Peut-on jouer sur n'importe quel thème?

Il n’en demeure pas moins que je ne peux me résoudre à incarner un méchant.

Je suis prof d’histoire depuis plus de 20 ans, et je passe déjà tellement de temps à râler sur mes élèves qui vivent dans un monde virtuel où buter des innocents c’est fun (GTA ou autre) que je perdrais toute crédibilité si je leur présentais dans le Club de jeux de société que j’anime un Secret Hitler (même si j’en connais la finalité éducative) ou un Blanc manger Coco et sa carte « zyklon b ».

Les éditeurs ont à mon sens une part de responsabilité dans ce qui est produit, et ce n’est pas à la mamie qui vient acheter un jeu pour l’anniversaire de son petit fils de faire le tri dans l’offre ludique entre ce qui est moralement discutable et le reste.

Une anecdote justement : Blanc manger Coco, il m’est arrivé de le déconseiller à une mamie dans un magasin alors que le vendeur qui lui vantait le produit n’avait même pas vu le pendentif étoile de David qu’elle portait, je ne vous dis pas sa réaction horrifiée quand elle a eu connaissance de la carte mentionnée plus haut.

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Il est surtout intéressant de voir comment cette citation a été détournée alors qu’au départ c’est l’auteur qui ne se sent pas capable de rire avec tout le monde et non pas son interlocuteur. D’autre part c’est aussi comment on interprète « avec n’importe qui » qui est à l’origine à comprendre plutôt « de n’importe qui »
Bref une super réflexion au final !

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C’est tout à fait ton droit, et il y a maintenant suffisamment de jeux disponibles pour que tu puisses jouer sans le faire, pas de problème.

Cette conversation m’a fait réfléchir à ce qu’il y a dans ma ludothèque et ça m’a fait penser à deux de mes jeux : Négociateur : Prise d’otages et Tomorrow.

Dans le premier tu joues un flic, donc un « gentil ». L’antagoniste est le « méchant ».
Parfois, c’est juste un gros méchant, un terroriste ou braqueur de banques.
Parfois, c’est un gars qu’a pété un plomb parce que son fils n’a pas pu être soigné à l’hôpital.
Mais toi tu restes le gentil.
Sauf que je m’étais fait la réflexion que parfois, il pouvait être dans ton intérêt, à cause des mécaniques du jeu, de laisser mourir un ou deux otages, pour qu’il soit plus facile de libérer les autres.
Le fameux « sacrifice the few to save the many » cher à Jack Bauer :smiley:
Ça donne déjà un peu à gamberger je trouve.

Dans le second… je vous laisse lire la note d’intention de l’auteur :

L’idée d’un futur apocalyptique a été un fil conducteur de ma vie d’adulte.
Arrivé à l’âge adulte au début et au milieu des années 90, l’idée que l’an 2000 entraînerait la fin du monde était un mème culturel populaire. Peu de temps après que nous ayons tous, comme on pouvait s’y attendre survécu, le 11 septembre est arrivé. Il a été rapidement suivi par la peur des maladies biologiques et par une peur générale et une paranoïa dans mon pays, les États-Unis, des dangers du terrorisme intérieur auxquels nous sommes confrontés. Sans oublier, les armes nucléaires dans les mains des Iraniens et des Nord-Coréens ainsi que des armes biologiques dans les mains de tout le monde.

Alors que l’hystérie se calmait, un nouveau thème a émergé : celui de la destruction de la planète. Le réchauffement climatique est la plus popularisée de ces théories, mais les messages que nous recevons de la science et des médias créent la peur à chaque instant.
L’effondrement des réserves d’eau douce. L’épuisement et la destruction des océans. L’élimination de la couche d’ozone. Parmi tant d’autres. L’idée que nous serons bientôt les auteurs de notre propre disparition - ou du moins que nous changerons radicalement le monde d’une manière qui le rendra méconnaissable et entraînera la destruction d’une partie d’entre nous - est un sous-entendu de beaucoup trop de médias modernes.
A un moment donné, j’ai pris du recul et je me suis demandé : si le problème, c’est nous, si une ou plusieurs de ces théories sont justes et que nous sommes trop nombreux, à conduire trop de voitures,
et consommant de manière si évidente, comment allons-nous empêcher cela de se produire ?
Je suis profondément pessimiste quant à notre capacité à changer les comportements jusqu’à ce qu’il soit trop tard, je suis donc convaincu que nous ne changerons pas nos modes de vie à temps pour faire la différence. En fin de compte, dans quelles mains la préservation de notre espèce va-t-elle tomber ? Les gouvernements qui ont le contrôle et le pouvoir.

Bien qu’une dé-population massive, sanctionnée par le gouvernement soit une issue hautement improbable,
le fait que cela semble logiquement une possibilité a été une prise de conscience effrayante.
Tomorrow est le partage de cette prise de conscience.
Bien que je ne prétende pas savoir si le réchauffement climatique ou toutes ces autres théories qui annoncent le malheur sont exactes, mon bon sens
suggère fortement que nous sommes en danger. Ce que cela signifie - dans sa forme la plus extrême, comme dépeint dans ce jeu - est profond et important. Le fait même que cela puisse être une possibilité, que nous mangeons, conduisons et nous divertissons alors que ce problème semble s’aggraver, est une réalité déprimante. Bien que je n’aie aucune illusion
que ce jeu va changer le monde, mon espoir est que les gens qui aiment ce jeu et qui gloussent à l’idée d’envoyer des bombes et de répandre des maladies sur les autres joueurs, prennent conscience que le monde dans lequel nous vivons est en train de changer.

https://www.kickstarter.com/projects/cqgames/tomorrow-an-apocalyptic-nightmare

Donc dans ce jeu l’objectif est de faire diminuer la population mondiale. À grands coups de maladies biologiques notamment. Mais sans trop en faire pour ne pas mettre l’humanité (encore plus ?) dans la mouise. Donc faut y aller mollo sur les attaques nucléaires. Mais quand même conquérir aussi ses voisins.
Parce que chaque joueur incarne une puissance mondiale, et que le jeu n’est pas un coop : le but est d’être la puissance qui sera la plus, euh, puissante, à la fin de la partie. Donc éliminer des gens, d’accord, mais plutôt chez les autres.

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Ah, et tous les peuples ne se valent pas : cela rapporte plus de zigouiller des américains que des australiens, rapport à l’impact global sur la planète.
Il y a même cette règle optionnelle, qui apparemment dans les premières versions était la règle régulière :

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(Si tu penses que tu ne peux pas gagner, tu peux prêter allégeance à un autre joueur et l’aider à gagner.)

Un jeu parfaitement cynique, ça passe ou ça casse.
Je l’ai apporté en soirée jeux il y a quelques mois et on m’en parle encore, de ce « jeu bizarre » :smiley:

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Ohlàlà voilà un nouveau jeu sur ma wishlist. Si tu veux je t’en débarrasse gratuitement !

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Même pas en rêve :smiley:
J’ai mis du temps à trouver la version KS avec les petits champignons atomiques tout choupinous et les petits tanks en bois.

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Tu vas avoir des problèmes toi !

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Oui, avec les auteurs de Terraforming Mars

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Çà vend quand même vachement plus de rêve que de collectionner les œufs de Piafs ! perso je suis client ^^

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Bon, au moins, pour Bonnie and Clyde, les auteurs assument. Les méchants sont Bonnie et Clyde, les banquiers et les policiers. Les anonymes, éventuellement victimes, sont donc les « gentils ». Au moins, c’est clair !

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Dans le jeu Mr Jack, on ne te demande pas de tuer des gens pour des points de victoire :slight_smile:

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Non, on ne peut pas tout traiter. Ou tout du moins pas n’importe comment.

Je pense notamment aux jeux qui touchent d’autres cultures. Très souvent, c’est une catastrophe thématique, avec beaucoup de tropes racistes. Ce n’est pas intentionnel, mais le fait d’être en occident implique que nous soyons dominants culturellement. Par extension, cela devrait nous questionner sur notre capacité à rendre compte d’autres cultures sans les affadir ou y projeter des fantasmes post-coloniaux. C’est une question d’éthique, et je sais très bien qu’elle touchera malheureusement peu de monde ici. Une des solutions serait d’avoir des consultants provenant des dites cultures, ou des spécialistes, parce que ça touche aussi des cultures passées. (Je ne citerai pas de jeux en particulier, c’est une remarque globale, qui vaut aussi pour le JV par ailleurs).

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Tout dépend de la façon dont la culture est utilisée. Un jeu qui reprend le folklore d’un pays à sa sauce ne me pose pas de souci en général (il y a sans doute des exceptions). Par exemple, faire un jeu avec des yokai sans être japonais ; par ailleurs, le med fantastique européen est prisé et repris largement, et parfois très bien par des gens d’autres cultures (tu me diras, nous on en tant que dominant, il ne doit pas y avoir de réversibilité).

le coté affadir… mouaih, on peut le faire avec sa propre culture aussi :wink:

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Est-ce que tu ne confondrais pas la représentation des faits et le thème des jeux ? Si je propose un jeu parfaitement représentatif de la traite négrière orientale, par exemple, avec quelqu’un qui joue l’esclavagiste et l’autre les esclaves, est-ce que ça sera acceptable ? À titre personnel, ça ne me motiverait pas plus que ça de jouer à ce jeu.

Ce qui ne veut pas dire qu’on ne doit pas chercher à représenter les différentes cultures de façon plus exacte, bien entendu.

Le soucis c’est justement cette prise de liberté, et de réinterprétation du « folklore », qu’on appelle plutôt patrimoine culturel immatériel aujourd’hui, sans prendre en considération l’aspect signifiant de la chose qu’on veut traiter, au sein de la culture d’origine. Le capitalisme traite tout en marchandise, même la mythologie. Et en tant qu’occidentaux, s’arroger le droit de réinterpréter les Yokai, en les reprenant simplement comme une marchandise, et en les vidant de leur symbolique, sans prendre en considération la vision de la communauté qui les portent, c’est une forme de réappropriation, de vol.

Le med fan, lui, est déjà pensé comme une marchandise, de base. C’est un produit de la culture de masse, qui a largement dépassé les frontières de l’Europe, et même, si on y retrouve des aspects mythologiques, c’est bien de l’Europe, ou en tout cas de l’Occident que part le souhait d’en faire quelque chose de vendable, à travers des livres, films, jeux et j’en passe. On est pas sur le même registre.

Mmmh, non, je pense pas. Je parlais aussi de l’aspect visuel, qui entre pour moi dans la thématique. La manière dont on veut représenter les personnes, le contexte, que ce soit visuellement ou mécaniquement, entre dans le cadre de la thématique, en tout cas dans mon acception.

C’est ça que je comprends pas. Pourquoi les japonais pourraient le faire et pas nous. je suis pour un patrimoine universel et réservé à personne. j’aime que chacun se le réapproprie avec sa propre sensibilité.

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reappropriation, peut-être, mais sans forcément d’aspect négatif. Et pour moi ce n’est pas du vol. Les puristes qui maitrisent la culture pourront trouver que le jeu n’est pas fidèle, et pas assez immersif, ca n’empeche pas pour autant que nombre de personnes apprécient d’y jouer, voire même s’interesse un peu plus à cette culture.
Du coup, je ne vois pas en quoi il ne faudrait pas faire ce genre de jeu. C’est un peu comme refuser les jeux (ou autres adaptations) qui reprennent des oeuvres et des univers (typiquement SdA ou Marvel, sujets à débats dans d’autres topics) parce qu’ils ne respecteraient pas les canons.
J’allais te répondre en fait quasi la même chose que @bonomoose
Et je crois que @ran-cadren donne l’exemple inverse pour exprimer la même idée : un jeu qui respecterait scrupuleusement certains traits historiques ou une culture donnée, mais où les méchants auraient ‹ le beau rôle ›, serait-il plus acceptable ?
Pour moi, la question n’est pas d’accepter de traiter un thème dans un jeu s’il est conforme à la réalité (des acteurs présentés dans le jeu), mais plus question du respect ou non des valeurs morales qui sont impliquées. Et je crois qu’à ce niveau, c’est, comme toujours, une question de curseur.
Perso, ca ne me dérangeait pas d’être le gros méchant de Dongeon Keeper. Ca ne m’aurait pas dérangé pas non plus d’être le criminel de Grand Thief Auto - sauf que ce n’est pas mon type de jeu. Je peux sans souci jouer un chaotic evil à Ad&D. Faire des wargames et endosser le rôle du vilain colonisateur, voire le chef nazi dans un remake de WW2 ne me poserait aucun problème non plus. Idem quand il s’agissait de gagner des points en écrasant des vieux sur la route - me rappelle plus le nom de ce vieux JV - parce que dans ce jeu, il y avait une espèce de 2nd degré qui dédramatisait le sujet.
Mais je n’ai jamais joué à Blanc-Manger-Coco. Je fais un blocage sur le titre.
Je ne me vois pas non plus jouer avec pour objectif d’envoyer des juifs en camp de concentration. Ou jouer un violeur.

Je crois, comme cela a déjà été dit, que tout se joue dans le pourquoi (du choix de la thématique) et le comment. Mais pas dans le respect ou non de l’authenticité du thème.

Euh, le blanc manger c’est historiquement un plat. Très très vieux (attesté au moyen âge). Et le blanc-manger-coco est une variante sucrée avec du lait de coco.

Meme sachant cela maintenant, je bloque encore. Après, son succès ne me dérange pas, c’est juste pas pour moi je crois.

Je vais sûrement te paraître idiot, mais qu’est-ce qui te posait problème dans le titre ? Parce qu’aux Antilles françaises, c’est un plat tout ce qu’il y a de plus normal, par exemple. Frankie Vincent lui a donné des connotations sexuelles dans ces chansons (oui, c’est bien un truc blanchâtre et collant :wink: ) mais à part ça, je ne vois pas…