Etalé sur ces derniers mois, j’ai joué à Eila et l’éclat de la Montagne … et j’ai passé un d’excellent moment (en fait plusieurs, 14 parties réparties sur 9 sessions de jeu au total, que j’ai trouvées vraiment magiques à partir de la deuxième session).
Eila, c’est quoi ?
Eila est un jeu solo, narratif, encensé par moult professionnels et reviewers après sa présentation sur les salons (dont Vichy), suite à sa localisation par Iello d’un jeu sorti en VO en … 2021 apparemment (je n’en avais jamais entendu parler dans sa VO … donc merci Iello !).
Je ne m’étale pas sur les louanges des un(e)s et des autres un peu partout, vous les trouverez facilement, elles pullulent comme la petite vérole sur le bas clergé. Et accessoirement, nominé à Cannes, mais malheureusement pas récompensé (et après avoir fini la campagne, je me dis que « c’est vraiment trop inzuste »)
Ce qui m’a décidé à me le procurer dès sa sortie ?
Le bruit selon lequel Iello n’en referait pas de reprint.
Il faut dire que c’est un jeu solo dont la rejouabilité n’est très probablement pas infinie, et qui va avoir vocation à être prêté et revendu assez dynamiquement après sa sortie (vraiment, il donne envie de le faire découvrir à ses proches, vraiment).
C’est une espèce de niche, une « expérience ludique » très loin du jeu familial qu’on sort encore et encore d’une soirée à l’autre ou du jeu solo brise neurones que l’on peut rejouer à l’infini par goût du défi intellectuel.
Je ne sais pas s’il faut le qualifier d’ovni ludique, mais je l’ai trouvé vraiment à part dans la production du moment, et à plusieurs titres
- une narration déguisée sous une DA très enfantine, mais finalement bien sombre (et le mélange des deux est en fait redoutable pour créer des émotions)
- une mécanique simplissime mais diablement efficace, basé sur le principe du deck building mais en ultra abordable, et agrémentée au fil de l’histoire de … plein de petites choses que je ne vais pas spoiler ici, mais qui amènent de la variété dans le jeu (mais toujours en restant très simples).
- un système de campagne (sur 6 histoires numérotées … de 0 à 5) ultra simple à gérer, avec des mises en place et un système de sauvegarde qui facilite la sortie du jeu sur un coup de tête tant c’est simple et rapide
Bref, c’est beau, c’est bien pensé, c’est immersif (si on m’avait dit que je m’identifierais un jour à une petite lapine …), et c’est tellement facile à sortir !
Eila, c’est édité comment ?
Objectivement, l’édition est chouette (même si on y parle de base d’une héroïne lapine ).
Le matériel est de bonne facture, les cartes suffisamment épaisses, la règle claire et ultra didactique (on y retourne pour ainsi dire pas ), et la place prise par le jeu est ultra raisonnable (chose fort appréciable dont on perd l’habitude ces derniers temps).
Les jetons sont majoritairement en bois (ressources), très mignons (comment ne pas craquer devant ces carottes !), et seuls quelques tokens cartons viennent compléter (notamment les points de vie), avec quelques tuiles (dont je ne dévoilerai pas l’usage pour ne pas spoiler).
Sont’y pas toutes mimi ces p’tites carottes ?
Et enfin, un gros pion mystère se cache dans un emballage noir comme une nuit sans lune, attendant les instructions d’un des scénarios pour être ouvert .
Un petit bloc lui aussi tout mignon permet de noter sa progression dans les scénarios (et d’enregistrer son inventaire et les talents acquis). Petit format, mais ultra pratique (même si pas forcément presbyte-friendly).
Et enfin, les prologues et fins de scénarios prennent la forme de … mini BD toutes choupis … et elles aussi très (mais alors vraiment très très) émouvantes par moment (big up Grand Arbre !).
Dernier point, et pas le moindre, l’insert est un exemple de conception intelligente :
- un système intégré au couvercle de l’insert qui permet de sauvegarder ses cartes d’une partie à l’autre
- un insert plutôt solide (mais sensible aux rayures, à cause de son aspect un peu satiné)
- des emplacements de rangement très pratiques, avec une mention spéciale pour l’emplacement pour le petit présentoir monté, et pour ceux pour les decks de cartes de chaque scénario qui sont conçus pour accueillir les decks sleevés
Une belle boîte accueillante pour des cartes sleevées… et admirez cet emplacement dans le couvercle du thermo pour accueillir les cartes à sauvegarder ? (Avec un emplacement special pour les petites cartes sous l’emplacement pour les grandes !). Il y a même une poignée intégrée pour faciliter le soulèvement du couvercle ! Le diable est dans les détails …
Parce que c’est quelque chose à avoir en tête, les sleeves, pour ce jeu : les cartes évènements tournent (vraiment) beaucoup, et on mélange son deck sept fois par scénario.
Certaines vont et viennent entre les paquets (entre le présent, le futur, les évènements imminents, …), et on passe son temps à les ramasser sur le plateau et les ranger, les battre, bref, y’a de la vie comme dans un deck building, quoi.
Et ces cartes, elles sont posées sur un plateau lisse, donc pour les en sortir, deux solutions :
- les faire glisser hors du plateau pour les récupérer en profitant de l’épaisseur de ce dernier ou …
- les décoller du plateau avec ses ongles ( ) au risque d’abîme les bords des cartes …
Autant vous dire qu’après les deux 1er scénarios, je me suis précipité chez un ludiquaire pour prendre des sleeves 79x120 avant de continuer l’aventure. Et j’y ai gagné un confort incroyable en jeu, notamment pour le brassage des cartes à chaque fin de journée (et le rangement des cartes dans leurs paquets - et dans l’ordre de leurs numéros - en fin de session)
Bref, c’est un jeu qu’il faut sleever surtout si on prévoit d’y rejouer et de le faire ensuite tourner autour de soi. (pour info, 309 cartes en 79x120 ; les 46 cartes en 63x88 n’ont quant à elle pas forcément besoin d’être sleevées, étant beaucoup, beaucoup moins manipulées. D’ailleurs, je ne les ai pas sleevées, pour ma part).
NdlR : sur un jeu à 45 balles, « ça fait suer de rajouter entre 20 et 30 balles de sleeves », vous vous dites ? Mais c’est un vrai confort en plus pour les cartes évènements, et on a tellement envie de le faire découvrir à d’autres, que ça vaut le coup de le protéger
Bref, une édition de très belle qualité, mais puisqu’il faut bien trouver des défauts :
- les emplacements de l’insert dévolus aux jetons ne sont pas super pratiques pour les en sortir à la mise en place (profonds, pas de bords inclinés pour aider … mes gros doigts n’aidant pas non plus)
- le plateau est sensible aux rayures (ongles, déplacement des tokens)
- tant qu’à faire du token bois, les jetons coeur pour marquer les points de vie auraient mérité eux aussi d’être en bois plutôt qu’en jetons à dépuncher ; ils auraient été plus faciles à manipuler sur la carte d’objectif (parce que la carte bouge, quand on y manipule les ressources ou les points de vie, c’est parfois un peu pénible). On sent donc un peu l’optimisation économique (maximiser l’utilisation des punchboards dont je ne dévoilerai pas ce qu’elles contiennent d’autre), et c’est un peu dommage.
- certaines de mes tuiles souffraient de défauts d’impression (défaut d’encrage, je dirais, surtout une, pas jolie - pas illisible, pas gênant pour le gameplay, mais qui dénotait avec les autres … heureusement, le support Iello a été ultra réactif et efficace, et en quelques jours seulement une tuile de remplacement est arrivée à la maison. Gros au SAV Iello !)
Eila, ça marche comment ?
Alors sans spoiler les évolutions mécaniques qui apparaissent au fil des scénarios, on peut quand même décrire le moteur de base du jeu :
- on fait défiler des évènements, qui représentent une journée de la vie d’Eila. Un scénario se passant sur 7 jours maximum
- avant la fin de ces 7 jours, on doit remplir un objectif indiqué par la carte objectif de chaque scénario. En général sous forme de collecte et de sauvegarde de certaines ressources.
- le principe est simple : dans le présentoir devant soi, en haut du plateau de jeu, le deck d’évènements imminents, qu’on va piocher les uns après les autres pour les résoudre (faire des choix).
- on pioche donc la première du deck d’évènements imminents, qu’on place devant soi dans la zone du Présent
- en fonction du choix que l’on fait, on résout l’effet puis la carte va
- soit rejoindre la pile de droite, celle du Futur (évènements, qui se reproduiront le jour suivant),
- soit rejoindre la pile de gauche du Passé (évènements qui ne se reproduiront plus dans la partie),
- soit rejoindre sa pile d’origine pour pouvoir être rappelée par d’autres cartes à l’avenir (évènements possibles mais pas systématiques)
- à la fin de la journée, la toute dernière étape consiste à prendre le deck du futur, à en mélanger les cartes, et à la placer dans le présentoir comme nouveau deck d’évènements imminents dans lesquels on va piocher les cartes de la journée suivante … ultra simple. Le deck tourne, s’enrichit, se nettoie, la vie, quoi.
- la résolution de chaque carte, après chaque pioche, consiste à faire un choix entre plusieurs options proposées, après avoir consulté le titre, l’illustration (pour certaines choses, l’illustration est très importante) et un petit texte narratif d’une ou deux lignes.
Certains choix sont conditionnées à des prérequis (qu’il faut alors pouvoir remplir), d’autres non.
Les actions basiques (d’autres apparaissent au fur et à mesure que les règles s’enrichissent d’un scénario à l’autre) consistent en- gagner ou perdre des ressources
- ajouter une carte indiquée par l’évènement au deck des évènements futurs (enrichissement du deck pour la journée suivante)
- ajouter une carte indiquée par l’évènement au dessus de la pile des évènements imminents qui devient alors le prochain évènement qui sera pioché)
Inutile de préciser que tout ça se fait face cachée, on a donc aucune idée de ce qui va nous tomber dessus (une bonne partie du sel du jeu … et de la frustration qui va parfois avec quand la chance nous fait des pieds de nez). Les actions proposées, outre de pouvoir nécessiter des prérequis, peuvent aussi bénéficier / pâtir de modificateurs issus de l’histoire et/ou des nouvelles règles introduites par chaque scénario.
Ajoutons à cela une pioche de cartes « Talents » (que l’on peut acquérir de différentes manières) et une pioche d’objets et autres soutiens (que l’on peut acquérir ou perdre de tout autant de manières) qui nous suivent sur toute la campagne, et le plateau de jeu est dressé.
Côté ressources, c’est aussi assez simple :
- 6 ressources en deux catégories
-
les ressources tangibles (pièces, carottes et pierres magiques), que l’on peut stocker à hauteur de 8 d’entre elles sur son plateau
-
les ressources intangibles (énergie, savoir et peur), que l’on peut stocker … à hauteur de 8 d’entre elles également.
-
Vous vous dites « 8, ça suffit ? » … oh la la que non … du tout … tellement pas …
Heureusement, on peut convertir des carottes (en stock) en énergie, et des savoirs (en stock) en pierre magique comme action gratuite à tout moment (le reste des conversions de ressources dépendant des possibilités apportées par les différents évènements)
Quant aux « peurs », elle jouent le rôle de parasites en bloquant des emplacements dans son inventaire, et en attaquant nos points de vie dans certaines conditions. Contrôler sa peur peut donc se révéler crucial. Si vous n’avez plus d’emplacement, vous devez vous défaire de ressources intangibles, si vous occupez les lui, les peurs supplémentaires se transforment en points de vie perdus (d’où l’expression « morte de peur », sans doute … une vraie potentialité dans Eila).
Chaque journée est divisée en
- une phase de jour : on déroule les évènements de sa journée, et on résout les effets
- une phase de nuit pendant laquelle
- on tente de remplir son objectif,
- on compte son tour (avec un système malin qui nous oblige à dépenser soit une énergie, soit un point de vie)
- on mélange son deck (futur) pour préparer la journée suivante (le futur mélangé devient le nouveau deck d’évènements imminents)
Les conditions de victoire sont simples : remplir l’objectif avant la fin du 7ème jour. Les conditions de défaite aussi :
- ne pas remplir son objectif avant la fin de la nuit du 7ème jour
- perdre tous ses points de vie (couic)
Rien de très nouveau sous le soleil, donc, mais la mécanique est parfaitement huilée, et surtout se fait totalement oublier au profit de l’histoire.
Même les nouvelles règles introduites à chaque nouveau scénario à partir du numéro 2 (le troisième, donc … non mais vraiment, suivez, un peu !).
Et ça, c’est quand même bien chouette.
Pas de complexité ou de micro-règle pour venir casser l’immersion. tout coule de source, tout ce qui compte c’est d’accompagner Eila dans son aventure.
Et si le défi intellectuel est trop léger à votre goût, le mode « avancé » relève le niveau des objectifs, et introduit de nouveaux évènement pour corser l’expérience.
Eila, Eila, don’t dream it’s over
Pour être clair, les deux premiers scénarios sont de gros tutos.
Le 0, surtout, qui permet de se familiariser avec la mise en place et la mécanique de base du jeu. Mais qui n’apporte absolument rien pour la campagne. Le second (le 1, donc, suivez un peu) va un poil plus loin, sans être révolutionnaire non plus. Mais il permet de commencer à nourrir la campagne avec, potentiellement, des éléments persistants pour le scénario suivant.
Le set up du scénario 0. Ça s’étoffe dans les scenarios suivants.
Bols à pions by PBH @hohyss
C’est après que le sel du jeu se révèle, que les règles s’enrichissent, que l’histoire s’assombrit et que les enjeux se dessinent …
Et l’histoire de la pauvre Eila sous ses traits choupis et enfantins, se révèle loin d’être un compte de fées. Le chemin est rude, les épreuves nombreuses, les gens peu fréquentables … peu fréquentables.
Le set up en cours du scénario 2. Les paquets de carte s’étoffent, et d’autres éléments de jeu viendront encore enrichir l’aventure dans la suite des scénarios …
Bref, Eila, elle morfle, et elle doit faire des choix pas toujours faciles et souvent pas très heureux, mais parfois illuminés de moments de joie et de belles rencontres. Le tout parsemé de twists … comment dire … éprouvants pour les petits cœurs sensibles comme le mien.
Dur d’en dire plus sans spoiler, mais Eila vit une vraie aventure riche en émotions, en rencontres, en rebondissements. Et du coup nous aussi.
Je ne sais pas si c’est lié à ce choix de DA, mais le jeu rend le personnage hyper attachant, et les différents évènements fonctionnent vraiment bien pour nous balader en ascenseur émotionnel. Et quel ascenseur ! (me suis toujours pas remis des twists du scénario 4 … le 5ème de la boîte donc …)
Mais alors, c’est juste une super chouette histoire dont vous êtes le héros, ou c’est aussi un vrai jeu ?
Pour être franc, après avoir joué les trois premiers scénarios, même si je me suis régalé sur le narratif et l’immersion, je me suis posé des questions sur le côté « gaming ». Une impression de rouler sur les histoires (renforcée par une change insolente aux dés dont je n’ai pas l’habitude), qui m’a déstabilisé (vu que d’habitude, je suis très mauvais et galère même sur les jeux les plus simples …).
Jusqu’au 4ème scénario (le chapitre 3, donc) … qui m’aura demandé 3 runs pour en arriver à bout. Parce que j’ai fait des choix de merde contestables, que mon mojo habituel aux dés est revenu (je me disais bien, aussi), et parce qu’également l’enchainement des évènements m’a réservé de sacrés tours.
De la satisfaction de m’être planté au premier run, je suis passé à l’agacement d’échouer au pied de la victoire (si, si, je lui touchais les orteils du bout de l’index) au second, et à l’immense bonheur du succès au troisième (après un gros coup de chaud sur un changement de stratégie qui s’est avéré être gagnant).
Clairement, sur ce scénario, il y a une courbe d’apprentissage très agréable. Et j’ai été épaté par la richesse de l’'aventure avec des mécaniques aussi simple et si peu de matériel.
Le Chapitre 4 (5ème scénario, donc), m’aura lui demandé … 4 runs (oui, je suis mauvais). Avec sur mon quatrième run sans doute les émotions les plus fortes que m’a jamais fait vivre un jeu de plateau de toute ma vie … à l’approche de la fin du scénario, et jusqu’à sa conclusion, ce n’était plus un ascenseur émotionnel, mais un grand huit complet … un truc de dingue. Je me demandais comment les reviewers du jeu pouvaient pour certains sérieusement parler de la larme à l’œil que leur avait déclenché le jeu … ben à la fin du chapitre 4, j’ai compris … vraiment …
Quant au dernier chapitre, ben … 5 runs pour en arriver à bout (oui, oui, je sais, je suis mauvais), la faute à des choix sur les deux premiers pas forcément cohérents avec le personnage que je m’étais construit, puis sur les deux suivants et de sacrés mauvais concours de circonstances dans l’ordre d’apparition de certaines cartes auxquels je ne m’étais pas forcément assez préparé. Mais du coup, il y a une vraie courbe d’apprentissage, et une vrais sensation de s’améliorer (et quand comme moi on est un très mauvais optimisateur, ça compte, d’avoir l’impression de s’améliorer). Bref, la montée en puissance continue, et le dernier scénario se pose en point d’orgue avec une difficulté qui va crescendo avec une cohérence assez formidable avec le thème du scénario.
Eila rejouabilité ?
Sur un solo narratif à campagne, c’est pas gagné !
A ma droite, les arguments en faveur d’une rejouabilité certaine
- clairement, sur un scénario, les choix qu’on fait ne nous donnent pas accès à une partie des cartes. Elles sont là, ces cartes, à nous narguer à la fin de la partie en mode « hé hé, tu ne sais pas ce qu’on t’aurait réservé, reviens nous voir » … et c’est frustrant (et donc donne envie d’y revenir)
- la variété des choix elle même donne envie de tester d’autres options, d’autres « stratégies », surtout si on aime explorer tous les recoins d’un jeu. D’autant que certains scénarios proposent une fin alternative, dont on se demande ce qu’il aurait fallu faire pour y avoir droit. Là encore, clairement sur les derniers scénarios, on a plusieurs fins possibles. Et quand on voit ce que fait vivre une seule d’entre elles, on a sacrément envie de voir ce que réservent les autres.
- c’est tellement facile à sortir et mettre en place. Les parties sont plutôt courtes, c’est pas contraignant. Pourquoi se priver ?
A ma gauche, les arguments qui mettent le doute ou peuvent laisser penser que le jeu peu rapidement lasser :
- une fois que l’histoire est « déflorée », vais-je prendre le même plaisir à reparcourir l’histoire ?
- ne vais-je pas me sentir trop « guidé dans mes décisions » par l’obligation d’aller explorer les choix que je n’avais pas retenu ? Et est-ce que ça ne va du coup pas faire ressurgir le côté mécanique, si élégamment masqué par l’histoire lors de mon premier run ?
- une fois la phase de découverte des règles additionnelles passée (et la campagne finie), et la surprise des différents évènements dissipés, la simplicité des mécaniques ne va-t-elle pas me paraître barbante ?
- le mode normal peut vraiment sembler trop facile. En tous cas au début. Parce qu’après, je n’ai pas vraiment trouvé le jeu facile … du tout … Après, je privilégie l’aventure au calcul, je ne suis pas le roi de l’optimisation, j’ai une mémoire de poisson rouge, donc je suppose que beaucoup de joueurs seront arrivés bien plus vite que moi au bout de chaque scénario.
Le mode « avancé » (qui a ses propres évènements complémentaires, au passage) permettra-t-il de compenser la moindre découverte par un challenge intellectuel plus relevé ? Je le pense effectivement. Il y a une vraie courbe d’apprentissage pendant le jeu, sur chaque scénario. Qui permet de retenir des « stratégies efficaces » dans chacune des histoires. Cette notion de mode avancé, combiné à des choix de différents des les premiers scénarios (qui oriente vers des talents très différents), permettra sans nul doute de complètement revisiter sa manière de jouer pour tenir compte de compétences différentes. Il suffit seulement de faire des choix radicalement différents dès le départ, histoire de voir où ils nous mènent pour la résolution des scénarios suivants … malin …
Une conclusion paradoxale …
Alors, pour finir sur la rejouabilité, j’ajouterais un truc bizarre … à la fin du dernier scénario, mon aventure s’est terminée sur une des fins alternatives qui m’a … ben réellement laissé sur ma faim. Une sensation de « 'what ??? », teintée de frustration, de tristesse, et pour tout dire, d’un peu de déception … un côté « non mais ça ne peut pas se finir comme ça, c’est totalement déprimant ! ».
Sauf que finalement, cette fin là, elle est cohérente avec toute la narration des épisodes précédents ; elle ne m’a pas satisfait, mais elle me criait fort (et explicitement) « si t’avais fait des choix différents, t’en serais pas là ! ».
Elle elle m’a juste donné envie de recommencer toute l’histoire en changeant complètement mon fusil d’épaule … pour aller découvrir tout ce que je sais avoir raté pendant le jeu (y’a un paquet de cartes que je n’ai jamais révélé, vraiment …).
Bref, le jeu est fourbe, il te maltraite, te secoue, te broie parfois … et à la fin, tu en redemandes … l’auteur est fort … très très fort …
au final, c’est comment ?
Le bilan de cette première campagne sur les 6 « scénarios », après m’avoir laissé une impression contrastée jusqu’au chapitre 4, est ultra positif à l’issue de l’aventure complète.
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Oui, l’univers est charmant, envoûtant, émouvant, on se sent dans les baskets de cette petite lapine toute mimi, on tremble et on rit pour elle, bref, le narratif marche du feu de dieu (en tous cas sur moi), les surprises et retournements de situation sont poignants comme rarement j’en ai croisé dans un jeu. Je l’ai déjà écrit, émotionnellement, c’est fou, et la grosse brute que je pensais être s’est retrouvée sonnée à plusieurs reprises par les déboires de son héroïne.
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Oui, l’édition est chouette (pas parfaite, mais très qualitative), la mise en place et la sauvegarde des exemples d’efficacité, et le jeu est tellement facile à sortir.
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Oui, les choix et les dilemmes fonctionnent, on a envie de revenir voir toutes ces cartes qui n’ont pas été révélées à cause des décisions qu’on a prises, on voit, on sent qu’il y a d’autres évènements à explorer, d’autres personnages à rencontrer, d’autres stratégies à développer.
Et tout le scepticisme que je pouvais avoir sur le plaisir que je vais prendre à refaire les scénarios a été balayé à la toute fin, tellement il me semble inconcevable de ne pas y repartir sous un angle différent.
Pour ce qui est de la difficulté, j’ai beau ne pas être un gamer hardcore accro aux jeux experts, le mode normal, même s’il m’a fait un paquet de frayeurs, ne m’a pas forcément mis dans des situations trop tendues trop longtemps (encore que 4 runs pour le chapitre 4, et 5 pour le chapitre 5, j’avoue que j’en ai un peu bavé). J’ai souvent atteint mes objectifs bien avant la fin des 7 jours de chaque histoire, au point de retourner vérifier si je n’avais pas mal joué des règles pour rendre le jeu parfois si facile. En tous cas sur les premiers scénarios.
Si la narration est super efficace, la difficulté « normale du jeu » est clairement dosée pour profiter de la balade sans trop traumatiser le joueur (par la difficulté … par la narration, c’est une autre histoire ). Ca permet de dérouler toute la campagne avec beaucoup de plaisir, mais ça laisse un doute sur la suite : vais-je autant apprécier l’expérience en ayant déjà vécu une partie de l’histoire, même si je varie mes choix ?
Pour moi, la réponse est assez évidente : oui, en laissant passer du temps avant une nouvelle campagne. Et en étant conscient que je devrai faire des choix différents de développement de mon personnage, et des arbitrages différents sur chaque scénario, pour essayer d’aller chercher les fins alternatives.
Eila est donc un jeu « simple », qui met en avant l’histoire qu’elle raconte, et le partage des émotions de son héroïnes, en s’appuyant sur des mécaniques ultra simples (mais efficaces) qui sont surtout là pour servir la narration et implique le joueur dans les (més)aventures de l’héroïne.
Moralité : si vous aimez le narratif efficace et bien ficelé dans lequel la mécanique se fait oublier, si vous privilégiez les émotions à l’exercice intellectuel brise neurone (mais avec quand même de vraies stratégies à développer au fil du temps), dans un univers original, Eila pourrait bien vous plaire. Beaucoup.
Pour ma part, j’ai adoré, et je vais laisser couler quelques mois avant de relancer la campagne. Reste à voir en redémarrant si mon apprentissage de la première campagne m’a suffisamment aguerri pour basculer en mode avancé.
Et en amenant mon héroïne sur le développement de compétences qui me sont moins « naturelles », pour varier les stratégies à mettre en place en jeu.
Car rien qu’en écrivant cet avis, ça me donne envie de la rejouer, pour vérifier si je ne me plante en fait pas totalement … damned … ce jeu fonctionne diablement bien !
One more (some)thing (shiny)
En fait, plusieurs petites choses que je tenais à vous partager :
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Petit conseil pour enrichir l’expérience, ambiancez là avec une bonne musique. Pour ma part,
- je suis parti sur la BO d’Amélie Poulain, dont j’ai trouvé qu’elle accompagnait parfaitement le côté émouvant et magique du jeu … bonne pioche (mais les goûts et les couleurs).
- et j’ai continué avec la BO d’Arrietty (le film de Ghibli), petit bijou également très dans le thème (mais difficilement trouvable sur Youtube pour ajouter toute la playlist à Melodice. Dommage)
- je suis parti sur la BO d’Amélie Poulain, dont j’ai trouvé qu’elle accompagnait parfaitement le côté émouvant et magique du jeu … bonne pioche (mais les goûts et les couleurs).
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Du coup j’ai réuni les deux albums dans une playlist Spotify (à lancer en lecture aléatoire) que je vous partage ici.
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petite astuce rangement, pour les tokens, faites des boites en papier qui rentrent dans les emplacements de l’insert. C’est 1000 fois plus simple pour sortir et ranger les jetons en bois, et ça évite aux gros doigts comme les miens de pester à la mise en place et au rangement.
Si ça vous intéresse, je vous mets le gabarit de la boîte que je me suis imprimée en 2 exemplaires grâce à l’excellent Templatemaker ; vous trouverez donc le pdf aux bonnes dimensions ici.