Je vous partage ici l’article que j’ai partagé sur ma page FB, n’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez 
Après une saga littéraire d’exception, une trilogie vidéo-ludique très populaire, une série à succès, The Witcher est enfin adapté en un jeu de société à l’envergure de son renom. Mais voilà, la qualité de cette nouvelle oeuvre est-elle à la hauteur des précédentes créations ?
Kesako ?
Le jeu est issu d’une campagne de financement participatif ayant soulevé pas moins de 6 millions d’euros. Publié par Go On Board et Matagot, Old World prend le parti clivant de ne se baser que sur l’univers de The Witcher, mais pas sur la saga, les évènements du jeu se déroulant plusieurs centaines d’années avant l’époque de Geralt.
Comment on y joue ?
Nous sommes face à un ameritrash très classique :
Les héros incarnés par les joueurs vont se promener sur une carte du monde sur laquelle ils pourront effectuer des actions de lieu, faire évoluer leur personnage et combattre.
Le tour d’un joueur se découpe en 3 phases :
Une phase de déplacement et de lieu pendant laquelle il est possible d’arpenter les différentes régions, et d’user des possibilités laissées par les différents points d’intérêt rencontrés.
Une phase d’action principale pendant laquelle les joueurs devront choisir entre combattre, méditer (apprendre la maîtrise d’une compétence) ou aller à la rencontre d’un événement.
Et enfin une phase d’entretien, pendant laquelle il sera possible d’acheter une nouvelle carte action, qui constitue le cœur du jeu.
Le but du jeu est d’obtenir quatre trophées, ce qui se fera majoritairement par la défaite d’un monstre ou d’un autre sorceleur.
Voilà un aperçu général, passons maintenant au cœur du sujet.
Est-ce bien ?
Commençons par les points positifs :
Ce que j’ai préféré dans l’oeuvre, c’est son minimalisme mécanique. Souvent les créations passant par le financement participatif ont tendance à être expansives, offrant des expériences tatillonnes là où un peu de simplification aurait amélioré le plaisir du jeu. Ce n’est pas le cas pour The Witcher : tout tourne autour de son paquet de cartes action.
Ces dernières arborent 3 informations : un type, de par sa couleur, un effet et un type de terrain. Les deux premières caractéristiques seront utiles au combat, la dernière au déplacement. Ces cartes serviront donc de moteur à nos attaques, mais ce sont aussi ces dernières qui nous permettront de nous balader sur la carte. Elles serviront aussi en tant que point de vie en combat, les blessures subies se traduisant par de la défausse. Enfin, l’achat de carte en fin de tour se fait aussi par la défausse de carte de notre main.
Cette simplicité mécanique rend le jeu très simple à appréhender, d’autant plus si on a déjà expérimenté l’ameritrash.
Ce détail est servi par une ergonomie relativement limpide, venant rappeler l’ensemble des effets d’une action. L’ergonomie est aussi servie par du matériel de belle facture : les illustrations sont travaillées, les figurines sont belles et l’ensemble dispose d’une présence sur la table agréable à l’oeil et au toucher.
Un petit bémol à apporter sur sa simplicité d’accès, c’est le nombre de micro règles qui viennent alourdir le déroulement du jeu. Mais pour la plupart je les ai trouvées légitimes : elles tentent d’apporter un certain équilibre dans la confrontation entre les joueurs. Par exemple il n’est pas possible de se battre contre un autre sorceleur si un combat a déjà eu lieu au même endroit dernièrement, certainement pour éviter une forme d’acharnement.
Maintenant, passons à la facette négative de cette critique.
Le principal défaut de Old World, c’est le global manque d’enjeu : toutes nos actions ont un faible impact sur le déroulement de la partie, ce qui brise l’envie de s’identifier et donc l’immersion.
Cela provient notamment du fait que tout tourne autour des cartes actions, ce qui est d’une certaine élégance mécanique comme souligné juste avant, mais qui concrètement ne fonctionne pas. Elles sont très similaires les unes aux autres, et ne disposent que d’effets génériques ; il est donc complexe de les inscrire dans une véritable stratégie personnalisée. D’une autre façon, nous renouvelons notre main à chaque tour ; le choix des cartes à garder en cours de tour n’a donc pas d’importance. On crame sa main, et on passe à la suite.
Cette sensation de ne pas avoir de véritable impact sur le jeu est nourrie par la faible interaction entre les joueurs. Oui on peut s’attaquer mais les conséquences d’une défaite sont très limitées : on se contentera de débuter le tour prochain avec une carte en moins dans notre main. Le victorieux lui remportera un trophée (je rappelle qu’il en faut 4 pour remporter la partie) mais seulement pour l’attaquant. Le défenseur, même en en gagnant le combat, ne se rapprochera pas de la victoire. Je pense que l’idée de base était de pousser les joueurs à s’attaquer sans trop avoir à craindre la défaite. Malheureusement, en ôtant cet enjeu possible, on retire aussi un facteur stratégique.
En effet, l’intérêt de s’attaquer à autre joueur est moindre ; ces derniers peuvent se révéler très forts, au contraire des monstres dont la nature du comportement, complètement aléatoire, est assez simple à surmonter . Pourquoi s’attaquer à une montagne si escalader la colline d’à côté donne les mêmes récompenses ?
Avoir véritablement la possibilité de freiner un adversaire aurait permis d’atténuer ce défaut du game design, mais malheureusement c’est ici impossible. Dans les faits, le premier joueur à obtenir un trophée ouvre la danse, tous les autres doivent alors se débrouiller pour tenir la cadence et tenter de gagner les trophées. Mais en réalité il peut se révéler déjà être trop tard, notre seule chance devient donc de lui piquer le monstre sous le nez, ce qui n’a encore une fois qu’une répercussion limitée car ce dernier se retrouve immédiatement remplacé par une autre créature.
Un autre facteur vient ternir le tableau : c’est l’évolution limitée des personnages. Ces derniers peuvent monter en compétences, mais concrètement cela ne vient qu’augmenter une valeur numérique dans une petite mesure. Comme pour les cartes, il aurait été plus intéressant d’avoir une acquisition de compétence moins fréquente mais plus impactante, par exemple par le biais d’effet spécifique complexe à obtenir mais rééllement puissante.
Le plateau manque cruellement de vie : les monstres sont complètement immobiles, sont tous très similaires et effectuent tous les mêmes attaques. Les mini-quêtes débloquées en cours de partie font preuve d’une narration basique et d’une résolution toujours identique : il faut aller sur un espace spécifique du plateau, alors qu’il aurait été très intéressant de devoir impliquer les autres joueurs.
Les royaumes du sorceleur n’offrent donc que peu de rebondissement, et c’est dommage tant l’oeuvre originale en est riche.
Et le solo dans tous ça ?
Il n’y a rien à dire sur le solo, car il est exactement identique au multijoueur : il faudra simplement obtenir les 4 trophées en un minimum de tour, à la manière d’un BYOS.
En résumé ?
Ce n’est pas The Witcher: Old World qui va redorer le blason des adaptations en jeu de société. En simplifiant à l’excès la recette générique de l’ameritrash, Go On Board a retiré tout ce qui pouvait faire l’essence d’un bon jeu pour nous donner des combats sans saveur, des sorceleurs sans présence, un univers sans vie. Si bien que je ne vois pas à quel public le conseiller : l’univers me semble trop mature pour les plus jeunes, le jeu pas assez profond pour les plus vieux. Il reste alors le matériel et les figurines, qui en font un bel objet de collection, à défaut d’en faire un bel objet ludique.