Jeudi soir, petite soirée jeu impromptue, on doit trouver un truc qui se joue vite car un pote doit aller se coucher avec les poules, quitte à en faire une deuxième si on finit méga vite. D’ordinaire dans cette config on sort Cthulhu Death May Die mais un joueur déteste. Bref. On file acheter des produits avec un nutriscore « E », on se saisit d’une caisse de whisky arrivée directement d’Écosse en bagnole l’avant-veille (on aurait mieux fait de prendre un vieux bourbon moonshine pour être fluff mais bon…), et on sort « The Texas Chainsaw Massacre : Slaughterhouse ». Seuls deux joueurs ont déjà fait une partie sur les quatre clampins présents : l’un d’eux incarnera la famille Sawyer.
Le pitch : On est sur 1 vs all. L’un des joueurs incarne la famille Sawyer, recluse dans sa ferme délabrée, les autres interprètent de gentils adulescents en goguette. On est sur de l’ameritrash pur et dur, avec quelques scénarios au choix.
Quand on est un « trespasser » (les « gentils »)
On prend un perso en début de partie (ce sont des standees colorés), sa petite fiche qui rappelle les actions que l’on peut accomplir et qui sert de compteur d’action (c’est un jeu à PA, on a 4 actions par tour, sauf blessure éventuelle). Un petit token « hidden » à sa couleur car on va pouvoir se planquer et un objet personnel. Cet objet personnel (choisi parmi un certain nombre en début de game) est le seul truc qui va caractériser votre personnage. On commence la plupart du temps dans l’entrée de la baraque des Sawyer, le plancher grince et il y a comme une odeur un peu musquée qui flotte dans l’air.
Les joueurs vont jouer dans l’ordre de leur choix à chaque tour, on finit le tour (les actions) de quelqu’un avant de passer au suivante ou à la suivante. La plupart des actions vont générer du bruit : ouvrir une porte, courir comme un dératé, fouiller un tas d’immondices laissées là par une personne dont la notion d’hygiène est aussi réelle que la mort d’Elvis (qui vit sur la face cachée de la lune comme chacun sait). Et fouiller il va falloir le faire, car dans les actions que je décris plus haut je n’ai pas cité l’action « combattre » : en effet on ne peut pas taper sur son prochain sans arme ; et des armes bah on n’en a pas au début (un perso peut toutefois espérer démarrer avec un canif - c’est un petit fien).
À la fin du tour d’un joueur, le bruit qu’il a généré va se transformer en partie en « points de terreur » (je ne me souviens pas du terme exact) qui va être utilisé en « monnaie » par le joueur adverse pour payer des pouvoirs spéciaux.
Si le personnage fini son tour dans un endroit où il y a une cachette possible il devient « hidden » : le joueur Sawyer devra faire une action de « hunt » pour le débusquer (50% de chances de réussir).
Dans les deux parties que j’ai pu faire, le but pour les trespassers était de s’échapper après avoir accompli différentes tâches (trouver de quoi démarrer une bagnole, foutre le feu à la maison, etc.). On trouve les éléments nécessaires à la réussite du scénario en fouillant, ou par le biais d’actions spéciales (siphonner un réservoir pour trouver du fuel par exemple).
Quand on incarne une honnête famille rurale (les « méchants » mais c’est un peu du mépris de classe que de dire ça).
Son but est simple : accrocher chaque trespasser à un croc de boucher avant de le découper et de le foutre au frigo. C’est pas parce qu’on est cannibale qu’on n’a pas peur de choper des salmonelloses.
En début de partie, le joueur Sawyer place quelques tokens « Horror » face cachée sur le plateau dans diverses pièces. Quand un joueur rentre dans une telle pièce, il subit les conséquences de la scène horrible qu’il découvre (ça peut être un effet one shot ou un truc permanent).
La piste de progression du mal est sous la forme de la fameuse tronçonneuse et s’appelle le Trouillomètre (« Panic’O Meter » dans le jeu si mes souvenirs sont bons). C’est cette piste qui va déterminer combien de cartes (de pouvoirs one shot payants ou non) il pioche à chaque début de tour. Le joueur Sawyer commence avec uniquement le Père (the Old Man) en jeu en début de partie. Il va pouvoir dépenser les points de peur précédemment acquis pour faire avancer le trouillomètre et ainsi faire poper les autres membres de la famille. Chaque membre a divers pouvoirs spéciaux et tape plus ou moins fort.
- The Old Man : Il tape un peu mais ne pourra jamais achever quelqu’un (je vais revenir sur le système de blessures un peu plus loin). Son vrai pouvoir est de croquer les cerveaux des trespassers en leur racontant un max de conneries : ça va générer des points de terreur et accélérer le drame.
- Grand’Pa : le premier personnage à apparaître. C’est une tourelle, il a le cul vissé sur son rocking chair et ne peut bouger que par l’entremise d’un autre membre de la famille qui le traîne d’une pièce à l’autre. Quand un joueur passe à sa portée, il lui assène un coup de marteau. Paf.
- The Hitchhiker : lui, c’est le rural, il a un pantalon cargo avec des poches sur le côté pour coincer les pattes des chèvres et un rasoir. Il galope comme un fou quand il est à l’extérieur de la baraque et peut passer à travers les fenêtres.
- Leatherface : LE personnage emblématique, je vous fais pas de dessin : il a sa fidèle tronçonneuse et il n’est pas content. Comme on est super bons on l’a pas vu poper pendant les deux parties que l’on a fait mais j’imagine que quand il arrive la fin est proche vu comment il a l’air énervé sur le papier.
Les autres mécaniques
On a vu que le joueur Sawyer fait progresser un cube sur une piste de trouillomètre. Suivant l’avancement de ce cube, les joueurs vont aussi pouvoir piocher des cartes qui leurs accorderont un petit pouvoir one shot (passer à travers une fenêtre, avoir une action supplémentaire, etc.). Dans nos parties, leur utilisation judicieuse a vraiment été gamebreaker.
Le système de combat : un soupçon d’originalité
C’est du basique, simple. On lance des dés, le joueur Sawyer pioche autant de cartes que de réussites et en donne une à un joueur. La carte a une localisation (tête, bras, jambe et torse) et un effet néfaste (permanent la plupart du temps). Il n’y a pas de points de vie à proprement parler : chaque joueur peut recevoir une blessure de chaque localisation mais s’il en a une de chaque il décède. Et c’est pour ça que le joueur Sawyer va tenter de piocher le maximum de cartes blessures avant d’en donner une à un joueur : pour trouver la localisation que le joueur n’a pas encore devant lui. S’il ne trouve pas, le joueur en réchappe miraculeusement.
Quand un joueur tabasse un Sawyer, il va juste lui « enlever » des actions pour son prochain tour. Les Sawyer ont la couenne robuste.
Y a même du micro-Legacy light !
Quand un joueur décède, sa carte d’inventaire « personnelle » de départ va dans le frigo. Les cartes du frigo sont mélangées dans les decks de loot au début des parties suivantes. Quand il y a 6 cartes dans le frigo, on reboot. Ce sont des cartes beaucoup plus puissantes que celles qu’on trouve habituellement. En gros plus le frigo est plein, plus ce sera facile pour les joueurs.
Là on vient de finir le setup et on choisit nos objets de départ (en jaune). Vous voyez le trouillomètre à son plus bas niveau et les tuiles Horror ont été placées.
Verdict
On a passé une très bonne soirée et on a eu le temps de faire deux parties. Ce n’est vraiment pas le jeu du siècle mais on y joue comme on enfile un vieux slip à l’élastique distendu, on est en terrain connu et y aura pas de surprises. À peu de choses près, tout le monde connaît déjà les règles, on est sur de l’intuitif pur et dur. C’est aussi ça l’ameritrash : c’est du jeu « charentaise ». Le jeu est tendu, les Sawyer sont vraiment des boogeymen inarrétables et le fait de débuter la partie à poil ou presque contribue bien à l’ambiance oppressante. Le joueur Sawyer a perdu les deux fois mais on pense qu’il n’a pas assez « croqué le cerveau » des joueurs via le Old Man, en faisant peu de bruits nous sommes parvenus à faire en sorte qu’il ne nous joue pas trop de grosses cartes méchantes à chaque tour.
Ce qui nous a vachement plu par contre c’est l’édition. La boîte est ridiculement petite (plus petite qu’un euro type Catane : on est sur la taille des boîtes d’extensions carrées FFG un peu plus haute) mais une fois les plateaux dépliés et le matos sorti on a une occupation de la table vraiment cool, on n’est pas sur du mini jeu avec du matos au rabais, les Sawyer sont en figurines plastiques décentes et les joueurs en standees. Il y a un insert carton minimal mais qui fait le job avec quelques zips, c’est franchement pas mal. Comme pas mal d’entre nous, je suis de plus en plus sensible à ce type de production un peu « ramassée » (et ça me permet de faire all-in sur des kiloplastiques sans remords par la suite un peu comme si j’avais acheté des indulgences). Rendez-vous compte : Le jeu coûte 30 balles ! Pour ce prix on a un 1 vs all vraiment correct, pas mal rejouable. Pour un.e joueur.se pas spécialement ameritrasher ou figuriniste qui voudrait diversifier un peu sa collection sans foutre un smic dans un CDMD ou autre c’est plutôt cool.
Le point Françoise Dolto
Je n’ai pas de progéniture mais j’ai le sentiment qu’on peut y jouer sans problème avec des chiards, malgré le thème (sur lequel on peut broder un truc moins trash), il n’y a pas d’illustrations vraiment gores. Le jeu est en anglais mais comme un enfant n’a pas encore le cerveau complètement cramé, on peut lui expliquer les 2 ou 3 cartes qu’il a devant lui, il retiendra les infos sans souci.
