Hier, j'ai joué... en mode solo et c'était bien aussi

J’avais fait un premier aperçu du jeu Vagrantsong par ici après 2-3 parties, mais là, j’ai fini la campagne complète de ce boss battler, soit une vingtaine de parties, de durées variables (de 40 à 110 minutes), pour un total d’environ 25 heures. Retour complet sur le jeu en solo, donc (vous savez pourquoi si vous avez lu le premier aperçu linké ci-dessus :point_up_2:), sans rappel des règles ni rien, ça c’est des infos qu’on trouve partout.


J’en reparle plus bas mais… ça claque, quand même, ces standees en acrylique, non ? :heart_eyes:

Juste en très résumé : on joue un personnage par joueur (deux en solo) qui doit combattre, à chaque partie, un adversaire différent (un Revenant) sur un champ de bataille en damier. On peut faire trois actions à notre tour parmi les actions disponibles suivantes : se déplacer, taper le Revenant, se soigner, fouiller pour trouver des tokens utiles, enquêter (pour déclencher des événements) et tout un tas de compétences dont on doit en équiper une sélection avant le combat. La réussite de la plupart des actions se résout à coups de lancers de dés. Quand le boss a pris assez de dégâts (enfin « d’humanité »), c’est gagné et on passe au scénario suivant. Si tous les persos des joueurs sont HS, c’est perdu… et on passe quand même au scénario suivant.

Est-ce que c’est bien ?
Bah, faut croire que oui, si je me suis tapé les 22 parties de la campagne sur quatre mois (j’ai relativement peu de créneaux possibles pour jouer en solo, donc ce n’est pas un par manque de motivation que j’ai mis autant de temps). Mais le problème, c’est que je serais bien emmerdé pour conseiller ce jeu à qui que ce soit. Il a des qualités dingues, mais il est tellement pété de défauts, que c’est compliqué de cibler le public. Peut-être en partie parce que c’est justement fort compliqué de… cibler, dans ce putain de jeu :clown_face:

T’as raté ta cible
Autant commencer par cet énooooorme problème, parce que si c’est le genre de truc qui vous saoule, c’est même pas la peine d’y aller, vous jetterez le jeu par la fenêtre au bout de quelques parties. Croyez-moi, je ne pensais moi-même pas que ça puisse être si terrible après lecture des règles et 2-3 parties mais en fait si, c’est (vraiment) pénible. Les règles de ce jeu sont vraiment simples. Mais genre vraiment, c’est limpide, y’a pas vraiment de retour aux règles à faire, y’a assez peu de choses à retenir. Mais il y a un truc relou, c’est le système de ciblage des Revenants (les boss qu’on doit tataner), ce qui lui permet de savoir où se déplacer et sur quel vagabond il va taper. Ah oui, les vagabonds, ce sont les personnages incarnés par les joueurs et en solo, il faut impérativement en jouer deux, ce qui en soi, n’est pas compliqué (je déteste jouer deux personnages dans les jeux solo, là ça passe).

Ce ciblage, donc, passe par un ordre de conditions : une fois qu’on sait qu’elle action le boss fait, il faut chercher qui il cible/vers qui il se déplace en regardant la 1ere condition. Un vagabond la remplit ? OK, vous avez votre cible. Sinon, vous regardez la 2e ligne, etc. Sur le papier, c’est simple et efficace. Dans les faits, c’est une purge, pour au moins deux raisons. La première, c’est que parfois, l’action faite par le Revenant définit une cible (Machin cible le vagabond le plus éloigné, le plus faible, etc.) et que donc cela a, en gros, la prio sur les autres règles de ciblage. Mais parfois, le petit texte d’action n’est pas super clair donc on ne sait pas quoi appliquer. Et de toute façon, même quand on sait quoi appliquer… ça peut vite devenir un bordel absolument ingérable.

Micro-règles ? Un pack offert à chaque partie !
Pourquoi ? Je vous ai dit que les règles sont simples ? Elles le sont. Par contre, sachez que chaque partie de ce jeu apporte son lot de règles uniques, et que ça peut vite foutre le bordel dans plein de trucs qu’on a fini par maîtriser (genre le ciblage). Un bon élément de comparaison serait Horreur à Arkham JCE avec les scénarios qui fonctionnent tous différemment sur la base d’un socle de règles communes. Mais autant dans Horreur à Arkham, je m’en sors, autant là, ça devient la foire aux trucs qui s’ajoutent et qu’il faut pas oublier de faire à tel moment ou dans telle condition.

Pour illustrer mon propos sur ces règles qui peuvent devenir extrêmement chaotiques, voici, sous balise spoil, les règles spéciales d’un boss (pas un des premiers).

Spoil

En gros là, on voit quoi ? Qu’en plus des règles normales il faut se souvenir de : perdre 3 points de vie si un vagabond finit son tour à une case adjacente au boss, que si un vagabond a une blessure (ce qui n’arrive pas à chaque tour, ça arrive quand on prend un certain nombre de dégâts), il faut poser une mare de sang. Mais au fait elles font quoi ces mares de sang ? Dans ce scénario (et seulement dans celui-là), elles font la même chose que les bougies, un jeton que les joueurs peuvent utiliser. Mais du coup, les bougies, elles, elles ne font rien dans ce scénario (si t’as oublié cette micro règle et que t’as gaspillé des actions pour choper une bougie… tant pis !). Ah et aussi, il faut mettre un jeton blanc qui dans ce scénario signifie « soif de sang » sur le boss à la fin de chaque manche. Et avant de déplacer ton vagabond, n’oublie pas de prendre des dégâts si tu as un jeton saignement sur toi… Ah, et le jeu étant narratif, avec des événements qui se déclenchent : les règles peuvent changer et s’ajouter au cours même d’une partie :exploding_head:


Un petit coup d’oeil sur l’insert bien pratique.

Vous avez compris l’idée. Y’a plein de jeux qui multiplient les micro règles et micro trucs à ne pas oublier. Mais là c’est trop. Enfin pour moi en tout cas. J’oubliais sans arrêt de m’enlever des PV pour cette mini merde qui ne s’applique qu’à la 3e phase du scénario 18, de déplacer tel machin à tel moment, etc. L’avant-dernier combat du jeu, d’ailleurs, a failli me faire péter un plomb. J’ai clairement failli jeter le jeu tellement ça me semblait interminable et stupide de trucs entremêlés, tout en étant épique. L’enfer. C’est un peu le thème du jeu, remarquez.

J’ai triché, mais je m’en fous
Mais vous savez quoi ? C’est pas si grave. C’est pas si grave parce qu’on s’en fout, d’oublier de s’enlever des PV à un moment. On s’en fout, d’avoir interprété à notre faveur le ciblage du Revenant et de l’avoir fait se déplacer plutôt sur un vagabond qui nous arrangeait alors qu’on n’est pas du tout sûr (et que le jeu nous demande de toujours trancher les situations de manière à ce qu’elles soient défavorables aux vagabonds, mais oui bien sûr, cette « règle » de grosse feignasse). On s’en fout d’avoir gagné ce scénario alors que bon, peut-être que si on avait bien tout fait dans les règles, on aurait perdu.

On s’en fout.

On s’en fout parce que c’est (peut-être) le prix à payer pour avoir une aventure narrative complète qui ne raconte pas des choses que grâce à des paragraphes de texte à lire (il y en a mais c’est très très raisonnable, en plus d’être bien ecrit/traduit) mais aussi et surtout par ce qu’on fait en jeu. Ici on va chercher à ramasser la tête d’un Revenant et à l’envoyer le plus loin possible du corps, là on va tenter de résister à l’attraction d’un puit de sang, et par là-bas on va chercher par tous les moyens à lutter contre l’obscurité dans laquelle prospère ce Revenant, pour avoir une chance de le vaincre. Tout cela parsemé de petits événements qui se déclenchent sous certaines conditions, permettant de mieux comprendre ce qu’on fait là, qui était ce Revenant que l’on tente de « sauver ». Tout ça avec un matériel très limité : quelques tokens, trois cartes rituels (voir ci-dessous) qui vont donner des petits objectifs parfois bien mystérieux, spécifiques au scénario, comme des alternatives au pur cassage de dents du boss, et toujours le même train séparé en trois wagons, qui sera le théâtre de toute la campagne. Et ce n’est absolument pas un problème tant le jeu parvient à raconter et faire vivre des choses différentes à chaque partie. J’avoue avoir particulièrement apprécié un moment où je me suis fait troller par le jeu. Pas de manière injuste, non : le jeu a joué avec mes « habitudes » et je me suis senti bien bête après :sweat_smile:


Les cartes rituels, qui font tout le sel des combats.

Une personnalité folle
Parlons très rapidement un peu de l’ambiance et du matos : c’est ça qui m’avait attiré. Je n’ai pas grand chose à dire sur l’histoire. On est un clochard qui nous retrouvons dans un train fantôme et on veut en sortir. C’est souvent très cryptique, il y a parfois quelques choix narratifs à faire. Les dessins sont dans un style cartoonesque des années 30, je les trouve très réussis. Les Revenants ont énormément de personnalité, tant graphiquement que dans leurs mécaniques. Et d’ailleurs, quelle merveilleuse idée d’avoir utilisé des standees en acrylique plutôt que des figs. Moi je veux plus jouer qu’avec ça, ça rend tellement honneur à la direction artistique du jeu : des figurines n’auraient pas pu avoir un tel effet.

Tout est chouette niveau matos : le petit baluchon, le plateau, les tokens. L’insert est bien foutu pour tout ranger rapidement. Tout est chouette, sauf les « plateaux » personnages, qui sont en fait des grandes cartes. Ca fait tâche à côté de tout le luxe du reste et, surtout, c’est pas pratique du tout, puisqu’on doit placer des cartes compétences et des jetons dessus… et que tout bouge tout le temps.


Les « plateaux » de joueurs, le seul truc cheap du jeu.

Des compétences ? On s’en fout aussi en fait, non ?
Un mot sur les compétences, pour finir. Chaque vagabond peut avoir 4 compétences et un objet sur lui, sachant qu’il peut dans certains cas de figure perdre définitivement des compétences et objets. On en gagne régulièrement de nouvelles, à la fin des parties et parfois même pendant. Avant chaque combat, le joueur décide avec quoi (quelles compétences et quel objet) il équipe son perso. Mais bon, comme il sait pas ce qui l’attend, bah c’est pas vraiment une préparation au combat. Pour le coup, hormis quelques compétences un peu originales, et certaines qui sont spécifiques à certains vagabonds, je me suis complètement désintéressé de ce système. J’ai peut-être pas saisi leur richesse, mais bien souvent, je trouvais que c’était simplement des variations légères de façons de faire du dégât. D’autres sont tellement situationnelles que tu ne prends jamais le risque de faire un jet de dés pour ça. Quand j’en trouvais une qui me semblait forte, je la prenais sur moi et puis voilà. Et la plupart du temps, je me servais réellement d’une, parfois deux compétences par vagabond. Les objets en revanche m’ont semblé plus intéressants/puissants. J’ai bien conscience que ce paragraphe peut faire hurler certaines personnes :sweat_smile:

Conclusion ?
Si vous attendiez que je vous dise que ce jeu est exceptionnel ou, au contraire, que c’est une bouse sans nom, désolé, je vais faire mon Normand (alors que je suis Breton, c’est con). Y’a pas (vraiment) de conclusion. J’espère que j’aurai réussi à transmettre les émotions très contradictoires qu’il m’a offertes. Le seul truc qu’il faut vraiment retenir, c’est que si ne pas respecter les règles à la lettre vous rend malade, oubliez. Si la perspective d’un voyage étrange sans cesse renouvelé dans un train fantôme vous parle, ça vaut peut-être le coup d’embarquer.

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