Intelligence artificielle et jeu de société

Certes. Mais pour des raisons professionnelles je suis le débat d’assez près avec des collègues juristes. L’enjeu n’est pas le droit à l’image, ni même les droits moraux. Ce sont les droits d’exploitation essentiellement. Et ce sont ceux là qui tombent avec les années. Si quelqu’un met la photo d’une personne sur internet sans son accord, ce n’est pas l’IA qui l’utilise qui pose problème, mais bien le non respect du droit à l’image. Donc si des IA utilisent tout ce qu’elles trouvent sur un internet, elles enfreignent potentiellement les droits patrimoniaux des auteurs (et leurs droits moraux), mais certainement pas les autres droits. Si elles le font, c’est que les gens qui ont publié ces images l’ont eux-même fait. D’où l’importance de la curation.

Tu remarqueras que je n’ai pas abordé ces points. Tes raccourcis divers se focalisant 1) sur la technique que tu ne connais pas bien 2) sur l’argument d’autorité selon lequel seuls les humains peuvent créer ex-nihilo, c’est là dessus que je me suis penché.

Du coup pour bien comprendre, une IA optimisatrice me paraît idéale pour des applications techniques. Mais sur le plan purement artistique, c’est quoi l’idée ? Je pose la question sérieusement car je ne connais pas les subtilités de ces différentes IA.

Une telle IA pourrait-elle juger de son propre travail artistique et décider que telle ou telle partie doit être améliorée ? Voire même découvrir et apprécier une erreur dans son process, débouchant à une toute nouvelle vision de l’oeuvre qu’elle pourra développer dans ses prochaines créations (comme le font les humains)? Ou faut-il un humain pour juger de ce qu’a produit l’IA dans le domaine de l’art, et lui commander les retouches en fonction?

J’ai l’impression que la limite sera toujours là : il faudra quelqu’un pour juger du résultat, s’assurer qu’il correspond à l’intention. C’est là une différence fondamentale pour moi : l’IA me semble (pour l’instant) dénuée d’intention artistique, simple exécutante de son maître prompteur.
C’est ce que comprends à travers les mots de @BaneRequiem (qui me corrigera si je sur interprète). L’inspiration à la manière des humains, c’est aussi une compréhension du support de notre inspiration, et des intentions véhiculées. Intentions qu’on assimile, qu’on s’approprie et qu’on décline avec notre vécu, notre vision, unique à chacun.

1 « J'aime »

En dehors de toute considération éthique sur le thème « IA dans les JdS », je n’arrive pas à comprendre pourquoi le débat porte sur « l’IA crée/ne crée pas » ou « l’IA ne peut pas s’inspirer/un artiste s’inspire obligatoirement » : évidemment que l’IA ne crée pas, ne s’inspire pas : ce n’est qu’un foutu pinceau.
Le processus créatif vient bien de l’humain qui écrit le prompt, c’est lui « l’artiste ». C’est lui qui crée, qui s’inspire, exactement comme le ferait un illustrateur avec un crayon, une palette ou tout autre outil. Juste avec un outil différent.
Qu’on vienne débattre sur le caractère moral ou éthique de cet outil, je comprendrais (et c’est même surtout important de le faire), mais là j’ai l’impression qu’on parle de l’IA comme d’une entité autonome, qui bientôt fera des vernissages et jettera à la rue les illustrateurs à grand coups de pompes mécaniques.

3 « J'aime »

Je suis tout à fait en accord avec ce que tu exprimes ici et d’ailleurs, je ne dis pas autre chose : pour moi l’IA n’est rien d’autre qu’un outil. C’est pourquoi je ne comprends pas que l’on me renvoie au processus de création chez l’humain pour m’expliquer, en substance, que la question de la rémunération de la matière première utilisée par l’IA ne saurait être un sujet sous prétexte que l’humain s’inspire de créations existantes pour créer à son tour. C’est du whataboutisme qui ne sert qu’à évacuer toute considération éthique de l’équation (avec toute la dose de mépris qui va avec).

2 « J'aime »

Vous m’avez involontairement replongé dans mes (lointains) cours de philo en prépa.

Du coup, je reprends juste l’énoncé d’un problème qui date de la Grèce antique :

L’art : imitation ou création ?

Cela fait 3000 ans que la question se pose.

Ce n’est pas l’IA le problème c’est la volonté des hommes face à la « propriété » (intellectuelle ici ou artistique).

Personnellement je m’en balek bien fort de qui à fait quoi. Ce qui m’intéresse ce sont les oeuvres, ce qu’elles m’évoquent, ce qu’elles me procurent comme sensation.
Pas ceux (ou ce) qui les ont faites. Car par définition, les oeuvres dépassent leur créateur. Et c’est très bien ainsi.

Ça doit être mon côté anticapitaliste maladif mais la notion de propriété m’est totalement imperméable.

Alors oui, je suis un peu attristé de voir que certains perdent une partie de leur revenu car des ordis approchent lentement de rendus suffisants pour commercialisation mais je ne doute pas de la capacité des hommes à s’adapter.

Ou tout du moins, cela ne m’attriste pas plus que la caissière qui a perdu son taff à cause de la caisse automatique. Mais chacun sa sensibilité sur ces sujets de société.

(Et je suis ce que certains pourrait qualifié d’artiste, je suis donc concerné. J’ai « gagné » ma vie en partie par le biais de mes créations (musicales entre autres ou même quelques part encore aujourd’hui avec mon pinceau).

PS : petite nuance quand même car lorsque le créateur d’une oeuvre est un connard fini, force est de constater que je ne parviens plus à apprécier l’oeuvre à sa juste valeur (Cantat si tu me lis).

4 « J'aime »

Ne polémiquons pas autour d’un pinceau rond Raphaël Kolinsky S série 8404 en martre. :grin:

3 « J'aime »

Pour moi il y a deux sujets différents. La question de la destruction d’emplois en est en effet un, et j’ai tendance, sur celui-là, à avoir la même position que toi : il va de toute façon falloir s’adapter (et il y aura aussi de la création de nouveaux emplois). Et en effet, c’est le même sujet que la caissière qui perd son emploi à cause des caisses automatiques, ou des ouvriers agricoles remplacés par des tracteurs.

La question de l’utilisation, par un outil, d’une matière première créée par l’homme pour fonctionner est pour moi un autre sujet. Ton positionnement s’entend, mais il est aussi tout à fait entendable que l’artiste dont la création permet - entre moultes autres créations - à une machine (l’IA) de fonctionner souhaite bénéficier de sa part du gâteau. D’autant plus que l’IA étant un outil, il s’agit bien d’une spoliation de l’Homme par l’Homme : l’un va indirectement tirer un profit financier, en utilisant l’IA, d’un travail créé par l’autre. Et tu vois, c’est justement moi aussi mon côté anticapitaliste que ce fait titille :innocent:

Là je te rejoins à 100 % :sweat_smile:

1 « J'aime »

C’est quand même dommage de voir l’art comme ça, car souvent on a une grille de lecture plus complète quand on s’intéresse à l’artiste et aux raisons des choix opérés. Je suis d’accord que l’œuvre dépasse l’artiste, en particulier quand la société s’en saisit, mais ça reste intéressant de connaître l’intention d’origine. Surtout pour des œuvres déformées au point de raconter l’inverse de l’intention d’origine (mais là c’est un autre sujet, alors je m’arrête).

1 « J'aime »

Alors non. Le processus d’apprentissage et de maîtrise de l’outil IA et d’un pinceau (ou un piano, ou une bombe de graf, voire sa propre voix) n’a rien à voir. Les ranger tous les deux dans la case « outil » est un abus de langage qui montre une méconnaissance du travail colossal qu’il faut générer pour obtenir un portrait au fusain par exemple. Apprendre à sortir un prompt « décent » pour illustrer une carte d’un jeu de deck building demande un temps d’apprentissage et de travail ridicule par rapport à la réalisation manuelle. D’ailleurs, en soit, ce n’est pas l’IA l’outil : ce serait plutôt le PC ou le vecteur qui relie l’homme ou la création finale.

Edit : et pourtant, on est plutôt pour les avancées techno en termes d’outillage pour les artistes (musicalement comme graphiquement).

Ca me rend tellement triste de lire ça… Pour moi (désolé de le dire aussi crument) mais c’est du pur mépris.
Qui a dit que les artistes avaient envie de s’adapter en se disant « bon bah si je ne peux plus travailler traditionnellement, je vais me mettre à l’IA, c’est comme ça. C’est pas grave, j’aimais pas tellement dessiner/jouer la comédie/chanter/jouer de la batterie… de toute façon ».

C’est pas simplement une question de sensibilité.
Et l’oeuvre qui dépasse le créateur, c’est sans doute vrai à Orsay ou au Colisée à Rome. Mais pas pour toutes les oeuvres ni tous les artistes.
Chacun voit midi à sa porte tout en acceptant de porter une part de souffrance sociale pour un gain uniquement financier.

@BaneRequiem Quant aux employés agricoles, je doute que des millions de citoyens aimeraient retourner faucher les blés à la main aujourd’hui. L’automatisation a permis d’apporter un confort de vie réel. L’IA n’apporte aucun confort à un artiste qui se voit refuser des contrats parce qu’on peut faire pareil avec une IA. Il n’y a rien à gagner. Encore une fois, ne mélangeons pas tous les métiers. Pareil pour les hôtesses de caisse qui est loin d’être un métier passion : c’est bien souvent un emploi subi, mal rémunéré et démoralisant.

4 « J'aime »

Tu as raison c’est une nuance importante.

1 « J'aime »

Mais un métier qui permet de vivre et de ne pas être à la charge de la société. Certains sont démoralisés d’être à la charge de l’État, comme d’autres en profites…
L’idéal serait qu’on est tous un métier passion qui nous permet de vivre (Revenu Universel ?) et que tous les autres soient gérés par des automates (ramassage des poubelles…). Peut-être y arriverons nous un jour mais pour l’instant la grande majorité des gens font juste un métier pour vivre. Du coup, pour moi pas de différence à ce niveau, une personne a perdu son emploi.

1 « J'aime »

Si on commence à définir un « outil » selon le temps nécessaire à sa maîtrise, je comprends mieux que le débat soit aussi stérile… D’après ta définition, un marteau n’est pas un outil, puisque le temps d’apprentissage est ridicule.

Un artiste utilise un outil pour exprimer sa vision sur un support
Un peintre utilise une pinceau pour exprimer sa vision sur une toile
Un musicien utilise un instrument pour exprimer sa vision sur un vynil
Un illustrateur utilise une IA pour exprimer sa vision sur une image numérique

Les trois dernières lignes sont toutes des déclinaisons de la première proposition, et toutes sont vraies et sensées.

1 « J'aime »

Non c’est faux.
Le marteau est l’outil entre l’homme et son objectif : planter un clou.
Dans le cas de l’IA, c’est l’ordinateur l’outil. Le lien entre l’homme et une image « artistique ».

Ah non, là, l’ordinateur est le lien entre le troll et une discussion sensée. Désolé d’être intervenu. Je repasserai peut-être quand la mauvaise foi et les pirouettes ridicules seront parties.

3 « J'aime »

Appréhender une personne, une œuvre ou tout autre élément qui nous entoure autrement que par le prisme du revenu potentiel ou de la propriété est très loin d’être du mépris.

Au contraire, dans un idéal qui m’est propre, un artiste ne vit pas pour commercialiser ou obtenir un revenu de sa « production » (j’utilise volontairement ce terme ici). MAIS le problème réside dans le monde pérave dans lequel on vit et dans lequel il faut trouver absolument une rentabilité dans nos actions sous peine de ne pas pouvoir mettre de la soupe dans la gamelle du p’tio ou mettre maman à l’abri.

Le mépris je l’ai pour la façon d’aborder l’art (pauvre bidule, il va perdre son travail) et donc pour ce prisme qui me dégoute et me ramène à mon instinct de jeune con révolutionnaire. Ce mépris est nullement pour les artistes et encore moins pour leur droit à vivre de leur passion.

Ps : Je prends conscience que j’écris tout cela pile poil quand je viens de poser ma démission après moultes péripéties. Fini pour moi le statut de salarié. je suis sur le point me lancer fort probablement dans l’aventure « artiste » à son compte full time.
Paradoxe quand tu nous tiens ^^

Une œuvre s’inscrit toujours dans une époque, une sensibilité de la personne l’ayant fait etc. Ce sont effectivement des choses à prendre en considération et je comprends à la lecture de ta réponse que mon commentaire manquait cruellement de nuance.

1 « J'aime »

Vu la BA, ça a avait l’air un peu naze, en tout cas si on sait un peu ce qui s’est fait en matière de SF sur ce domaine-là.

1 « J'aime »

C’est sur! Entre autre, Her et Ex-Machina (le test de turing passé haut la main!)

Par cette logique, pourquoi embaucher des artistes si ca sert à rien ?

Le fait est qu’il est quasi indispensable d’avoir une bonne patte graphique pour vendre son jeu de nos jours. C’est littéralement un ‹ graphiquement bon › ou ‹ creve › qui est la très grosse majorité des titres (exception notable : Skyjo, mais ca limite pas mal les titres que tu veux sortir, et y’a pas d’artiste non plus qui a été embauché pour celui là).

En fait ça m’embete comme raisonnement de plusieurs façons :

  • Ca suppose que t’as pas le droit de sortir un jeu aujourd’hui sans avoir beaucoup de moyens ou tu te cantonnes à des jeux avec peu de trucs à illustrer (parce que t’avais qu’à avoir du fric)
  • Ca suppose que le questionnement éthique, par ailleurs nécessaire, autour du sujet doit imposer un boycott tant que celui-ci n’est pas résolu (et il ne le sera pas forcément en faveur des artistes, il faut en être très conscient). Donc tu sors pas de jeu avec IA avant 5 ans le temps que ca se calme.
  • Ca veut dire que tu es coincé tant que tu ne connais pas un artiste qui souhaite bosser gracieusement (parce que c’est ton pote).

Tout ça dans un univers ou Hasbro, lui, qui a les moyens de se payer les artistes ne va pas le faire (parce que le jeu est un produit).

Tandis que le petit éditeur qui veut le faire mais ne peut pas, n’a pas le droit de faire en sorte de devenir un moyen éditeur qui embauchera des artistes quand il le pourra.

La vérité c’est qu’actuellement l’IA n’est pas interdite par la loi et que le cadre legislatif qui se construit ne va très probablement pas l’interdire.

L’autre vérité c’est qu’on peut très bien faire un mix entre artistes et IA parce que ca embauchera des artistes plutot que de ne rien faire et ne pas embaucher d’artistes du tout.

Donc que je pense que ce boycott est improductif puisqu’il va toucher les petits mais pas les gros et qu’en plus, ça l’est aussi pour l’avenir des sociétés qui seront prêtes à embaucher des artistes une fois lancées. Donc en gros, on tue les artistes en empêchant leurs futurs employeurs de naître.

Enfin, les anti-IA (souvent artistes ou proche de) ne saisissent pas qu’en fait, c’est un nouvel outil à leur arc qu’il pourraient utiliser pour gagner du temps sur certaines images ‹ à produire › (ce que d’autres artistes ont très bien compris) pour leur donner du temps de pouvoir se concentrer sur leur vraies productions artistiques. Et surtout c’est un outil optionnel que personne ne force à utiliser.

Voilà voilà. Défoncez moi, mais ca m’empechera pas de trouver la situation actuelle assez débile voire même énervante quand des auteurs se cassent le cul à sortir leur jeu en auto édition sans thune et qu’ils ont certainement autant de mérite que des illustrateurs mais que leur taf’ est régulièrement passé sous silence parce que ‹ gratuit ›.

PS : Oui et enfin les pro-IA ne sont pas des nazis ni des violeurs alors si on pouvait éviter de leur aposer le persona non grata, ce serait doublement cool. Vous avez le droit de ne pas être d’accord. Vous êtes pas obligés de vous enfermer dans une coquille d’échos qui vont seulement dans votre sens comme le font certaines personnes du milieu de l’édition ou certains reviewers. (ouais je pose les bails)
Etre pour l’IA, ca veut pas dire qu’on chie sur les artistes. Ca veut juste dire qu’on a pas la même opinion que vous sur comment faire avancer le sujet.

11 « J'aime »

Au cas où, pour ceux qui se demandent comment une IA telle que MidJourney crée une image :

2 « J'aime »