisamment pour remplir les conditions de mes 3 cartes investissement. J’ai aussi une avance de plus de 20 points et une bonne allure pour gagner les tuiles Wilderness pendant les enchères. Je ne vois pas comment je pourrais perdre.
Phase 3 - Plains
Mais tout change une fois la région des plaines débloquées. Le bot a maintenant un deck conséquent, qui lui donne plusieurs actions mineures par télégramme ( il joue au minimum 4 télégrammes par tour, 5 en moyenne… Les joueurs humains n’en ont que 3, et éventuellement 2 bonus s’ils se débrouillent bien, et peu d’actions mineures). Il progresse rapidement dans le développement des tuiles à l’ouest, engrange toujours plus de ressources quite à me bloquer à son tour l’accès au train et empiéter sur les emplacements que j’essayais de me réserver. Cette dernière phase ne dure que deux tours, mais j’ai besoin de près d’une heure pour la jouer. Le bot me tallone au score, je manque une enchère, la pression monte. Le temps que le train fasse un aller retour, nos scores font le tour du cadran (+50 points chacun). Le train s’allonge et se rempli considérablement (de touristes que le bot n’utilisera pas et de métal qui n’a jamais valu grand chose dans cette partie). Après un ultime effort et des sournoiseries réciproques, la partie s’arrête ! 130-94, j’ai gagné !
Même si le bot m’a bien rattrapé, mes dernières actions m’ont rapporté gros.
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Le débrief
Je trouve ce mode solo très intéressant car il ne suffit pas de marquer des points pour gagner. En fait, gagner, c’est arriver à la fin de la partie avec le plus de points et sans avoir perdu avant. Et mine se rien, ça peut arriver assez vite : un mauvais calcul sur les enchères (sur le comportement du bot) ou un tirage compliqué d’objectifs peuvent sérieusement entraver la victoire. C’est une lutte perpétuelle sur tous les fronts, et j’imagine qu’un jeu a plusieurs ressemble à ça. Les actions qui se débloquent au fur et à mesure permettent de définir plus facilement une stratégie en début de partie : on fait d’abord ce qu’on peut avec ce qu’on a avant de l’étendre plus tard. J’ai aussi été très surpris par le changement de rythme dans la dernière phase du jeu (j’avais toujours perdu avant d’en arriver là dans mes parties précédentes), qui apporte un vent de fraîcheur au moment où la redondance et le sentiment d’invincibilité commençaient à naître.
Quelques bémols cependant :
- Le jeu est long et bien prenant. Les tours du bot sont plus longs que les miens (et il joue plus à la fin), mais essayer de deviner ce qu’il va faire et analyser ses possibilités est une partie très intéressante du jeu.
- Même après plusieurs heures de jeu, j’ai parfois des doutes sur les subtilités de certaines actions (d’où peut venir la marchandise, où je peux la stocker)
- Paradoxalement, le jeu peut sembler parfois répétitif et les choix restreints. Avec un seul bâtiment de production, on va avoir tendance à l’utiliser régulièrement et faire la même action. Il faudrait que j’accepte de faire des tours à blancs pour parfois diversifier les bâtiments que je peux essayer de développer. La dernière phase du jeu avec le déblocage des plaines change cependant la donne en ouvrant considérablement l’horizon des possibles.
The transcontinental c’est donc pour moi un bon et très beau jeu de placement d’ouvriers, pas du tout linéaire, avec ses twists et un thème bien présent . Il tourne bien en solo : le bot est présent, assez fort même, et les conditions de défaites amènent beaucoup de tension. La marche est cependant assez élevée pour prendre en main le bot (et les règles de base en plus). J’ai hâte de pouvoir l’essayer à plusieurs même si je sais bien qu’il ne sortira pas souvent.