Hier, j’ai joué à Kingdom Death : Monster.
Il y a quelque chose de particulier à commencer une partie de KDM pour la toute première fois. Bien sûr, avec quelques années de pratique dans le loisir, on en a vu passer des boites, plus ou moins massives, avec des règles plus ou moins mal écrites compliquées, et des premières fois, y’en a eu un paquet. Premier deckbuilding (“pourquoi la carte elle va directement dans la défausse ?”), premier dungeon crawler, premier jeu legacy, premier kickstarter, premier jeu en anglais… Qu’il est loin le temps où Les Aventuriers du Rail nous semblait “Sympa mais un peu long avec ces parties de 45mn” ou que 7 Wonders “ça pourrait être plus simple tout de même”. Fini le temps de l’innocence, maintenant, Middara, Oathsworn et Aeon Trespass font partie du quotidien et je calcule mes Hit&Wound Roll avec la tripotée d’effets qui va bien même en dormant.
Pourtant, ce KDM, ça fait quelques années qu’on le regarde du coin de l’œil, qu’on le connaît de réputation, et qu’on a régulièrement de ses nouvelles, mais sans jamais vraiment avoir eu le courage de se lancer. Et puis un jour, on a fini par récupérer une corebox, un peu sur un coup de tête d’ailleurs, mais c’est sans doute mieux comme ça, il est des décisions qui ne seront jamais prises par la seule raison.
Mais quand même, cette grosse boîte noire, qui trône sur la table du salon, avec son air de cercueil, ça reste quelque chose d’un peu intimidant.On se dit alors qu’on est face à un jeu vraiment à part, qu’on va se mesurer à un univers brutal, dérangeant, fascinant, exigeant où l’on est parfois à un jet de dés de la castration ou de l’amputation. Plus encore, on sait qu’on s’attaque à un monument du jeu de société, une œuvre un peu à part, avec une aura particulière, quasi-mystique selon certains.
Alors, forcément, dans un mélange d’excitation et de crainte, on ne peut pas s’empêcher de s’interroger. Est-ce que je suis digne d’un tel jeu ? Est-ce que le moment est venu ? Est-ce que je suis moi aussi prêt à faire partie de cette élite de joueurs qui sont capables de mettre des sommes à 4 chiffres pour un jeu ? A passer des heures à monter des figurines qui ont toujours des organes génitaux en nombre impairs et qu’il faudra ensuite planquer au fond d’un placard quand les béotiens non-initiés viendront me rendre visite ? Et puis, peut-être pire encore, est-ce que le reste aura encore de la saveur après avoir goûté au pinacle ludique ? Est-ce que ce jeu n’est pas celui qui tuera tous les autres ?
A ce moment-là, on s’aperçoit qu’on fixe en silence la boite depuis 45 minutes sous le regard de plus en plus circonspect de sa compagne, et qu’il s’agirait d’arrêter un peu, que ce n’est qu’un jeu, que Poots n’est qu’un mortel parmi les autres, et qu’il suffit juste de se lancer.
En fin de compte, tout a tellement été dit sur ce jeu que je vais faire très simple : On a juste fait le prologue, combat et campement, et c’était vraiment très bien, on sent que le jeu est à part, et on a hâte de continuer. Je laisse le mot de la fin à ma compagne, qui m’accompagne bien volontiers dans mes délires ludiques : “Tiens, c’est marrant, ils ont fait Aeon Trespass Odyssey mais en plus simple.”