7th Citadel
Hier, j’ai fini Le Réveil de Dached… Deda… Dadachaem (à tes souhaits) en solo et c’était plus que bien aussi.
Notez bien que cet avis ne prend en compte que la première menace sur les trois disponibles, avec toutes les extensions incluses, sauf Aux frontières du péril : possible qu’il serait différent après avoir fait les trois. Et aussi, c’est un avis qui s’adresse aux gens qui connaissent au minimum 7th Continent car j’y fais souvent référence.
Ca c’est Denhom. Il ne le sait pas encore mais il est sur le point d’embarquer pour un long périple. Et je ne sais pas pourquoi j’aime bien jouer des vieux.
Ca y est. Après 1555 minutes de jeu, je suis arrivé au bout de la « première » menace de 7th Citadel. Enfin 1450 minutes, soit un peu plus de 24h, si l’on retire le faux départ raconté ici. Voici pourquoi ça m’a vraiment plu, alors que j’ai revendu 7th Continent, ce que je regrette quand même un peu. Anecdote sur ce dernier : je n’ai réussi qu’une seule malédiction, la déesse vorace, après plusieurs essais (enfin techniquement je l’ai même pas réussie, je suis mort à une putain de carte de la victoire).
Progression ou régression ? Choisissez votre camp
7th Citadel corrige en fait quasiment tout ce qui m’a saoulé dans 7th Continent, quand bien même ce dernier est un jeu exceptionnel. En fait je devrais plutôt dire « modifier » que « corriger », car il est évident que pour ceux qui ont passé des jours et des nuits de plaisir intense à arpenter le Continent, certaines des modifications relèveront plutôt de la régression.
Une philosophie très différente de celle du 7th Continent
Déjà le découpage des menaces en scénarios, c’est le gros changement de philosophie qui change tout. Ca permet d’introduire de la narration de manière régulière, ça permet, j’en ai l’impression - et seulement l’impression car je ne me suis pas « spoilé » les pages non lues du livret de menace -, de donner une dimension choix/conséquences plus marquée avec, semble-t-il, quelques embranchements amenant à un scénario alternatif, ça permet surtout de donner des objectifs plus clairs au joueur. Donc on fait passer la notion d’exploration au second plan (par rapport à un 7th Continent).
Une carte du monde dans laquelle on va glisser, parfois, des trucs. Un peu anecdotique, il faut le dire, comme ne l’indique pas la taille du bordel. (Source : BGG)
Finie la survie et l’exploration ? Pas si sûr, en fait
Concrètement, comment ça se matérialise ? Dans 7th Continent, à moins de connaître le continent sur le bout des doigts, on passait énormément de temps à chercher ce qu’on devait faire, à tâtonner, à tester un peu tout, à faire des détours pour chasser, etc. Tout ça pour au final crever comme un cafard dans un fossé après s’être fait mordre par une chèvre. La survie, la vraie. C’est une expérience qui peut plaire, moi j’avoue que ça a fait monter ma jauge de frustration à des niveaux trop élevés.
Déjà, 7th Citadel semble plus simple (mais on peut moduler la difficulté). Mais surtout, on sait ce qu’on doit faire, à chaque scénario. Pas forcément exactement comment, on ne sait pas forcément précisément ce qui nous attend, mais si on réfléchit un peu et qu’on s’aide de la carte, on comprend. La question, maintenant, c’est : comment vais-je faire pour remplir cet objectif au mieux (car souvent on peut plus ou moins réussir), est-ce que je m’autorise des détours qui vont me permettre d’améliorer mon perso, ma citadelle (on en reparle plus loin), ou d’avancer une quête secondaire, au risque de tomber sur un os qui va me conduire à la mort totale et définitive ? Est-ce que je fais le strict minimum ? Et bien j’ai trouvé ces dilemmes passionnants. Après de premiers scénarios faits en mode « relative ligne droite », je me suis fait une grosse frayeur en voulant absolument faire un gros détour après avoir rempli ma mission. Ca reste tout à fait possible, il y a de la marge de manoeuvre, mais il faut bien préparer sa sortie et s’assurer qu’on aura de quoi ne pas tomber à sec de points de vie. Finalement, la connaissance du monde, l’utilisation d’objets et des livres pourra faire la différence, comme dans le 7th Continent, et permettre de survivre plus longtemps.
Trouver l’épique dans les choses simples
Bon, le jeu il est découpé en scénarios, mais les scénarios, ils sont intéressants, au moins ? Oui et (un peu) non. Vous ne vivrez pas une épopée narrative épique pleine de rebondissements. Ce n’est pas ce que propose le jeu. C’est évidemment plus narratif que 7th Continent, mais on ne cherche pas à vous raconter une histoire incroyable, on cherche à justifier le fait que vous arpentiez ces terres dévastées. Et ça, c’est parfaitement réussi, en tout cas dans le réveil de Dadachaem. Vous êtes à la tête d’une petite communauté et vous allez devoir lui permettre de survivre en l’aidant à trouver des moyens de se nourrir, en partant en mission de reconnaissance, en partant en quête de connaissances dans une grande bibliothèque, etc. Malgré tout l’intrigue offre quelques mystères qui motivent à découvrir le fin mot de l’histoire. Largement suffisant pour m’encourager à partir à l’aventure. On pourra trouver la fin brutale, mais finalement, tout est parfaitement cohérent, et rien que ça c’est pas si simple dans un jeu aussi massif. On aurait peut-être pu attendre un système d’épilogue de menace qui prendrait en compte des choix et des choses plus ou moins réussies au cours de la menace, mais ç’aurait été très complexe pour pas grand chose car encore une fois, on ne joue pas à ce jeu pour l’histoire qu’il raconte, mais plutôt pour celle qu’on se raconte au sein de cet univers pour le coup très singulier.
(Source : BGG)
Tout pour l’immersion !
Un mot sur le livre des dialogues qui est, je trouve, une formidable idée pour accroître l’immersion dans les terres effondrées. Ca permet évidemment des choses qui étaient impossibles dans 7th Continent. Même chose pour le système de cartes aventures qui a un peu évolué avec certaines cartes dédiées à certains scénarios grâce à un système d’icône unique par scénario très bien foutu. En clair, si je me rends à un endroit pendant un scénario précis, la carte sera différente que si j’y vais à un autre moment. Je ne sais plus comment c’était géré dans 7th Continent avec des trucs qui n’apparaissaient que pendant certaines menaces, mais le système ici permet vraiment de pousser les potards assez loin de manière très fluide et simple.
Le livre des dialogues, super idée ! (Source : BGG)
La citadelle et ses bâtiments : la fausse bonne idée ? (non)
Continuons d’explorer les raisons pour lesquelles 7th Citadel est le coup de coeur que 7th Continent n’a jamais été. Baaaaaah… la citadelle, justement. La persistance d’éléments d’un scénario à l’autre est vraiment un sujet ajout, le fait de « retourner à la maison » entre chaque objectif pour, justement, s’occuper de la maison, moi je marche à fond. J’avais peur que les fameux bâtiments à construire soient une fausse bonne idée car générant une quantité astronomique d’effets à ne pas oublier pendant les parties (spoiler : c’est un problème qui existe, mais pas à cause de la citadelle, car on finit par accumuler beaucoup de cartes aux effets à ne pas oublier). En fait non, les effets ne s’activent qu’entre les scénarios, donc il suffit de les gérer dans l’ordre au moment au opportun Après niveau immersion, on ne va pas se mentir, on n’a pas l’impression de gérer la vie d’une communauté et de construire un « bain », on coche juste une case nous permettant de débloquer un compagnon à chaque visite à la citadelle.
Un système de jeu plus lisible, plus maîtrisable
Et le système de jeu ? Lui aussi a bien changé. Dans le bon sens pour moi. Le deck de carte action du personnage sert toujours de compteur d’énergie, mais on ne passe plus son temps à chercher des spots de chasse pour récupérer des cartes de la défausse et éloigner le spectre de la défaite (vous savez, ce moment où on commence à jouer à pile ou face à chaque action). Ici on va plutôt gérer un pool de points de vie qui servent aussi bien à encaisser des dégâts qu’à récupérer des cartes de la défausse dans notre deck : on dépense 1PV, on récupère 2 cartes. Simple. Efficace. Lisible. Ca donne de vraies possibilités de maîtriser la part de risques qu’on souhaite prendre, de voir où on en est, de savoir à quel point on peut tester des trucs, faire des détours.
Finies les saucisses-grenades
Exit le système de craft qui obligeait à empiler des cartes pour créer des raquettes faisant office de fusil de chasse ET de flûte traversière. Ici, on trouve des objets et on les garde. Tu as une épée ? Certes elle ne fait pas lampe-torche, mais tu pourras l’utiliser pour te défendre contre ce crochon sauvage (pas de coquille, on peut pas dire qu’ils se soient beaucoup pris le chou pour créer et nommer la faune des terres effondrées). Les tests de compétence, ça marche globalement comme dans 7th Continent, mais tu peux décider, avant de le lancer, de sélectionner un de tes objets pour augmenter tes chances de réussite. Mais souvent il y a un petit risque à le faire (objet qui peut se casser suite à un jet de dé, par exemple). Après y’a un système d’icônes nouveau qui fait qu’on ne se limite pas aux étoiles sur les cartes qu’on pioche pour compter les réussites. Je ne vais pas le détailler là : ça laisse plus d’options pour réussir un test, mais ça rend parfois la phase de résultat du test un peu laborieuse. C’est de toute façon un système indispensable pour aller avec la toute nouvelle icône de chaîne, qui oblige régulièrement à ne prendre en compte les étoiles que d’un nombre limité de cartes qu’on a piochées lors du test (donc on a besoin d’un autre système pouvant générer des étoiles).
Nouveau : dans ce jeu, parfois, les dés, on les lance ! (source : BGG)
Des decks un peu tristounets, sans personnalité
J’aurais une réserve sur le système de « construction de deck ». En soi c’est bien d’avoir des decks de départ différents selon les personnages et de les personnaliser un peu en début de partie, puis, en cours de menace, à l’aide de nouvelles cartes plus puissantes (ce qu’on faisait déjà dans 7th Continent, ici on peut le faire en progressant dans un sphérier au fil de la menace). En revanche, je n’ai jamais eu le sentiment d’avoir un deck optimal ou ayant de la personnalité. En fait c’est ça, j’aurais aimé avoir des cartes ayant vraiment de la personnalité ou des effets vraiment différents et/ou originaux. C’est évidemment pas aidé par l’absence d’illustration sur les cartes action, mais je sais pas, je n’ai pas du tout retenu les noms des cartes, je n’ai pas souvenir d’une carte maîtresse dans ma manière de jouer.
Jamais sans mon fidèle bâton
Tout l’inverse, en revanche, pour les cartes d’équipement ! Mon bâton m’a fidèlement accompagné tout au long de la menace dans les moments difficiles où je devais garder l’équilibre, de même que mon épée. Et au cours des deux derniers scénarios, j’ai même eu la combinaison de deux équipements (+ d’une carte dont je ne sais pas la catégorie : celles qu’on obtient en allant au bout d’une « branche » de sphérier) qui m’ont permis, disons-le, d’en finir avec de coriaces créatures sans vraiment transpirer. Les voici ci-dessous (et donc combinées avec la carte permettant d’avoir +1 à tous les « max »).
Non clairement, je suis totalement convaincu par l’évolution du système d’objets, de tests, bref, par l’évolution du gameplay. Ca me semble moins inutilement laborieux, tout en obligeant quand même à faire de vrais choix.
Une épée, un gambison… de l’équipement, du vrai ! (Source : BGG)
L’espoir de tout un peuple (bon, juste quelques pélos en fait)
Globalement c’est comme ça que je résumerais l’expérience offerte par cette 7th Citadel : un jeu certes plus dirigiste… mais seulement si on le compare au 7th Continent. Parce que la vérité, c’est qu’on peut/doit toujours explorer ce monde qui nous est offert. On peut même aller dans des endroits où l’on n’est pas sensé aller : le jeu ne nous l’interdit pas, il nous dit simplement qu’on va devoir fournir un effort intense pour le faire (le système de tremblesol), et qu’il vaut mieux donc pour nous que ça vaille la peine. Et peut-être que dans certains cas, ça vaut la peine !
Le jeu nous demande d’être cohérent et de s’identifier, d’une certaine façon, à ce que vit notre personnage. Dans le 7th Continent, il était tout à fait logique de vagabonder sur ces terres : notre personnage ne savait pas trop ce qu’il faisait là, et son but était de survivre par tous les moyens. En résolvant une malédiction, certes, mais en ne mourant pas de fin avant de l’avoir fait si possible. Dans la 7th Citadel, notre personnage a décidé de prendre en charge la survie d’une communauté : il sait ce qu’il doit faire. Il ne peut pas partir dans son coin, au petit bonheur la chance, sur les routes. Ce n’est pas un vagabond, c’est quelqu’un qui a une mission, dont dépendent des gens. Donc il ne s’écarte pas de son objectif sauf si cela est dans l’intérêt de sa communauté.
Il est où mon crochon ? L’art de savoir refuser de rendre service
Le système de quêtes secondaires est, à mon sens, parfaitement dans cet esprit. Il est souvent cité comme un défaut : j’avoue que je ne partage pas ce sentiment. Au fil de notre aventure, des gens nous demandent des services. Mais à aucun moment ils ne peuvent devenir prioritaires sur la survie de notre communauté. Ce sont donc des services que l’on peut choisir de rendre, si l’on en trouve l’opportunité, mais c’est tout. Il faut absolument abandonner dans ce jeu l’idée d’être complétiste, ce n’est absolument pas adapté. J’ai, en tout, je crois, réussi 3 quêtes secondaires. J’ai trouvé très intéressantes qu’elles existent car elles m’ont donné d’autres raisons de m’écarter de ce qui semblait être le chemin le plus optimal pour accomplir mon objectif, mais je n’ai absolument pas été frustré à l’idée de ne pas les mener à bien : mon personnage ne se serait pas senti coupable de ne pas avoir rendu un service à un couple de fermiers si cela avait mis en danger la communauté dont il avait la responsabilité (je n’ai même pas réussi ma quête de personnage).
Y’a de la vie dans ce monde ! (pas toujours humaine, pas toujours sympa)
Et enfin, c’est une autre, dernière, grosse différence d’univers avec le 7th Continent : on n’est pas seul au monde. Ca pourrait sembler anecdotique, mais croiser un « maillon » (un genre de coursier) en chemin et faire du troc avec lui, interroger des villageois grâce au livre de dialogues, ou encore [pas vraiment du spoil, mais je savais pas qu’il y avait ça, donc c’était une suprise pour moi] entrer pour la première fois dans une ville, c’est un super sentiment dans ce jeu.
Pour revenir sur la partie mise sous spoil au dessus :
spoil
la première fois que je suis arrivé à Bourdelot, je ne m’attendais vraiment pas à trouver une ville. Genre une vraie ville dans laquelle se balader ! Elle n’est pas constituée de beaucoup de cartes, moins de 10 cartes terrain et des événements permanents, et pourtant j’y ai passé plus de 2 heures !
J’ai oublié de parler des actions multiples. C’est pas mal, ce sont des actions assez longues, en plusieurs étapes, mais pour lesquelles on ne fait jamais vraiment de « coups dans l’eau » car un succès gagné réduit la valeur du dé définitivement. (Source : BGG)
Un mois en immersion au coeur des terres effondrées : voici ce que j’ai vu
Pour moi, 7th Citadel, c’est vraiment le jeu qui a été fait pour ceux qui n’avaient pas été pleinement convaincus par le 7th Continent. Je suis donc parfaitement la cible : je reconnais à l’ancêtre toutes ses qualités et surtout le travail monstrueux qu’il y a derrière, mais pour moi, il était trop mécanique, trop procédural. Trop dur pour moi, certainement, en tout cas il n’a pas réussi à me convaincre de m’investir suffisamment pour dépasser cette difficulté. 7th Citadel est pour moi moins frustrant et pourtant bourré de choix difficile à faire. J’ai l’impression, à l’issue de cette première menace, d’avoir véritablement vécu dans ces terres effondrées pendant un mois (la durée IRL sur laquelle se sont étalées les sessions), d’en avoir rencontré les habitants, d’avoir effleuré les rapports de force qui s’y jouent. Et j’ai l’envie d’en découvrir plus.
« Vous êtes de retour sur le septième continent », oui, mais à la citadelle ?
Je termine sur deux choses.
Les extensions d’abord, toutes intégrées au jeu sauf Aux frontières du péril. Je dirais que comme pour le 7th Continent, elles sont anecdotiques. Ca fait du contenu en plus donc c’est cool. Maintenant, c’est pas indispensable.
La « rejouabilité », enfin. Je ne vais pas m’exprimer dessus, ça n’aurait pas de sens, mais je m’interroge. Pour l’heure, la question ne se pose même pas : oui, je veux faire les deux autres menaces (et j’ai pledgé la nouvelle). Sans aucun doute. Pas forcément tout de suite : on va faire retomber un peu les émotions avec du Spirit Island, du Marvel Champions et du Horreur à Arkham JCE. En revanche : aurai-je envie de refaire les menaces déjà faites ? Tout du moins en solo ? Je n’en sais rien. Ca m’amène à une autre question : si j’étais mort au court d’un scénario, aurais-je arrêté la campagne ? Mon perso est mort, voilà, c’est fini. Ou aurais-je juste recommencé le scénario ? Me connaissant, j’aurais tout stoppé. Mais dans ce cas, aurais-je eu envie de retenter la menace en repartant de zéro ? Je ne sais pas. En tout cas probablement pas tout de suite. Ce qui est sûr, c’est que les poulpes ont réussi à m’embarquer dans leur citadelle, ce qui était loin d’être une évidence.
PS : un mot sur le solo, quand même, c’est un peu le but du topic !!! Ce jeu est évidemment parfaitement adapté au pur solo, à un seul personnage. Ca adapte simplement le nombre de points de vie dont on dispose et, en gros, le poids qu’on peut porter (peut-être la taille de la main de cartes aussi ). Ca fonctionne parfaitement bien comme ça. Je ne vois pas d’ailleurs ce que j’aurais gagné à jouer plusieurs personnages, à part me faire des noeuds au cerveau pour rien.