Je suis globalement d’accord.
Pour autant ce qui m’a fait réagir c’est le constat que je fais en lisant l’ensemble des commentaires dans ce fil de discussion qui montrent de la surprise. Le fait est que tout ceci s’inscrit forcément dans les codes sociaux que tu évoques et comment s’étonner qu’il y ait ces réactions ?
La forme, par le biais du commentaire déplacé, est condamnable, je n’ai pas de débat là-dessus, et je ne sais pas comment l’exprimer simplement mais ignorer la situation de départ (un décolleté de tout évidence plus poussé que la norme de ces codes sociaux) c’est avoir une lecture biaisé du problème.
A noter que tu évoques le regard masculin mais on peut évidemment supposer que même des femmes peuvent avoir une réaction également. Qu’elle soit « positive » car cela déclenche quelque chose de sensuel ou « négative » car cela choque, le fait est qu’il y a un élément déclencheur évident.
Au final c’est la forme que prend la réaction de chacun qui peut être condamnée, en l’occurence le commentaire à la con, mais ignorer que la personne ciblée n’a pas sa part dans tout ça, consciemment ou non, c’est un point sur lequel je ne suis pas d’accord.
Bref, je ne sais pas si je suis clair, surtout que je n’ai bu qu’un café pour le moment et qu’à l’écrit je suis très mauvais pour argumenter sans être trop fouilli
Donc c’est en partie la faute de la « victime » ? Je confirme qu’on sera pas d’accord.
C’est exactement le même argument qui ressort quand une femme en jupe ou autre se fait agresser.
Bah oui, l’échelle de gravité n’est pas le même (agression contre remarque déplacée), mais le raisonnement consistant à dire « elle a sa part dans tout ça » procède de la même logique dans les deux cas. Pas possible a discuter pour moi ça.
Pas du tout, et c’est pour ce genre de réponse que je parle de manichéisme.
Pourquoi tout de suite aller dans les extrêmes et parler d’agression ?
Il y a un monde de nuances, de ressentis, d’avis, de points de vue entre les deux.
Et oui nous ne serons pas d’accord parce que si on se pose un peu pour analyser tout ça dans sa globalité, je pense que toutes les attitudes sont à prendre en compte. Bien évidemment le poids de chacune sera très différent et dans l’exemple qui nous occupe, la responsabilité de la faute revient à 99% à la personne qui a fait ce commentaire déplacé.
Fixed
Si je parle du regard masculin, c’est dans la construction des codes sociaux. Difficile de nier que le cadre a été construit par le masculin depuis toujours, que si des atténuations ou des changements y ont été apportés, c’est par le masculin sous la pression de combats féminins.
Donc qu’ensuite le regard soit porté par un homme ou par une femme, il s’inscrira dans ce cadre.
Le cadre change à la marge mais c’est long. Et profondément, on en revient encore bien trop facilement à « elle l’a cherché » quelle que soit la situation, de la plus anodine d’un décolleté dans la sphère publique à la plus grave.
Je m’intéresse d’assez près au procès Pelicot : dans les comm sous les articles du Monde, je lis encore « tiens, l’oie ne serait pas si blanche ».
Pour moi, que ce soit « elle doit assumer de déclencher une réaction qu’elle ne peut pas ignorer » ou « l’oie n’est pas si blanche » , ça procède du même twist de responsabilité. On déporte sur la femme la responsabilité d’une chose qui n’est pas de son fait.
C’est cela qui doit changer, ce renversement, mais on en est encore loin, je le crains.
De toute façon, y’aurait eu une femme voilée dans la vidéo que ça aurait pu soulever aussi des commentaires.
Et pour ma part je trouve malaisant de voir disserter des gens sur un forum sur le décolleté d’une femme dans une vidéo de jeux de plateau. J’ai l’impression que trop de mots ont déjà été utilisé pour ce non-événement, mais ce n’est que mon sentiment.
Ce qui me gêne sur ce type d’argumentation, c’est qu’elle cherche à faire exister une part de responsabilité de la victime.
Cette volonté est commune, dans le sens où beaucoup de gens ont ce biais relativement à tous les actes d’agression, aussi triviaux soit-ils. Du coup, je me suis demandé pourquoi beaucoup de gens ont ce biais ; pourquoi à chaque fois qu’une femme subit la maladresse/pulsion/bêtise d’un homme, il y en a aura toujours pour qui systématiquement, la faute est partagée.
Je pense que c’est parce qu’il y a un biais logique, rationnel : pour qu’il y ait une agression, il faut qu’il y ait un agresseur (ou un agresseuse), mais aussi une agressée (ou un agressé).
Mais oui, évidemment ! Personne ne peut revenir ce fait logique, évident, transparent : pour qu’une agression ait lieu il faut que l’agressée existe. Mais peut-on reprocher à une personne d’exister ?
Et surtout, peut-on reprocher à une personne d’exister d’une façon qui ne nous convient pas ? En portant une certaine tenue vestimentaire, en s’exposant en public ? Si on répond par la positive à ces question, alors on estime qu’il est légitime de limiter l’existe d’une certaine personne. Et on fait la liste des transgressions possibles, on réalise que ces limitations, c’est quand même beaucoup à l’encontre des femmes.
Je pense que le concept de transgression est important parce que c’est souvent lorsqu’on la sent survenir que l’on s’arroge le droit d’être à notre tour transgresseur.
« Cette personne porte un gros décolleté, ça se place de façon excentrique sur mon spectre de la normalité, du coup j’ai le droit de lui faire remarquer, alors qu’en temps normal jamais je ne m’amuserai à me rapprocher de quelqu’un pour lui dire que je sexualise sa tenue/son corps/sa personne ».
Et là où ça devient vraiment important, c’est de réaliser que notre système de normalité est très relatif. J’ai regardé la vidéo je n’ai rien vu qui sortait de l’ordinaire. Le type dont on parle a regardé la vidéo, lui on sait ce qu’il en a retenu. Ce que je lui reproche, c’est moins sa normalité, que je comprends sans partager, que son incapacité à la décentrer : « oui, pour moi, cette tenue m’inspire du désir, mais dans le cadre de la vidéo il est évident que cette personne ne cherche pas à provoquer ça, mais plutôt de la réflexion relativement aux mots qui sortent de sa bouche. Et du coup, exprimer ce désir sera nécessairement heurtant et déplacé ».
Eh bien parce que c’est exactement le même argument qui ressort c’est tout. Y a pas de manichéisme, c’est juste un fait.
En validant des arguments comme ça sur des faits « anodins » (bien que c’est déjà complètement déplacé), on les normalise pour des faits plus graves.
Et c’est largement documenté que les comportements déplacés (pouvant aller jusqu’aux agressions ou viols) ne dépendent pas de la tenue. Le problème vient de la perception des hommes et de ce qu’ils se croient autorisés à faire: que ça aille du commentaire graveleux à l’agression.
Quelqu’un avait partagé cette expo que j’avais trouvé vachement intéressante:
Sur Twitch, beaucoup de streameuses disent ne pas oser porter de débardeur ou devoir éteindre leur caméra lorsqu’elles doivent se lever car elles savent qu’elles auront droit à toute la panoplie de réaction de merde : messages lourds dans le chat, « clips » qui vont circuler, discussions sur les forums (du style « les seins de « x » parlons-en » vrai sujet à propos d’une vidéaste qui avait le malheur de se mettre en débardeur sur youtube), voir publication sur des sites porno etc.
Du coup, est-ce normal ça ? Une femme qui met un débardeur ou à qui on voit les fesses dans un jean elle fait de la provocation dont elle doit bien avoir conscience qu’il y aura des réactions ?
C’est lunaire pour moi.
Conditionnée par le patriarcat.
Vidéo très intéressante qui parle très bien du regard porté sur les femmes dans l’histoire du cinéma (occidental essentiellement).
Ça me mets effectivement très mal à l’aise.
Et toute cette discussion dans un monde où cet été y a plein d’hommes torse-nus qui se sont baladés sous mon nez dans des lieux publics, juste parce qu’ils avaient chaud.
Moi aussi j’avais chaud, et les lieux publics interdisent le torse nu quel que soit le sexe/genre.
Et pourtant je ne les ai pas sifflés, violés, agressés verbalement (même sous la forme d’un compliment), ou quoi que ce soit d’autre. Je me suis juste dit à chaque fois que ce n’était pas juste qu’eux puissent se permettre d’avoir moins chaud et que dans le même temps, les femmes ne le puissent pas à cause de leur regard et leurs pulsions à eux.
Y a même pas besoin de ça.
Je me rappelle d’un article dans le journal, je ne sais plus si c’était une élue ou pas, bref, une femme qui a partagé un contenu, c’était même une photo de groupe pour dire qu’elle était fière d’avoir fait un truc.
Et elle portait des vêtements standards, rien de transgressif ou qui pourrait être jugé comme tel.
Et ça pas loupé, sur les différents commentaires normaux du style « bravo » et compagnie, il y avait un autre lot de commentaires sur le fait qu’elle était jolie, voire bien conservée pour son âge. Donc des commentaires sur son physique, chose que l’on ne verra quasi jamais si un homme fait le même genre de post.
Elle a répondu à tous ces gens bien entendu que le but de cette annonce n’était clairement pas d’attendre des commentaires sur son physique mais de partager un événement heureux.
Théoriquement, c’est pas interdit?
Je sais que dans beaucoup de localités, hors plage, ça l’est.
Ca devrait être sanctionné.
Si la solution passe par plus de coercition, je doute qu’on aboutisse à un monde réellement plus juste.
L’objectif me semble au contraire de réussir à créer une société dans laquelle homme, femme ou n’importe quoi puisse se promener dans la tenue de son choix, sans avoir à subir le moindre jugement…
Torse nu, pour moi c’est pas une tenue appropriée.
Tu fais ça sur ton balcon, ta terrasse si tu veux, à la plage, mais pas dans la rue.
L’interdiction de se balader torse nu, ce n’est pas lié à une volonté d’avoir un monde plus juste ou de favoriser l’égalité homme femme, du coup l’argument est bancal.
Ben justement ma compagne me l’a déjà dit et je suis d’accord que les choses évolueraient peut-être positivement si on permettait à tout le monde de se balader torse nu. Et peut-être qu’au bout d’un moment on arrêterait avec cette sacralisation du sein.