Intelligence artificielle et jeu de société

pas que de Blast.
En cherchant vite fait du contenu sur les travailleurs du clic, son nom pope de partout, sur tous les médias qui remontent sur Google en tête de listes.
Et on a l’impression qu’il est le seul chercheur à s’intéresser au phénomène, tellement on ne voit que lui de cité ici et là … Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il s’est bien installé sur le sujet …
Et j’ai pas (encore - mais j’ai pas cherché longtemps) vu un seul média qui nuançait ses propos. Ils se contentent de les reprendre comme parole d’évangile (bon, après y’a beaucoup de buzz autour de la sortie de son bouquin, j’imagine que ça biaise les résultats, aussi).

Bref, c’est agréable de voir un peu de nuance dans tout ce brouhaha …

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merci pour la condescendance…

Et pour ton info, les clickworkers sont là depuis bien avant la problématique IA. Ca fait 20 ans que ça existe et tu les trouves chez Amazon (qui dispose d’ailleurs d’une plateforme dédiée, l’anc^tre du genre il me semble ? https://www.mturk.com/), sur tous les réseaux sociaux, chez Goole etc. Bref, partout où il y a du contenu à modérer, des images à annoter, des likes à attribuer… Toute l’économie numérique a toujours reposé sur ces micro-tâches.

Ca te semble inhumain ? Ca l’est probablement. $1 par heure, c’est en effet dérisoire… à moins d’accepter l’idée que la moitié de la planète vit avec moins de $5 par jour (et savoir que toi tu es là pour eux vient tout à coup de changer leur vie; loué sois-tu!).

Au passage, la plupart des activités qui sont proposées en Europe bénéficient de bien meilleures conditions salariales (même si toujours très en-deçà des minimum décents et sans aucun respect des législations en vigueur dans nos pays). On est plus sur du 5-10 euros (oui, c’est pas glorieux).

Et si tu souhaites un revenu moins misérable, je te conseillerai même plutôt de travailler pour des entreprises comme clickworker qui revendiquait entre $20 et $30 par heure (mais ça restera tout aussi débile, ils ne peuvent juste pas demander à des Bangladais ou sub-sahariens de réaliser des shorts dans les rues de leur ville qui ne ressemblent pas réellement à celles des utilisateurs de réseaux et autres conneries qui nourrissent sans fin la vanité de ces réseaux)

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Faut donner plus de moyens aux laboratoires de sciences sociales, comme ça plus de chercheurs et chercheuses auront les moyens de s’y intéresser. Mais c’est pas à la mode.

Cela étant en attendant, à part Ran qui ne semble pas vraiment aimer cette personne et qui dit qu’il est nul en stats (on a tous nos angles morts), je n’ai pas vraiment vu en quoi ses travaux plus qualitatifs étaient forcément à remettre en cause, à part à laisser entendre que ce qu’il étudie dérange un certain narratif technophile.

Faut arrêter prêter des intentions aux gens ou de verser dans des formes de théorie du complot (genre il dérange, bien sûr).

D’abord, je ne le connais pas personnellement, j’ai juste été rapporteur d’une thèse qui a codirigée, thèse qui, je le répète, était tellement indigente en stats que j’ai failli faire un rapport négatif. Mais comme je ne suis pas une tête de con (enfin, pas tout le temps), j’ai préféré passer pas mal de temps avec le doctorant pour qu’il corrige les plus grosses conneries. Ensuite, j’ai rencontré une seule fois Casilli en vrai, le jour de la soutenance. Il m’est apparu comme un fat : alors qu’il était co-directeur de thèse, il a parlé plus que moi en tant que rapporteur, histoire de bien étaler son génie. C’était gênant et vulgaire. J’ai participé à d’autres jurys de thèse pluridisciplinaire et j’ai jamais vu ça.

Ensuite son niveau de nullité en stats est scandaleux. Dès qu’on fait un minimum de quanti, on est formé au niveau M1 à faire un test de base (ici du chi^2). Dans la thèse, il y avait du quanti dans tous les sens, sans aucun support statistique avec des ratios calculés n’importe comment pour servir un narratif. Une honte méthodologique.

Ceci dit, j’ai lu quelques uns de ses papiers, notamment par exemple Micro-work, artificial intelligence and the automotive industry | Journal of Industrial and Business Economics et Micro-work, artificial intelligence and the automotive industry | Journal of Industrial and Business Economics. Ce sont des articles très intéressants et bien articulés. J’ai appris pas mal de chose. Mais la partie quantitative est essentiellement inexistante, le niveau de preuve est indigne de la recherche, c’est d’un niveau journalistique : il y a une démarche d 'enquête et on cite des « estimations », rien de plus. Il y a aussi une confusion entre offre et demande : si j’en crois les pubs sur youtube, le monde entier recourt de façon systématique à des coachs, par exemple. Là c’est pareil : de nombreuses entreprises proposent des services de type mechanical turk, donc c’est très utilisé… Autre confusion : beaucoup de travailleurs ne veut pas dire beaucoup de travail, par essence même de genre de travail.

Le problème de fond, à mon avis, est celui classique de parler en dehors de son expertise. Le travail de Casilli (celui que que je connais) utilise des méthodes essentiellement qualitatives, notamment des entretiens. Je n’ai pas la compétence pour juger si c’est bien fait, mais ça me semble raccord avec ce que j’ai lu par d’autres sociologues sur d’autres sujets. Les deux articles que je cite au dessus sont à cet égard très bons (en tout cas, autant que je puisse en juger). Mais Casilli se présente comme un expert sur la partie quantitative et cite des chiffres sans aucun support expérimental. Couplé avec son niveau en stats, je n’ai aucune raison d’accorder crédit à cette partie (et là c’est mon champ de compétence).

Ah ah, quel white savior ! Sur le fond, évidemment que c’est de la merde. Heureusement que le travail à la tâche est très réglementé en France, aussi. Là on parle de la réalité des affirmations de Casilli et de leur applicabilité à l’IA actuelle (générative). On pourrait ajouter des tartines disant combien c’est mal, mais autant savoir avant si c’est effectivement répandu. Parce que la réalité des IA génératives, c’est plutôt de l’utilisation peut être illégale de productions passées, et potentiellement d’énormes destructions d’emplois (illustrateurs, programmeurs, rédacteurs, etc.). Inviter Casilli pour qu’il ressorte sa soupe réchauffée de 2019, sur des modèles d’IA assez différents, tout ça parce qu’il a su s’imposer comme « penseur de référence » sur le sujet IA et travail, c’est dommage.

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Ah ben oui, avoir la sensation que vous êtes pour la plupart en pâmoisons devant l’IA tout en venant systématiquement minimiser les problématiques sociales autour des travailleurs du clic, dont les entreprises IA se servent, en chargeant un chercheur qui visiblement a produit un travail de terrain (je ne parle pas de la partie quanti) et a donc collecté les paroles de personnes travaillant dedans (que ça soit en rapport avec l’IA ou non) c’est de la théorie du complot, ça coule de source.

Je pourrais être très très méchant en répondant du tac au tac à ça mais malheureusement ça serait -je pense- risquer le ban.

Ah quelle déception, j’aurais tant aimé te voir méchant. Quel méchant es-tu, une grande question !



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Je suis beaucoup plus effrayant que ça…

Pour en revenir au sujet, en creusant un peu depuis les premières publications, il y quand même autour de Casilli une tentative d’estimer relativement sérieusement le nombre de travailleurs du clic, cf par exemple https://hal.science/hal-02898905v1/file/Tubaro_LeLudec_Casilli_WOLG2020.pdf La recherche s’articule pas mal autour du labo de son équipe https://diplab.eu/ et il y a des gens sérieux. Je connais par exemple la physicienne Floriana Gargiulo dont j’ai lu pas mal de papiers (et on a faillit la recruter dans un ancien labo dans un comité de recrutement de que je présidais), elle est très carrée.

Le problème est plus le décalage entre le discours scientifique dans le papier que j’indique, très prudent sur les chiffres (pareil pour les autres papiers) et le discours engagé sur Blast. Médiatiquement, Casilli gonfle les chiffres et surtout joue sur toutes sortes d’ambiguïtés. Par exemple dans ce travail pour The Left : https://hal.science/hal-04662589/document il apparaît assez clairement que les microtravailleurs font largement autre chose que des tâches liées à l’IA (cf pages 19 et 20). Alors que le rapport est très quanti (ce qui n’est pas sans poser problème, cf en dessous), bizarrement le pourcentage de travail IA n’est pas évalué :wink: Pourtant Casilli saute sans hésitation de microtravail à IA et vice versa. Ce n’est pas honnête intellectuellement.

Et puis dans le rapport pour The Left, on a quand même une équipe de sociologues qui se base sur un sondage en ligne réalisé sur une plateforme de microtravail. Outre le côté ironique de la chose, il est très fréquent chez les sociologues et leurs copains militants d’être très méfiants à l’égard de ces sondages. Et plutôt à juste titre, je dois dire. L’annexe méthodo du rapport montre qu’ils n’ont pas fait n’importe quoi, mais vu le biais de sélection massif je ne vois pas ce qu’on peut tirer de significatif de ce genre d’étude.

J’aime bien cette chaîne et je trouve parfaite cette explication sur la neutralité :

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Alors vraiment pas, non. En pâmoison … vaut mieux lire ça que d’être aveugle, tu me diras …

Absolument personne ne minimise les problématiques sociales, y’a juste des nuances et des éclairages apportés aux éléments sur lesquels sont construites les positions d’un chercheur par rapport à la corrélation entre IA et clicworkers.
Ça rend pas leur boulot plus glamour ou socialement acceptable pour autant, c’est juste mettre un peu de rigueur et de factuel sur des liens de cause à effet vraisemblablement légèrement customisés par un chercheur un poil militant.

Personne ne dit que c’est bien, le travail au clic. Pas besoin de s’emballer à ce point.

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J’adore le travail au clic. C’est parfait. Tout le monde devrait en faire. Je suis tout pamoisé par ces IA.

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Le travail du clic est un travail qui se fait à la tâche, les chiffres de la Banque Mondiale tentent de se baser sur les CA des entreprises qui ont recours à ce type de boulots pour estimer la chose, c’est difficile d’affirmer des chiffres sûrs mais dire que ca concerne des millions de travailleurs (même en IA) n’est en soi probablement pas faux.

Et en réalité les chiffres sont moins importants que les conditions dans lesquelles travaillent ces gens. Et pour ça il faut les écouter en parler, il y a tout un documentaire qui leur laisse la parole par ailleurs.

Concernant Blast, que le focus soit mis sur l’IA est probablement une question d’angle journalistique qui préfère se concentrer sur le joujou tech banalisé du moment de sorte à montrer qu’il est bien moins « magique » qu’on ne le pense. Mais effectivement le travail à la tâche n’est pas un problème ne concernant que l’IA.

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Documentaire de 2020, cité plus haut. Pré-explosion des IA donc.

On n’est quand même pas loin du « c’est pas un échec, ça n’a pas marché » :smiley:

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Oui et ce sont les mêmes personnes qui travaillent dans les mêmes conditions, sans parler que depuis l’explosion des « IA » ces travailleurs sont de plus en plus nombreux.

Donnes que personne n’a et qui n’est pas significatif vu que donnée estimée en croissance d’au moins 20% par an depuis 2010.

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Encore une fois, ce que les gens appellent aujourd’hui des IA ce sont les modèles génératifs et ces modèles génératifs pour lesquels on a des informations n’utilisent pas beaucoup de travailleurs « du clic ». Et comme les modèles ont été reproduits par diverses entités de façon plus ou moins ouverte, on sait que les mensonges éventuels des créateurs sont faibles (sur ce point). Cf ce que j’ai posté plus haut. Et donc l’intervention de Casilli est hors sujet, il le sait, Blast le sait. C’est le même niveau de manipulation de la recherche que ce que font les défenseurs des pesticides de synthèse à tout va (genre Géraldine Woessner) ou qui leur mettent tout sur le dos (genre Stéphane Foucart).

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c’est là qu’on est sceptiques sur les déclaration du sociologue en question. « Probablement », c’est pas ultra rigoureux, comme approche, c’est pas une source documentée, c’est une intuition. Et même s’il a raison, balancer des chiffres pour faire peur sans avoir de preuve de ce qu’on avance, quand on est prof à Télécom Paris et chercheur au CNRS, c’est assez bof.

et personne ne dit le contraire ni ne glorifie leurs conditions de travail.

Et c’est bien ce qu’on leur « reproche » (le mot est fort, puisqu’on sait qu’ils sont très orientés de base, donc y’a rien à leur reprocher en vrai, ils font ce pourquoi ils sont payés et ce que leur lectorat attend d’eux). De déformer des faits déjà pas forcément ultra fiables pour servir un point de vue très partisan.
Si le vrai problème, ce sont les conditions de vie/travail de ces travailleurs (ce qui semble bien être le cas), pourquoi surdiaboliser l’IA ? (spoiler alerte : pour profiter de l’effet de mode du moment, sans doute … pas ce que j’appelle une approche journalistique … on dirait un reportage sur les « kidultes » :joy:).

Enfin bref. Tout ça pour dire, y’a des boulots vraiment de merde, et des boîtes vraiment pas clean, IA ou pas IA. Je pense qu’on est tous d’accord là dessus. Typical Human Shit.

Au moins, il est assez peu probable que les sites consacrés aux jeux de société soient modérés par des kenyans ou des philippins à qui on fait mater des images de guerre, de viol, de porno et de décapitation pour filtrer les commentaires des vilains haters :wink: (on a un hobby plutôt éthique, au final, si on laisse de côté la fabrication en Chine et les porte-containers qui amènent nos jeux :yum: - et certains porteurs de projets, aussi :thinking:)

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Pas de souci avec ça : X n’en emploie plus, Facebook va aussi s’en débarrasser… le tout sous couvert de liberté d’e pression. Quelques millions de travailleurs exploités en moins. Reste à trouver comment remplacer les $5 par jour qui les faisaient vivre…

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Avoir un angle n’est pas « déformer », la chose qui vous dérange c’est simplement qu’ils s’attaquent frontalement à quelque chose qui vous stimule personnellement (à savoir l’IA surtout générative) sur l’aspect social, vous êtes beaucoup ici à avoir un profil informaticien, je comprends que dans votre position il faut ménager la chèvre et le chou, c’est difficile de se décentrer. Tout le monde est partisan ici, savoir qui a le plus raison dans son orientation partisane désolé, mais c’est un peu du pinaillage (et j’y participe j’admets) puisque malgré les débats ici l’orientation de ce topic est donnée, la discussion close.

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Alors je sais pas sur quoi tu te bases pour affirmer qu’on kiffe tous à ce point l’IA. On est vraiment obligés de se positionner pour ou contre, ou la nuance n’est pas une option dans ton univers ?

Et on est obligé de considérer une prise de position d’un média comme une « attaque frontale » ? On peut pas juste vouloir nuancer les arguments avec un chouille d’objectivité sans se faire cataloguer en « opposant à leur message » ?

C’est compliqué quand même de vouloir tout faire rentrer / ranger tout le monde dans du binaire, pour un non informaticien …

(Au passage, je ne suis pas informaticien non plus, mais bosser dans l’informatique ne condamne pas pour autant les gens à dérouler le tapis rouge à l’IA sans aucune considération éthique. Ça aussi c’est une vision très binaire des choses).

Ce qui a tendance à clore les discussions, c’est vouloir absolument classer tout le monde en pour ou contre. Voire en méchants pour contre les gentils contres. Ou en méchants contre contre les gentils pours (ça marche dans tous les sens).

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