Et puis visiblement il n’a toujours pas compris (ou feint de ne pas comprendre) qu’un génocide n’implique pas la destruction totale d’une population. Heureusement des gens qui savent un peu mieux de quoi ils parlent, tels qu’Amnesty International, mais pas que, viennent de produire une littérature conséquente à ce sujet. Mais ils sont sûrement eux aussi antisémites.
Zeev Sternhell : « En Israël pousse un racisme proche du nazisme à ses débuts »
Le mardi 20 février 2018 parut dans quotidien Le Monde une tribune Zeev Sternhell, historien, membre de l’Académie israélienne des sciences et lettres, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, spécialiste de l’histoire du fascisme
Zeev Sternhell est historien, membre de l’Académie israélienne des sciences et lettres, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, spécialiste de l’histoire du fascisme
Face à la dérive du nationalisme israélien, l’historien spécialiste du fascisme se lance dans une comparaison entre le sort des juifs sous les nazis avant la seconde guerre mondiale et celui des Palestiniens en Israël aujourd’hui
Zeev Sternhell
Je tente parfois d’imaginer comment l’historien qui vivra dans cent ans essaiera d’expliquer notre époque. A quel moment a-t-on commencé, se demandera-t-il sans doute, à comprendre en Israël que ce pays, devenu Etat constitué lors de la guerre d’indépendance de 1948, fondé sur les ruines du judaïsme européen et au prix du sang de 1 % de sa population, dont des milliers de combattants survivants de la Shoah, était devenu pour les non-juifs, sous sa domination, un monstre? Quand, exactement, les Israéliens ont-ils compris que leur cruauté envers les non-juifs sous leur emprise en territoires occupés, leur détermination à briser les espoirs d’indépendance des Palestiniens ou leur refus d’accorder l’asile aux réfugiés africains commençaient à saper la légitimité morale de leur existence nationale?
La réponse, dira peut-être l’historien, se trouve en microcosme dans les idées et les activités de deux importants députés de la majorité, Miki Zohar (Likoud) et Bezalel Smotrich (Le Foyer juif), fidèles représentants de la politique gouvernementale, récemment propulsés sur le devant de la scène. Mais ce qui est plus important encore, c’est le fait que cette même idéologie se trouve à la base des propositions de loi dites « fondamentales » (constitutionnelles), que la ministre de la justice, Ayelet Shaked, avec l’assentiment du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, se propose de faire vite adopter par la Knesset.
Shaked, numéro deux du parti de la droite religieuse nationaliste, outre son nationalisme extrême, représente une idéologie politique selon laquelle une victoire électorale justifie la mainmise sur l’Etat et la vie sociale. Dans l’esprit de cette droite, la démocratie libérale n’est rien qu’un infantilisme. On conçoit facilement la signification d’une telle démarche pour un pays de tradition britannique qui ne possède pas de Constitution écrite, seulement des règles de comportement et une armature législative qu’une majorité simple suffit pour changer.
L’élément majeur de cette nouvelle jurisprudence est une législation dite « loi sur l’Etat-nation » : il s’agit d’un acte constitutionnel nationaliste, que le nationalisme maurrassien d’antan n’aurait pas renié, que Mme Le Pen n’oserait pas proposer et que le nationalisme polonais et hongrois accueillera avec joie. Voilà donc les juifs qui oublient que leur sort, depuis la Révolution de 1789, est lié à celui du libéralisme et des droits de l’homme, et qui produisent un nationalisme où se reconnaissent les plus durs des chauvinistes en Europe.
En effet, cette loi a pour objectif de soumettre les valeurs universelles des Lumières, du libéralisme et des droits de l’homme aux valeurs particularistes du nationalisme juif. Elle obligera la Cour suprême - dont Shaked, de toute façon, s’emploie à réduire les prérogatives et à casser le caractère libéral traditionnel - à rendre des verdicts conformes à la lettre et à l’esprit de la nouvelle législation. Mais la ministre va plus loin encore : elle vient juste de déclarer que les droits de l’homme devront s’incliner devant la nécessité d’assurer une majorité juive. Mais puisque aucun danger ne guette cette majorité en Israël où 80 % de la population est juive, il s’agit de préparer l’opinion publique à la situation nouvelle, qui se produira en cas d’annexion des territoires palestiniens occupés souhaitée par le parti de la ministre : la population non juive restera dépourvue du droit de vote.
L’impuissance de la gauche
Grâce à l’impuissance de la gauche, cette législation servira de premier clou dans le cercueil de l’ancien Israël, celui dont il ne restera que la déclaration d’indépendance, comme une pièce de musée qui rappellera aux générations futures ce que notre pays aurait pu être si notre société ne s’était moralement décomposée en un demi-siècle d’occupation, de colonisation et d’apartheid dans les territoires conquis en 1967, et désormais occupés par quelque 300 000 colons. Aujourd’hui, la gauche n’est plus capable de faire front face à un nationalisme qui, dans sa version européenne, bien plus extrême que la nôtre, avait presque réussi à anéantir les juifs d’Europe. C’est pourquoi il convient de faire lire partout en Israël et dans le monde juif les deux entretiens faits par Ravit Hecht pour Haaretz (3 décembre 2016 et 28 octobre 2017) avec Smotrich et Zohar. On y voit comment pousse sous nos yeux non pas un simple fascisme local, mais un racisme proche du nazisme à ses débuts.
Comme toute idéologie, le racisme allemand, lui aussi, avait évolué : à l’origine, il s’en était pris aux juifs en violant les droits de l’homme et du citoyen. Il est possible que sans la seconde guerre mondiale, le « problème juif » se serait soldé par une émigration « volontaire » des juifs des territoires sous contrôle allemand. Après tout, presque tous les juifs d’Allemagne et d’Autriche ont pu sortir à temps. Il n’est pas exclu que pour certains à droite, le même sort puisse être réservé aux Palestiniens. Il faudrait qu’une occasion se présente, une bonne guerre par exemple, accompagnée d’une révolution en Jordanie, qui permettrait de refouler vers l’Est une majeure partie des habitants de la Cisjordanie occupée.
Le spectre de l’apartheid
Les Smotrich et les Zohar n’entendent pas s’attaquer physiquement aux Palestiniens, à condition, bien entendu, que ces derniers acceptent sans résistance l’hégémonie juive. Ils refusent simplement de reconnaître leurs droits de l’homme, leur droit à la liberté et à l’indépendance. D’ores et déjà, en cas d’annexion officielle des territoires occupés, eux et leurs partis annoncent qu’ils refuseront aux Palestiniens la nationalité israélienne, y compris le droit de vote. Concernant la majorité au pouvoir, les Palestiniens sont condamnés pour l’éternité au statut de population occupée.
La raison en est simple : les Arabes ne sont pas juifs, c’est pourquoi ils n’ont pas le droit de prétendre à la propriété d’une partie quelconque de la terre promise au peuple juif. Pour Smotrich, Shaked et Zohar, un juif de Brooklyn, qui n’a peut-être jamais mis les pieds sur cette terre, en est le propriétaire légitime, mais l’Arabe, qui y est né, comme ses ancêtres avant lui, est un étranger dont la présence est acceptée uniquement par la bonne volonté des juifs et leur humanité. Le Palestinien, nous dit Zohar, « n’a pas le droit à l’autodétermination car il n’est pas le propriétaire du sol. Je le veux comme résident et ceci du fait de mon honnêteté, il est né ici, il vit ici, je ne lui dirai pas de s’en aller. Je regrette de le dire mais [les Palestiniens] souffrent d’une lacune majeure : ils ne sont pas nés juifs.
Ainsi, même si les Palestiniens décidaient de se convertir, commençaient à se faire pousser des papillotes et à étudier la Torah et le Talmud, cela ne leur servirait à rien. Pas plus qu’aux Soudanais et Erythréens et leurs enfants, qui sont israéliens à tous égards. Il en était de même chez les nazis. Ensuite vient l’apartheid, qui, selon la plupart des « penseurs » de la droite, pourrait, sous certaines conditions, s’appliquer aux Arabes citoyens israéliens depuis la fondation de l’Etat. Pour notre malheur, beaucoup d’Israéliens, qui ont honte de tant de leurs élus, pour toutes sortes de raisons, continuent à voter pour la droite.
Pierre Milza tout en reconnaissant qu’« il y a eu sans aucun doute un fascisme français, qui n’a pas toujours pris la forme de ses homologues italien et allemand mais qui a occupé, dans l’espace politique et culturel de l’hexagone, une place plus grande que ne voulaient bien lui concéder jusqu’à une date récente les plus éminents spécialistes du xxe siècle français », critique Sternhell qui selon lui « voit du “fascisme” partout où il y a critique virulente de la république parlementaire, version IIIe finissante […], un pas que l’examen attentif des faits interdit de franchir »17.
Cependant, pour Stanley Payne, « Zeev Sternhell a démontré de manière concluante que la quasi-totalité des idées du fascisme sont apparues en France »18 et George L. Mosse écrit dans La Révolution fasciste : « Il y eut ainsi des mouvements nationaux-socialistes primitifs en France (qui réunissaient d’anciens dirigeants de la Commune de Parisaux traditions jacobines, mais aussi quelques anarchistes et bourgeois bien-pensants) »19.
Les désaccords portent par ailleurs sur la définition sternhellienne du fascisme. Elle ne fait pas consensus au sein des historiens. À Sternhell est reproché, en particulier, l’imprécision de sa définition du fascisme, mais aussi des rapprochements parfois considérés comme hasardeux qu’il fait entre des mouvements aux fondements idéologiques radicalement différents (notamment entre droite conservatrice « légitimiste » et mouvements révolutionnaires nationalistes). Raymond Aron, témoignant en faveur de Bertrand de Jouvenel — qui intentait un procès en diffamation à Sternhell pour la manière dont il l’avait dépeint en 1983 dans Ni droite ni gauche. L’Idéologie fasciste en France — stigmatisait la méthode du chercheur israélien : « Son livre est le plus totalement a-historique qui se puisse concevoir. L’auteur ne remet jamais les choses dans le contexte. Il donne du fascisme une définition tellement vague que l’on peut y rattacher n’importe quoi »20.
Certains historiens se demandent s’il est pertinent de relier des personnalités comme Maurice Barrès, Charles Maurras, voire Emmanuel Mounier, à la mouvance fasciste. Ainsi, Emilio Gentile soutient que parler de fascisme en dehors d’un régime ou d’un partiest très problématique : si l’on excepte d’une part les derniers mois du régime de Vichy, d’autre part quelques mouvements très minoritaires autour de Marcel Bucard, la France n’a à proprement parler jamais connu de régime ou de parti fasciste.
« N’en déplaise aux admirateurs de Zeev Sternhell, dont les travaux possèdent d’évidentes qualités d’érudition et de précision, écrit Olivier Bosc, on ne peut valider son interprétation qui repose sur une conception quasi généalogique de la pensée. Il distribue les certificats d’hérédité idéologique, en s’appuyant sur une méthode d’interprétation tenant à la fois du jeu des Sept Familles et du cadavre exquis21. »
Faire, comme Sternhell le propose, du fascisme une idéologie « anti-Lumières22 » est discuté, dans la mesure où le fascisme reprendrait notamment des idées apparues dans le cadre des Lumières – et surtout de l’Aufklärung allemand, comme un certain constructivisme juridique, ou le rejet des doctrines sociales et politiques fondées sur le christianisme ; alors qu’à la même époque, d’autres mouvements — que Sternhell rapproche du fascisme — comme l’Action française, ou la Révolution conservatrice, rejetaient violemment les Lumières sans adhérer au fascisme — voire en en étant des adversaires, une fois revenus de la fascination qu’il suscitait chez eux.
Le politologue Pierre-André Taguieff lui reproche « une vision anhistorique du fascisme » et « une méconnaissance du rôle moteur joué par la Première Guerre mondiale »en laquelle il voit le véritable « berceau » de l’esprit fasciste. Il est tout aussi sévère envers l’affirmation de Sternhell que le FN se situe dans la filiation de la « droite révolutionnaire » « pré-fasciste », affirmation qui ne serait que l’application de « schémas interprétatifs rigides sur des phénomènes qu’il connaît insuffisamment »23.
Source:
Après on peut gloser mille ans sur les mots « génocide » et « fascisme » pour moi il n’y a pas besoin de ça pour qualifier l’horreur de ce qui se passe à Gaza. Ceux qui insistent pour appeler ça « génocide » ont souvent cette jubilation (que je trouve malsaine) à attribuer aux victimes d’hier le diminutif de leur bourreaux d’alors. (Nazis génocidaires etc…).
Je pense que la petite phrase de @DrStef relevait plus d’une critique de ce terme qu’un mépris pour le sort des victimes.
Même si, juridiquement (bien que je ne sois pas un spécialiste) on pourrait bien appliquer ce terme d’après les différentes définitions du droit international, on peut cependant admettre qu’au vu de l’histoire, certains rechignent à le faire à la différence d’autres qui vont, au contraire, s’empresser d’adouber ce terme (pour des raisons qui leur sont propres et sur lesquelles je ne reviendrai pas.)
Il est dommage que des questions de vocabulaire divisent des gens qui, sur le fond j’en suis sûr, sont d’accord pour dire que ce qui se passe à Gaza est terrible.
Non il lui a donné ses lettres de noblesse on va dire. Vu que tu es attaché au sens des mots, tu m’expliqueras comment un genocide peut être arrêter simplement en libérant quelques dizaines de civils totalement innocents (morts ou vifs)
Bordel, il en est resté à la libération des otages… Si Netanyahou en avait eu quelque chose à foutre de ces pauvres gens, il ne les aurait pas écrabouillés sous les bombes en même temps que leurs ravisseurs. Et quand on voit que des otages ont été abattus par les soldats eux-mêmes alors qu’ils tentaient de rejoindre leurs lignes, ça n’a pas eu l’air d’être leur préoccupation principale. Je passe sur les manifestations des familles protestant contre ce traitement de la question des otages qui ont été matraquées et gazées par la police.
J’ai l’impression qu’il a fait un bug système de toute manière, il va nous ressortir en boucle les éléments de langage des premières semaines du massacre. « Boucliers humains », « armée d’une démocratie », blablabla.
En fait, au bilan actuel, aucune des parties prenantes de ce conflit ne peut se dire vainqueur : le Hamas qui voulait faire une démonstration de force pour s’imposer face à Israël (ainsi que face aux autres groupes terroristes voire a la population palestinienne pour prendre pied en Cisjordanie ?) s’est fait décapiter, son potentiel militaire quasi réduit à néant. Mais, il peut régénérer rapidement ses effectifs via les victimes civiles et leur désir de vengeance de ce conflit.
Israël avait en objectifs publics la libération de ses otages et éradiquer le Hamas. Même si le Hamas a été décapité, ses armes et sa logistique grandement détruites ainsi que ses vétérans tués, il peut se régénérer rapidement. De plus, tous les otages ne sont pas à ce jour libérés. Cependant, après l’humiliation de l’attaque terroriste du 7 octobre, Tsahal a pu regagner son potentiel dissuasif face à ses adversaires locaux. Néanmoins, Israël se retrouve isolé diplomatiquement du fait des dégâts et morts occasionnés à Gaza. Les efforts de normalisation avec l’Arabie Saoudite, les pays du Golfe sont stoppés. De plus, en politique intérieure, le gouvernement se fissure puisque l’un des partis menace de ne plus le soutenir du fait de la signature de la trêve.
Les grands perdants collatéraux de ce conflit sont :
-le Hezbollah qui a vu son potentiel militaire diminué et, si les promesses sont tenues, l’obligation de se retirer de la frontière avec Israël
l’Iran qui a vu ses marionnettes Hamas et Hezbollah bien diminués, les Houtis attaqués, ainsi que son potentiel militaire et ses défenses détruites. A cela s’ajoute la perte de la Syrie de Bachar el-Assad Assad
la Syrie de Bachar el-Assad qui n’a pu résister aux attaques des groupes islamistes sans le soutien de la Russie (trop occupée en Ukraine voire Afrique), de l’Iran (trop occupé par le conflit avec Israël), du Hezbollah (trop occupé par son conflit avec Israël)
le Fatah/autorité palestinienne qui n’a pas su profiter du conflit pour reprendre la main et être vu comme un interlocuteur possible afin de reprendre le contrôle de Gaza.
Paradoxalement, Trump commence déjà par revendiquer le succès de la trêve du fait de l’envoi de son émissaire qui aurait forcé Netanyahou à négocier meme durant le Shabbat.
A terme, pour une paix durable, il faudra bien que les politiques locaux ainsi que les populations acceptent la présence d’Israël (et pour Israël, l’existence d’un État palestinien), avec des frontières qui ne sont pas celles de 1967 et Jérusalem qui ne sera pas la capitale Palestinienne. De même, Israël devra démanteler tout ou partie des colonies en Cisjordanie.
Ce point me paraît hautement improbable sans coercition extérieure de la communauté internationale.
Quand Ariel Sharon fait évacuer les 8000 colons israéliens de la bande de gaza, ça lui a coûté sa carrière et avec le 7 octobre c’est toute la politique de main tendue qui n’est plus entendue.
Alors dire à des dizaines de milliers de colons, pour certains installés depuis bien plus longtemps que ceux qui étaient à gaza, de quitter la Cisjordanie, ça va être politiquement compliqué.
Et même d’un point de vue logistique. Il avait fallu plusieurs milliers de forces de l’ordre israéliennes pour évacuer les 8000 colons de gaza qui étaient massés au bord de la frontière et même ainsi c’était laborieux.
Aller chercher des familles fanatisées et armées sur des collines en Cisjordanie avec des risques de désobéissance de certains militaires… bon courage.
Mais tu as raison, il faut qu’israel évacue gaza et la Cisjordanie. Mais sans contrainte internationale forte, je ne vois pas comme ça peut se faire.
A moins que de nouveaux acteurs (Qatar, émirats, Arabie, Chine…) s’impliquent fortement (certaines petromonarchies veulent faire de gaza un dubai sur la méditerranée avec d’immenses investissements pour les palestiniens et des accords avec Israël)
… et que les acteurs historiques, au premiers rang desquels les USA, se retirent.
Mais avec le retour de Trump c’est mal engagé (encore que … s’il.revient sur une ligne doctrine Monroe…)