Intelligence artificielle et jeu de société

Et donc, des gens sans bagage technique apprennent une nouvelle façon de réaliser des œuvres artistiques ou illustrations (selon où chacun posera son curseur, peu importe probablement). Cela ne signifie pas qu’ils n’avaient pas la capacité de conception, d’idée : ils étaient juste non capables de la réaliser. Avec ce nouvel outil, ils peuvent.

Est-ce qu’ils peuvent aussi bien ? Est-ce qu’ils seront aussi capables de réaliser des travaux sur commande, de s’adapter ? Je n’en sais rien. J’ai l’impression quand même que les illustrateurs, photographes etc. avec qui j’ai pu bosser étaient plus que simplement des techniciens (ironie^^).

Je m’interroge plus, par contre, sur ce qui fait que d’autres, qui disposent de la capacité à concevoir du visuel, n’ont pas la maîtrise de l’outil de sa réalisation dans notre monde. Ou encore de ce que perd l’humanité en réservant la réalisation des illustrations (par exemple) aux seules personnes ayant acquis la maîtrise d’une technique graphique ?

Tout en ayant parfaitement conscience que, comme chaque outil, sa maîtrise ne sera ni aussi facile qu’on l’imagine ni aussi accessible (faut déjà avoir envie de s’y coller. De foirer. De revenir encore et encore en changeant un mot, une idée, un Paramètre…)

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Je pose ça la que j’ai dans mes bookmarks mais que je n’ai pas encore pris le temps de vraiment lire :

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S’ils pouvaient plutôt s’engager à ne pas acheter leurs images chez Getty et équivalents pour plutôt faire travailler des artistes…

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Là, nous sommes d’accord :slightly_smiling_face:

Et c’est la que moi mes détecteurs de foutage de gueule se mettent en branle : des gens qui n’ont fondamentalement rien a faire de l’artiste et achètent des illustrations en banque d’image viennent se draper de vertu contre l’utilisation d’images réalisées en utilisant une IA. Qu’ils agissent vraiment pour les artistes et s’engagent plutôt à travailler avec des artistes, sur de illustrations de commande, plutôt que de s’offusquer de l’outil utilisé.

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Je vois que le sujet divise, donc permettez-moi d’ajouter un élément supplémentaire du point de vue éditeur.

TL;DR : On a pas de budget, donc on utilise les IA uniquement pour les concept art qui ne sont pas commercialisés.

En tant que petite structure, nous avons très peu de moyens pour financer les projets. La quasi-intégralité de notre budget part dans le marketing et les illustrations finales. Donc, il nous faut trouver d’autres moyens de continuer à créer sans risquer de faire couler la boite au moindre jeu.

Aujourd’hui, nous utilisons Midjourney pour les concept art. En effet, nous avons par le passé travaillé avec des illustrateurs lors des phases de réflexion pour déterminer la direction artistique du jeu. Cependant, ce procédé nous coûtait énormément d’argent, puisque l’on demandait à l’illustrateur avec qui on allait travailler pour la version finale de nous produire différents concept art pour choisir le style dans lequel nous voulions partir. Le problème avec cette méthode ? Nous n’avons pas le budget pour se le permettre à chaque fois.

Midjourney et autres nous sont donc d’une aide providentielle pour cette étape du projet. À faible coût, et dans un temps réduit, nous pouvons obtenir des illustrations dans des styles vraiment différents pour nous aiguiller sur le style visuel. Cependant ! Nous n’utilisons pas les illustrations générées par les IA dans la version finale des jeux. Tout ce qui est commercialisé a été produit par un ou une illustrateur/illustratrice.

Je ne sais pas si d’autres éditeurs fonctionnent de cette façon. En tout cas, à notre échelle, ça nous permet de tenir.

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Je reformulerai plutôt comme ça :

Ou encore de ce que perd l’humanité en réservant la réalisation des illustrations (par exemple) aux seules personnes

Parce que maîtrise ou pas, la production de chacun est porteur de notre empreinte/identité/sensibilité (c’est d’ailleurs le critère principal de ce sur quoi repose le droit d’auteur).

Ton argumentation fonctionne très bien avec l’impression 3D par exemple, pas pour la création artistique.

Donc pour répondre à ta question, ce que l’humanité va perdre – ou plutôt ce qu’elle va continuer à perdre un peu plus – c’est le sens et le fond des choses.

Et ce serait totalement incorrect. Être un « gens » ne donne pas tout à coup de super pouvoirs et reste borné aux outils maîtrisés.

Tu veux dire pour traduire ? Améliorer les process de production de jeux ? Apparier les bateaux et les conteneurs ? Pour cibler des clients potentiels sur les réseaux sociaux ? Pour déterminer l’ordre d’apparition des projets sur KS?

Bref, l’IA elle est déjà partout.

La question intéressante pour moi c’est sur le game design et l’équilibrage. Si ça pouvait aider certains à terminer leurs jeux édités avec le cul ça serait cool en fait. L’IA va voler des boulots qui n’existent pas en fait :joy:

Pour les illustrations et les trads, je comprends les craintes de la profession et ça doit franchement pas être évident quand on a fait des années d’études pour être traducteur ou mis des années à développer un style et se faire sa place. Par contre ça va arriver (ça arrive déjà) donc mieux vaut le prendre en main et s’en servir comme d’un outil de productivité plutôt que de faire les grognons et d’espérer que les éditeurs boycottent les IA…

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Bah tu vois, ça, tu me l’apprends :+1: je croyais encore naïvement que c’était juste des gars sur ordi avec des tableaux Excel :sweat_smile:

Je suis d’accord avec toi. Je ne voulais pas limiter mon interrogation a ça, mais c’est bien la partie qui m’intéresse le plus.

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Ça n’arrive pas si vite que ça (pour la traduction en tout cas). Je crois en avoir déjà parlé ici mais nous ça fait 15 ans qu’on nous prédit que l’IA va remplacer les traducteurs. Pourtant on est toujours là. Donc jusque là c’est surtout un fantasme de technophile, la plupart des traducteurs que je connais ne sont pas vraiment inquiets.

Alors oui, c’est sans doute vrai dans certains domaines, par ex. des domaines techniques où chaque mot n’a qu’un seul sens, et aucun autre. Par exemple si tu dois traduire « joint d’étanchéité pour conduit d’évacuation de climatiseur de morgue » l’IA va sans doute te le trouver plus rapidement qu’un humain (et encore elle va peut-être se planter sur « joint », mais normalement c’est typiquement le genre d’erreur qu’elle ne fait plus).

Par contre, devant un mot qui peut être traduit par plusieurs (par ex. « nuts »), l’IA ne sait pas encore déduire le contexte. Quand il n’y a pas de contexte, l’IA est complètement aux fraises. C’est typiquement le cas pour les titres de cartes, par exemple.

Et même s’il faut reconnaître que l’IA a fait de gros progrès, et qu’elle pourrait continuer d’en faire, le chemin est encore long pour que l’IA reconnaisse des références culturelles et sache les adapter. Ou soit capable de retranscrire un jeu de mot, une blague, une nuance, etc. Or c’est quelque chose qu’on trouve régulièrement dans le jeu de société (surtout narratif, je ne citerai pas d’éditeur ni de nom mais un jeu récent, suivez mon regard, a fait la démonstration des limites de la traduction automatique).

Parce qu’encore une fois une traduction ce n’est pas juste prendre un terme A et trouver son équivalent dans la langue-cible. Or pour l’instant c’est tout ce que les machines savent faire. Le jour où elles sauront reformuler, remanier, identifier et adapter des références culturelles, ouais là on pourra commencer à s’inquiéter. En attendant, le vrai danger n’est pas tant la capacité de l’IA, que le niveau d’exigence des clients. Car si un client pense qu’une IA fait le travail aussi bien qu’un humain, il n’a effectivement aucune raison de passer par un humain.

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Etant moi-même utilisateur, je confirme que rien de ce que traduit une IA n’est actuellement de qualité acceptable. Lire : qui n’a pas besoin d’être relu et corrigé pâr un humain. Même s’il s’agit de travaux très simple comme la petite phrase d’accroche d’un Kickstarter par exemple. Je gagne beaucoup de temps par rapport à devoir le faire totalement à la main, mais il est hors de question de laisser le module de traduction faire le boulot seul.

Et il ne s’agit pas là d’un usage réellement professionnel…

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Parce que tu ne considères que deux paramètres : la conception et la réalisation, et tu oublies ce qu’il y a entre les deux.
Là où tu sembles mettre l’IA au niveau du pinceau, je la mettrais plutôt au niveau du pochoir.

Les deux sont des outils. La différence fondamentale avec les IA n’est pas dans la façon dont l’IA fonctionne (inutile de fantasmer sur ce que pourrait faire une IA) mais plus, amha, dans les quelques milliers ou dizaines de milliers d’années d’acclimatation à certains outils qui nous paraissent aujourd’hui naturels et banals. Ca n’a pas toujours été le cas ni pour le pinceau ni pour le pochoir. Et les deux continuent à nécessiter une maîtrise technique qui limite leur usage aux seuls « initiés ».

Je n’ai pas la même expérience.
J’utilise de temps à autre Deepl pour traduire des articles du Guardian vers le français. Sur une page, j’ai quelques mots à corriger (rarement plus de 3-4, et encore) mais le résultat brut est digne du quotidien français moyen. Mais je pense qu’il est beaucoup plus simple pour l’IA qui est derrière de traduire un article qu’une « phrase d’accroche KS » - il y a plein de contexte et surtout plein d’exemples en stock dans la base.

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Il n’y a pas grand chose de plus simple qu’un article vu que le contexte est généralement très dirigiste.

Et il resterait encore à déterminer ce qui est acceptable ou correct. J’ai sans doute un niveau d’exigeante plus élevé, j’ai du mal à considérer obtenir une traduction plus que dégrossie (ce qui est déjà un gain de temps énorme)

Oui, pinceau et pochoir sont des outils. Et chacun demande un savoir-faire « technique » pour être utilisé et maîtrisé.
La différence entre les deux, c’est justement la brique manquante entre conception et réalisation : 50 pinceaux tenus par 50 personnes donneront 50 résultats différents. Pas avec le pochoir.

L’arrivée de l’IA ne me gêne pas plus que ça sur la question professionnelle. Adaptation, mutation du marché, nouveaux métiers… pas de soucis.
Elle m’inquiète davantage sur l’aspect humain, sur la variété et le sens de la création (qu’une machine crée – artistiquement parlant – est déjà un non-sens pour moi).
Il ne s’agit pas de simplement redistribuer les cartes comme à l’arrivée de Photoshop ou de l’impression 3D. C’est plus profond.

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Si, si tu demandes à 50 personnes de réaliser un Pochoir et d’en tirer une illustration, tu auras 50 résultats différents (même si tu leur donnes un pochoir identique, d’ailleurs). C’est pareil avec une IA, tu auras encore 50 résultats différents. De qualité (quoi que cela signifie dans ce contexte) tout aussi variable. Et variable selon l’outil, même s’il y a fort à parier que les mêmes seront nuls ou intéressants avec les trois.

Le parallèle avec Photoshop est d’ailleurs amusant puisque les mêmes arguments ont été répétés en boucle à l’époque. Au final, ce fut un outil qui a changé la façon de travailler de tous mais rien changé fondamentalement.

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Merci de ce rectificatif, Thierry. Trop de gens dissertent sur l’IA en témoignant d’une profonde méconnaissance du machine learning et de ses enjeux, ce qui est assez regrettable.

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