Hier (enfin avant-hier), j’ai joué à STATIONFALL - 4 JOUEURS
Quand je vois l’immensité de la terre à nos pieds, et l’immensité de l’espace autour de nous, ça me rend … tellement humble tu vois ? Nous ne sommes que des particules vieux, des particules qui s’agitent en vain dans un bouillon infini de … de de …
Ouais c’est impressionnant. Aide-moi plutôt à passer le singe dans le sas, et n’oublies pas de prendre la mallette avant d’éjecter son corps dans l’espace, OK ?
Stationfall est la dernière offrande de Ion Game Design, la boîte qui signe la plupart des productions de la famille Eklund, père & fils. Cette fois-ci, vous n’aurez pas à simuler le développement d’une civilisation d’acariens dans un marais nauséabond, ou les manipulations politiques de banquiers florentins, non, vous allez gérer un scénario whatthefuck dans une station spatiale promise à la destruction.
Le pitch est fantastique : dans 15 minutes ou un peu moins (1 minute = 1 tour), la station sur laquelle vous vous trouvez va se désintégrer en entrant dans l’atmosphère, charge à vous, et au personnage que vous incarnez secrètement, de foutre le camp en veillant à préserver vos … intérêts. Vos points de victoire quoi. Le problème, c’est que vous n’êtes pas seul : la station regorge de psychopathes, de savants fous, de militaires et d’agents en mission … et de beaucoup d’autres choses qui ne devraient pas être là. A vous de faire avec, et d’en tirer parti.
Chez Ion Game Design, on fait des plateaux qui déchirent. Regardez-moi cette merveille.
La galerie des personnages est savoureuse : un chimpanzé attiré par les choses qui brillent, un alien mystérieux, un rat télépathe, un médecin souffrant de dédoublement de la personnalité, des robots qui réparent, des robots qui tuent, des clones vengeurs … ce cirque atmosphérique est incroyablement fun et surtout formidablement thématique : chacun à sa petite histoire et celle-ci se reflète dans des objectifs personnels cohérents … mais heureusement pas toujours alignés.
Mécaniquement, je m’attendais à l’enfer, Ion Game Design oblige. Honnêtement, avec un peu de travail, ça passe pas trop mal. Le plus perturbant est l’absence de livre de règles à l’ancienne qui vous oblige à jongler entre 3 bouquins pour tout remettre dans le bon sens : comment installer, comment jouer un tour, quelles actions réaliser, comment gagner. La prolifération d’aides de jeu sur BGG est le signe qu’IGD s’est probablement troué sur ce point, mais la communauté veille et vous n’aurez pas de mal à trouver de quoi supporter vos parties (si vous êtes anglophile, sinon passez votre chemin).
Gérard, ingénieur de bord, décide dans un moment de folie d’éjecter le noyau d’antimatière de la station dans l’espace, déclenchant ainsi l’ordre d’évacuation générale.
A leur tour, les joueurs dépensent leurs cubes d’influence sur des personnages de façon à en faire des conspirateurs. Les conspirateurs peuvent ensuite être activés pour réaliser des actions qui doivent, directement ou indirectement, vous permettre d’avancer vos pions. Notez que l’identité des joueurs étant cachée, vous aurez parfois la surprise de voir votre avatar embringué dans des entreprises douteuses - voire criminelles - sans que vous puissiez y faire quoi que ce soit. C’est tout le sel - et le fun - du jeu. A tout moment vous pouvez révéler votre identité, mais c’est un move dangereux : vous y gagnez des capacités de révélation - certaines sont très puissantes/utiles - mais vous vous accrochez une grosse cible dans le dos.
Mon perso - Stowaway, une journaliste freelance en quête de scoop - s’engouffre dans la capsule Alcatraz, son disque dur blindé de données compromettantes. Elle sera bientôt rejointe par l’inspecteur et l’exilé, trop heureux de l’aubaine. L’inspecteur n’étant pas un personnage révélé à ce moment-là du jeu, il se fera sortir, ce qui me permettra de le remplacer avantageusement par le chimpanzé, mon personnage-bonus, qui m’offre 2 PV s’il s’échappe avec moi.
Stationfall est un gros bac-à-sable qui repose sur un set d’actions important, mais logique. Les combinaisons de personnages, d’actions basiques, d’actions spécifiques à des sections, etc. sont infinies et permettent les moves les plus audacieux. C’est là tout la difficulté et le génie de Stationfall : comment faire progresser mes objectifs avec un perso, deux actions + une bonus, le tout sans me faire griller ? Remarquez, si gagner des PV vous parait trivial, vous pouvez juste foutre la merde et sentir l’adrénaline vous envahir quand tout part en couille à bord. C’est possible. Lâcher l’expérience X (alien, monstre tentaculaire, droïde assassin, nuage de nanorobots-tueurs, you name it), mettre le feu, faire tomber l’alimentation électrique pour éteindre les caméras et buter tout ce qui bouge, balancer dans l’espace les précieux objets recherchés par vos camarades … ce jeu sera ce que vous en ferez.
Et voilà, nous rejoignons la terre avec Serge, mon singe facétieux. Un autre joueur s’est tiré en wingsuit après avoir lâché un alien dans la station. Le troisième me regarde bizarrement depuis le fond de la capsule. Le dernier va se tirer - et gagner - avec une autre capsule. Tout au-dessus de nos têtes, le noyau d’antimatière a explosé et je vois la station en flammes qui gîte dangereusement. Je tiens mon scoop. Une bien belle journée en fin de compte.
EN CONCLUSION
Un vrai coup de cœur me concernant. Le jeu est pointu, technique, et aussi fun que chaotique (ou de mon point de vue : fun car chaotique). Je ne le recommande pas aux control freaks, ni aux anglophobes. Evitez aussi de le sortir à la St-Valentin : pour briller, il doit être joué par 4 à 6 salopards à mon avis, créatifs autant que tordus. Stationfall est un produit rare en tout cas. Ca fait du bien.